Les semi-conducteurs organiques ouvrent une nouvelle voie pour l’électronique

Electronique organique
L’électronique organique imprimée offre des solutions alternatives et complémentaires à l’électronique basée sur le silicium dans des secteurs comme l’électronique grand public, l’internet des objets, la médecine ou encore la logistique.

“Les matériaux organiques sont imprimables : ils peuvent être incorporés dans des encres, déposées sur un substrat par impression.”

L’électronique dépend de composants minéraux, principalement le silicium – actuellement en situation de pénurie – et, dans une moindre mesure, le germanium. Les matériaux organiques conducteurs et semi-conducteurs, en particulier les polymères, présentent toutefois une alternative.

Les polymères sont des substances chimiques composées de macromolécules (des molécules constituées de milliers d’atomes similaires). Ils peuvent exister à l’état naturel ou être obtenus en laboratoire à l’aide d’une réaction chimique, la polymérisation. La cellulose (bois, papier, coton, etc.), les matières plastiques et les caoutchoucs sont parmi les plus connus.

Le plus souvent, les polymères sont des isolants électriques, mais certains sont conducteurs. Leur découverte, à la fin des années 1970, a ouvert la voie à une nouvelle électronique : l’électronique organique, imprimée et flexible.

L’OLED, ambassadrice de l’électronique organique

La technologie OLED (Organic Light-Emitting Diode) utilisée dans les écrans de certains téléphones et appareils photo numériques a déjà familiarisé le grand public avec les semi-conducteurs organiques. Les diodes électroluminescentes organiques sont des dispositifs opto-électroniques capables d’émettre de la lumière lorsqu’ils sont parcourus par un courant électrique. Ils permettent à l’écran OLED d’être “auto-émissif” : il peut émettre de la lumière sans avoir besoin de rétroéclairage, ce qui réduit le nombre de couches – et donc le nombre d’étapes et la quantité de matières premières – nécessaires à sa fabrication.

Cela lui confère des atouts par rapport à un écran utilisant la technologie des cristaux liquides (LCD). Plus fins, légers et souples, les écrans OLED offrent des couleurs plus intenses, des noirs plus profonds, de meilleurs contrastes, un angle de vue plus agréable et plus de réactivité. Des modèles incurvés, pliables et enroulables sont envisageables.

“Au vu de ses caractéristiques, [l’OLED] pourrait bien dominer un jour le marché,” affirme le CNRS.

Un nouveau procédé de fabrication pour l’électronique

Les matériaux organiques sont imprimables : ils peuvent être incorporés dans des encres, déposées sur un substrat par impression. Il est donc possible de réaliser des circuits électroniques par “simple” impression, à l’aide de différentes techniques (jet d’encre, sérigraphie, gravure, flexographie, etc.). La production résultante est plus simple et moins coûteuse qu’avec la lithographie électronique, majoritairement utilisée dans l’électronique à base de silicium.

Ce procédé de fabrication, autre avantage, peut utiliser aussi bien des substrats rigides, comme le verre, que des substrats souples, comme les plastiques, les textiles ou le papier. Il rend possible d’intégrer un large éventail de dispositifs électroniques – des capteurs, par exemple – dans des objets de toute forme, taille ou composition.

De nombreuses applications

De ce fait, l’électronique organique imprimée ouvre la voie à une multitude d’applications, parmi lesquelles :

  • les cellules photovoltaïques, avec la mise au point de films souples capables de recouvrir n’importe quelle surface (le toit d’une voiture, par exemple) ;
  • les technologies portables pour le sport ou la santé, notamment les capteurs biomédicaux pour le suivi à distance des patients ;
  • les capteurs intégrés dans les sols, les murs ou les machines et pièces industrielles, pour mesurer la température, l’humidité, la pression, la déformation, etc. ;
  • les étiquettes et emballages intelligents pour la traçabilité et la protection des produits, le contrôle qualité ou la lutte anti-contrefaçon.

En Belgique, le géant mondial des adhésifs Henkel s’est associé à la PME Quad Industries pour accélérer le développement et la commercialisation d’applications d’électronique imprimée. En 2020, les deux partenaires avaient collaboré au sein d’un consortium pour la mise au point d’un patch médical pour le suivi des patients atteints de coronavirus. Ils explorent aujourd’hui plusieurs cas d’usage dans les domaines de la santé (patch pour les patients épileptiques), du sport (capteur flexible inséré dans les chaussures des joueurs de golf), du bâtiment (détecteur de fuites), etc.

Pour sa part, Piezotech, filiale du groupe de chimie français Arkema, produit des polymères électroactifs – des polymères qui se déforment sous l’action d’un champ électrique –, sous forme de poudres, d’encres et de films minces. Dans le cadre du projet européen baptisé “Supersmart”, l’entreprise a présenté deux démonstrateurs basés sur ces matériaux à fort potentiel : une étiquette intelligente de détection des chocs – pouvant être utilisée pour le suivi de colis et d’objets fragiles ou la mesure de l’usure d’équipements – et une étiquette anti-contrefaçon.

Une technologie moins polluante ?

L’électronique organique imprimée est-elle une technologie pérenne dans un contexte de raréfaction des matières premières et de crise écologique ? L’Association française de l’électronique imprimée (Afelim) soutient qu’elle peut contribuer à réduire l’impact environnemental des secteurs dans lesquels elle trouve des applications. Les processus de fabrication à basse température auxquels elle recourt consomment moins d’énergie et de matières premières. De plus, elle permet d’explorer des solutions nouvelles pour répondre aux enjeux environnementaux posés par les technologies actuelles, tels que la gestion des déchets d’équipements électroniques.

Développée sur le substrat papier du papetier Arjowiggins, l’étiquette anti-choc de Piezotech est recyclable. En effet, la cellulose se sépare bien de l’encre. Lorsque le dispositif électronique arrive en fin de vie, les fibres traitées peuvent entrer dans la fabrication de papier recyclé. Arjowiggings a lancé un projet pour trouver des applications aux encres conductrices recyclées.

L’intégration de dispositifs électroniques dans les pièces industrielles à des fins de maintenance prédictive est un autre exemple. Le Centre Technique Industriel innovation plastique et composite (IPC) et le CEA développent un film plastique, incorporant plusieurs capteurs, directement intégré dans les matériaux composites des pales d’éolienne lors de l’infusion (procédé de mise en œuvre des composites). Cette technologie, qui épouse parfaitement la forme de la pièce, doit permettre de détecter les dommages potentiels que pourrait subir la pale dans le but d’allonger sa durée de vie.

Les propriétés des semi-conducteurs organiques font de l’électronique organique, imprimée et flexible, une filière prometteuse. Selon le cabinet d’études IDTechEx, ce marché devrait passer de 41,2 milliards de dollars en 2020 (environ 36 milliards d’euros) à 74 milliards de dollars en 2030 (plus de 65 milliards d’euros). Dans les prochaines années, cette technologie de rupture devrait être de plus en plus utilisée en complémentarité avec l’électronique basée sur le silicium.

Sources

Flexible, Printed and Organic Electronics 2020-2030: Forecasts, Technologies, Markets https://www.idtechex.com/en/research-report/flexible-printed-and-organic-electronics-2020-2030-forecasts-technologies-markets/687

Demain, l’électronique flexible ? https://lejournal.cnrs.fr/articles/demain-lelectronique-flexible

L’électronique organique imprimée à l’heure de la maturité https ://www.cea-tech.fr/cea-tech/Pages/2021/L-electronique-organique-imprimee-a-l-heure-de-la-maturite.aspx

L’électronique organique, une révolution ? https://youtu.be/hA1YLADsBhw

L’électronique imprimée se rêve en championne des technologies vertes https ://www.industrie-techno.com/article/l-electronique-imprimee-se-reve-en-championne-des-technologies-vertes.61704

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