Petit Panthéon du Numérique

Le panthéon des mathématiques est très peuplé (Pythagore, Euclide, Gauss…). La physique a deux « pères fondateurs » emblématiques (Newton et Einstein). La théorie de l’évolution est immédiatement rattachée à Darwin.

Mais qu’en est-il le numérique qui transforme tant le monde moderne ? Pourquoi son histoire est-elle, dans l’esprit du grand public, réduite à quelques figures médiatiques de la Silicon Valley comme Steve Jobs ou Bill Gates ?

Longtemps je me suis demandé quelles étaient les racines du numérique tel que nous le connaissons aujourd’hui. Des racines multiples et très ramifiées, mais il faut bien faire un choix. Ce billet présente les portraits de mon petit panthéon personnel : celles et ceux qui ont créé les concepts scientifiques fondamentaux du numérique.

La machine analytique […] peut exécuter tout ce que nous saurons lui ordonner d’exécuter […]
Cette citation est celle d’une jeune femme de 27 ans, née il y a tout juste 200 ans, le 10 décembre 1815 Lady Ada Byron, comtesse de Lovelace. Ada Lovelace était mathématicienne. Elle a déjà la vision de l’ordinateur moderne, elle a écrit le premier programme informatique de tous les temps. Évidemment, les algorithmes sont bien plus anciens : certaines tablettes d’argile sumérienne donnaient de véritables « recettes de calculs » et, en ce sens, transcrivaient des algorithmes… destinés à être exécutés par des êtres humains.

Mais c’est une idée très novatrice qu’une machine analytique – ce que nous nommons aujourd’hui un ordinateur – puisse exécuter scrupuleusement toute suite d’instruction, même très longue, que nous lui donnons. Encore plus fascinant est le fait que ce programme a été écrit pour un ordinateur qui n’existait pas. Ou plutôt, qui n’existait que dans l’imagination de l’inventeur anglais Charles Babbage

Ce premier programme a été écrit alors même que les 0 et les 1 n’étaient pas encore inventés. En fait, pas les chiffres 0 et 1, mais la capacité de représenter des raisonnements logiques avec des 0 et de 1. Ada était en effet contemporaine d’un autre grand, Georges Boole. Boole s’interrogeait sur la manière dont fonctionne la pensée. Il a publié en 1847 un monumental livre « on the law of thought » dans lequel, presque au passage, il a formalisé mathématiquement avec des 0 et des 1 les complexes raisonnements logiques qui avant lui s’exprimaient dans la langue de tous les jours. Il a ainsi littéralement mis en équations les fameux syllogismes de type « Tous les hommes sont mortels, Socrate est un homme donc Socrate est mortel ». L’algèbre Booléenne est encore maintenant le code génétique au cœur de tous nos ordinateurs.

100 ans après Ada Lovelace et Georges Boole, naissait Claude Shannon. Shannon a fait deux choses remarquables. Il a eu l’idée le premier d’utiliser l’algèbre de Boole pour créer des circuits électroniques. Et dans un article de 1948 (A Mathematical Theory of Communication) il a énoncé une formule qui définit les limites théoriques de la communication. Chaque jour, nos réseaux sont confrontés à cette limite et nos chercheurs font des miracles pour s’en approcher et même… la dépasser un jour !

Alan Turing est né à peu près en même temps que Shannon. Il est plus connu par le grand public pour son rôle dans le déchiffrement de la machine Enigma utilisée par les Allemands pendant la 2ème guerre mondiale. Vous avez peut-être vu le film récent « The Imitation Game » à son sujet. Mais son travail le plus important a été de comprendre ce qu’était le calcul. Il a montré que tous les ordinateurs, bien que différents par leur performances, sont équivalent à une machine très simple, dite « machine de Turing ». C’est elle qui est représentée ici.

Des logiciels pour exprimer des algorithmes complexes, des réseaux pour communiquer, des machines pour calculer : ces chercheurs, ces découvreurs, ces rêveurs ont créé tous les piliers scientifiques de notre monde numérique.
Vraiment, le numérique n’est pas né dans les années 1970 au cœur de la silicon Valley, mais rendu possible par des scientifiques visionnaires il y a 200 ans…

Un grand merci donc à Ada Lovelace, Georges Boole, Claude Shannon et Alan Turing.

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