Comment les voyageurs préparent-ils leurs vacances ?

Orange explore l’intérêt d’un assistant numérique dans le domaine du voyage

Internet s’impose aujourd’hui comme la principale source d’informations pour préparer son voyage, loin devant les agences de voyage et les guides touristiques papiers. La préparation s’effectue en général plusieurs mois à l’avance et s’avère souvent chronophage voire « stressante » pour les voyageurs.

Fort de ces constats, Orange se doit d’explorer l’idée d’un assistant numérique de voyage qui permettrait d’alléger et de simplifier cette préparation. Pour cela il importe au préalable de connaitre les pratiques actuelles de préparation, afin d’orienter au mieux nos investigations. Nous avons donc réalisé fin 2014 une enquête sociologique par entretiens auprès de 27 voyageurs en leur demandant une description minutieuse de la préparation réalisée pour leur dernier voyage. Au vu des résultats, il apparait que le voyageur est aujourd’hui soumis à un sérieux dilemme lorsqu’il aborde la préparation de son périple ou séjour : doit-il privilégier une préparation minutieuse au risque de perdre en liberté une fois sur place ou au contraire opter pour une préparation minimale au risque de revenir déçu de son voyage ? Cet article se propose de montrer que chaque touriste résout à sa manière ce dilemme en se positionnant sur un continuum entre deux profils contraires, les « détachés » et les « planificateurs ». Chacun compose ainsi son propre voyage, en fonction de son goût pour la préparation, de ses contraintes et de ce qu’il estime être un voyage réussi.

Deux profils extrêmes

Les détachés

Ce premier profil regroupe des personnes qui effectuent une préparation minimale. La première forme, la plus répandue, consiste en des vacances-repos, par exemple dans des hôtels clubs qui proposent une prise en charge complète, dispensant de toute préparation. Une autre forme de non-préparation, cette fois plus aventurière, concerne des voyageurs qui souhaitent suivre leurs envies, au gré des rencontres effectuées sur place. Ainsi Mat, 20 ans décrit son voyage : « C’était complétement à l’arrache, on n’avait même pas prévu à l’avance… On avait 3-4 villes qu’on voulait absolument faire mais on se disait : quand on en a marre on bouge. Et puis si en chemin on croise un mec qui nous invite… ». Cette façon de voyager « à l’aventure » est très valorisée dans les discours et se présente souvent comme un idéal difficile à atteindre : « On a dit qu’on devait partir sans tout planifier, en mode tranquille – sac à dos. Mais faut que je me fasse un peu violence pour ne pas tout planifier. » (Alice, 40 ans).

Ces préparations minimales existent mais sont néanmoins minoritaires au sein des voyageurs rencontrés. Trois raisons principales apparaissent. Tout d’abord le risque de se trouver en situation inconfortable une fois sur place, par exemple sans hébergement. Mais ce qui apparaît le plus souvent est la double crainte de « manquer les immanquables » et de « ne jamais sortir des sentiers battus » (Calvignac, 2014). Ainsi, Sara, 26 ans, nous confie : « J’aurais trop peur une fois rentrée, de me dire mince le monastère super du 18è, on l’a loupé parce qu’on a fait au hasard. ». Le risque de voir son voyage réduit aux seuls lieux du tourisme de masse par manque de préparation est également très présent dans les paroles des voyageurs et repris souvent tel quel dans les promesses des guides touristiques (« des visites culturelles originales en dehors des sentiers battus » proclame ainsi le guide du routard).

On voit donc que ce mode de préparation « détachée » représente un idéal à viser mais reste peu pratiqué dans les faits. A l’opposé du continuum se trouvent les planificateurs.

Les planificateurs

Pour ces voyageurs, la préparation est très minutieuse, avec des parcours de visites, et parfois même un emploi du temps très précis pour chaque journée : « Pour New York on est parti avec un feuillet assez épais : pour chaque jour on avait énuméré tout ce qu’il fallait qu’on voit, la liste des magasins qu’il fallait faire, ce qu’il fallait acheter… » (Yann, 45 ans). La notion du temps restreint dont on dispose est ici très présente, évoquant le phénomène d’« Accélération » théorisée par le sociologue Hartmut Rosa : « Car, même en vacances, nous devons tout faire très vite.[…] Voilà pourquoi on entend dire à la rentrée : « Cet été, j’ai fait la Thaïlande en quatre jours » (Rosa, 2005). Pour certains touristes, le voyage tient avant tout de la performance, du « voyage trophée » (Bouvier, 2012). « On voulait faire vraiment un maximum de choses » nous confie Mickaël, 47 ans. On rejoint ici la « culture de la collection » décrite par Rachid Amirou « où tout se vaut, sites archéologiques ou paysages, musées nationaux ou écomusées d’anciens sites industriels, l’essentiel étant de parvenir au bout de ce qu’on peut « faire » en une journée. » (Amirou, 2012). Ce profil de planificateurs est présent aujourd’hui mais ne concerne qu’une minorité de voyageurs, la plupart se méfiant de cette préparation intense, l’accusant de trop cadrer le voyage : « Nous ce qu’on aime bien c’est ne pas avoir de parcours vraiment défini, d’idées préconçues et prendre le temps de rester, de s’arrêter là où on a envie. » (Sophie, 42 ans).

Floating Market of Damnoen Saduak,Thailand

Une multitude de possibilités entre ces 2 extrêmes

Entre le détachement et la planification, il existe une multitude de possibilités et chaque voyageur construit son mode de préparation en gardant à l’esprit ces 2 extrêmes. Par exemple Christian, 63 ans, prépare son parcours global mais pas les étapes : « J’adore ça, préparer avec des cartes, des guides, mais pour mes voyages à vélo j’improvise les hébergements. Ça me permet de faire les étapes que j’ai envie ». Au-delà des préférences de chacun, il ne faut pas oublier les contraintes auxquelles sont soumis les voyageurs. Par exemple, la perspective d’un voyage très court dans une capitale culturelle incite à davantage de préparation pour visiter le maximum de choses dans le temps imparti. Ou encore la présence de jeunes enfants contraint les voyageurs les plus aventureux à davantage de préparation qu’auparavant. La variété des modes de préparation est forte, cependant l’objectif reste le même pour tous les voyageurs : « réussir » à tout prix son voyage, devenu aujourd’hui un bien de consommation comme un autre, pour lequel il s’agit d’obtenir un « retour sur investissement » (Urbain, 2011).

En savoir plus :

 

Nous présentons ici un aperçu partiel des résultats. Pour l’étude complète, merci de contacter les auteures de l’étude : Sandrine Ville et Suzanne Lebrun. Adresse mail : sandrine.villeeber@orange.com
La préparation d’un voyage se fait en moyenne 2 à 6 mois avant le départ et près de 80 % des voyageurs ont utilisé Internet pour préparer leur dernier séjour. Source : FNCRT, 2013.

 

Bibliographie :

Rachid Amirou, Imaginaire touristique et sociabilités du voyage, PUF, 1995
Nicolas Bouvier, Il faudra repartir, Voyages inédits, Payot, 2012
Cedric Calvignac, Le dilemme du touriste équipé : suivre ou quitter les sentiers battus. Mondes sociaux, 2014
Jean Didier Urbain, L’Idiot du voyage, Payot, 1993
Hartmut Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, 2010

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