Imprimés, écologiques, innovants… les promesses des semi-conducteurs organiques

Electronique organique
• À la différence des semi-conducteurs classiques, les semi-conducteurs organiques sont composés de polymères, et permettent de fabriquer des composants électroniques moins coûteux et plus écologiques.
• Imprimables, ces matériaux peuvent être incorporés dans des encres ou déposés sur un substrat par impression. Ils ouvrent la voie à l'électronique flexible.
• Objets connectés, applications médicales, écrans nouvelles générations… leur utilisation est de plus en plus diversifiée et intéresse les industriels au regard d’un impact environnemental moindre.

“Les matériaux organiques sont imprimables : ils peuvent être incorporés dans des encres, déposées sur un substrat par impression.”

En février 2023, une équipe de chercheurs américains publie un article dans le journal de l’American Chemical Society, concernant le développement d’un conducteur organique transparent sans indium (une terre rare très coûteuse), composé de polymère. Le carbone à la base des matériaux utilisés est lui disponible en abondance. C’est une nouvelle prometteuse pour le développement de l’industrie électronique, qui dépend de composants minéraux comme le silicium – en situation de pénurie – et, dans une moindre mesure, le germanium. Les enjeux contemporains et géostratégiques majeurs auxquels fait face l’industrie supposent de limiter l’utilisation de terres rares, voire de trouver des alternatives. C’est l’une des raisons pour lesquelles des entreprises bretonnes comme Asca, développement et fabriquent des films solaires organiques, sans terres rares ni silicium. Cette technologie repose sur des matériaux organiques conducteurs et semi-conducteurs, en particulier les polymères qui présentent une alternative sur le marché de l’électronique. Ils sont utiles pour fabriquer des transistors, des cellules photovoltaïques ou des diodes électroluminescentes et ont l’avantage d’être moins coûteux, faciles à déposer et potentiellement flexibles. Ils ont ouvert récemment des perspectives à une nouvelle approche de l’électronique dite électronique plastique.

L’électronique organique offre également des perspectives prometteuses pour l’exploitation de l’intelligence artificielle

Les polymères sont des substances chimiques composées de macromolécules (des molécules constituées de milliers d’atomes similaires). Ils peuvent exister à l’état naturel ou être obtenus en laboratoire à l’aide d’une réaction chimique, la polymérisation. La cellulose (bois, papier, coton, etc.), les matières plastiques et les caoutchoucs sont parmi les plus connus. Le plus souvent, les polymères sont des isolants électriques, mais certains sont conducteurs. Leur découverte, à la fin des années 1970, ouvre la voie à une nouvelle électronique : l’électronique organique, imprimée et flexible.

L’électronique organique offre également des perspectives pour l’exploitation de l’intelligence artificielle. Dans les systèmes traditionnels, l’unité de calcul, la captation des données et la mémoire sont séparées. En avril 2023, des chercheurs des universités de Hong Kong et de Xi’an publient dans Nature un article dans lequel ils décrivent un nouveau type de transistor électrochimique organique capable de jouer le rôle de capteur et de processeur, comportant ainsi le potentiel d’améliorer les performances et la consommation énergétique des systèmes.

L’OLED, ambassadrice de l’électronique organique

La technologie OLED (Organic Light-Emitting Diode) utilisée dans les écrans de certains téléphones et appareils photo numériques a déjà familiarisé le grand public avec les semi-conducteurs organiques. Les diodes électroluminescentes organiques sont des dispositifs opto-électroniques capables d’émettre de la lumière lorsqu’ils sont parcourus par un courant électrique. Ils permettent à l’écran OLED d’être « autoémissif » : il peut émettre de la lumière sans avoir besoin de rétroéclairage, ce qui réduit le nombre de couches – et donc le nombre d’étapes et la quantité de matières premières – nécessaires à sa fabrication. Cela lui confère des atouts par rapport à un écran utilisant la technologie des cristaux liquides (LCD).

Plus fins, légers et souples, les écrans OLED offrent des couleurs plus intenses, des noirs plus profonds, de meilleurs contrastes, un angle de vue plus agréable et plus de réactivité. Des modèles incurvés, pliables et enroulables sont envisageables. « Au vu de ses caractéristiques [l’OLED] pourrait bien dominer un jour le marché », affirme le CNRS. La fabrication des panneaux OLED est cependant coûteuse et demande beaucoup de main-d’œuvre et de temps dans la production, face à une demande croissante.  De nombreux projets de recherche étudient actuellement une alternative, appelée « Solution-Processed OLEDs » ou « OLED traitées en solution » qui permettrait à l’industrie de produire des panneaux plus grands sans les contraintes industrielles des OLEDs traditionnelles.

Un nouveau procédé de fabrication pour l’électronique

En juillet 2023, l’Indian Institute of Science développe un semi-conducteur composite, contenant 40% de polymères, dédié à l’impression d’écrans flexibles, notamment pour fabriquer des téléphones pliables ou autres objets connectés pliables.

C’est en effet le propre des matériaux organiques : ils sont imprimables : ils peuvent être incorporés dans des encres, déposées sur un substrat par impression. Il est donc possible de réaliser des circuits électroniques par « simple » impression, à l’aide de différentes techniques (jet d’encre, sérigraphie, gravure, flexographie, etc.). La production résultante est plus simple et moins coûteuse qu’avec la lithographie électronique, majoritairement utilisée dans l’électronique à base de silicium.

Ce procédé de fabrication, autre avantage, peut utiliser aussi bien des substrats rigides, comme le verre, que des substrats souples, comme les plastiques, les textiles ou le papier. Il rend possible d’intégrer un large éventail de dispositifs électroniques – des capteurs, par exemple – dans des objets de toute forme, taille ou composition.

De nombreuses applications

De ce fait, l’électronique organique imprimée ouvre la voie à une multitude d’applications, parmi lesquelles :

  • Les cellules photovoltaïques, avec la mise au point de films souples capables de recouvrir n’importe quelle surface (le toit d’une voiture, par exemple) ;
  • Les technologies portables pour le sport ou la santé, notamment les capteurs biomédicaux pour le suivi à distance des patients. Dans la santé, ces matériaux pourront par exemple être utilisés dans le traitement de la cécité visuelle via l’insertion d’une puce dans l’œil des patients, capable de convertir les rayons lumineux en signaux électriques envoyés dans le cerveau du patient.
  • Les capteurs intégrés dans les sols, les murs ou les machines et pièces industrielles, pour mesurer la température, l’humidité, la pression, la déformation, etc. ;
  • Les étiquettes et emballages intelligents pour la traçabilité et la protection des produits, le contrôle qualité ou la lutte anti-contrefaçon.

En Belgique, le géant mondial des adhésifs Henkel s’est associé à la PME Quad Industries pour accélérer le développement et la commercialisation d’applications d’électronique imprimée. En 2020, les deux partenaires collaborent au sein d’un consortium pour la mise au point d’un patch médical pour le suivi des patients atteints de coronavirus. Ils explorent aujourd’hui plusieurs cas d’usage dans les domaines de la santé (patch pour les patients épileptiques), du sport (capteur flexible inséré dans les chaussures des joueurs de golf), du bâtiment (détecteur de fuites), etc.

Pour sa part, Piezotech, filiale du groupe de chimie français Arkema, produit des polymères électroactifs – des polymères qui se déforment sous l’action d’un champ électrique –, sous forme de poudres, d’encres et de films minces. Dans le cadre du projet européen baptisé « Supersmart », l’entreprise a présenté deux démonstrateurs basés sur ces matériaux à fort potentiel : une étiquette intelligente de détection des chocs – pouvant être utilisée pour le suivi de colis et d’objets fragiles ou la mesure de l’usure d’équipements – et une étiquette anti-contrefaçon.

Une technologie moins polluante ?

L’électronique organique imprimée est-elle une technologie pérenne dans un contexte de raréfaction des matières premières et de crise écologique ? L’Association française de l’électronique imprimée (Afelim) soutient qu’elle peut contribuer à réduire l’impact environnemental des secteurs dans lesquels elle trouve des applications. Les processus de fabrication à basse température auxquels elle recourt consomment moins d’énergie et de matières premières. De plus, elle permet d’explorer des solutions nouvelles pour répondre aux enjeux environnementaux posés par les technologies actuelles, tels que la gestion des déchets d’équipements électroniques.

L’intégration de dispositifs électroniques dans les pièces industrielles à des fins de maintenance prédictive est un autre exemple. Le Centre Technique Industriel innovation plastique et composite (IPC) et le CEA développent un film plastique, incorporant plusieurs capteurs, directement intégrés dans les matériaux composites des pales d’éolienne lors de l’infusion (procédé de mise en œuvre des composites). Cette technologie, qui épouse parfaitement la forme de la pièce, doit permettre de détecter les dommages potentiels que pourrait subir la pale dans le but d’allonger sa durée de vie.

Les semi-conducteurs organiques peuvent d’ailleurs être intégrés dans des vêtements et implanté dans le corps humain pour des applications médicales, raison pour laquelle on les qualifie de « biocompatibles ». Ils sont également pour la plupart biodégradables.

Les propriétés des semi-conducteurs organiques font de l’électronique organique, imprimée et flexible, une filière prometteuse. Selon le cabinet d’études IDTechEx, ce marché devrait passer de 41,2 milliards de dollars en 2020 (environ 36 milliards d’euros) à 74 milliards de dollars en 2030 (plus de 65 milliards d’euros). Dans les prochaines années, cette technologie de rupture devrait être de plus en plus utilisée en complémentarité avec l’électronique basée sur le silicium.

 

Sources

Flexible, Printed and Organic Electronics 2020-2030: Forecasts, Technologies, Markets https://www.idtechex.com/en/research-report/flexible-printed-and-organic-electronics-2020-2030-forecasts-technologies-markets/687

Demain, l’électronique flexible ? https://lejournal.cnrs.fr/articles/demain-lelectronique-flexible

L’électronique organique imprimée à l’heure de la maturité https ://www.cea-tech.fr/cea-tech/Pages/2021/L-electronique-organique-imprimee-a-l-heure-de-la-maturite.aspx

L’électronique organique, une révolution ? https://youtu.be/hA1YLADsBhw

L’électronique imprimée se rêve en championne des technologies vertes https ://www.industrie-techno.com/article/l-electronique-imprimee-se-reve-en-championne-des-technologies-vertes.61704

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