Innovations technologiques contre la pollution des milieux aquatiques

Pour lutter contre la pollution des milieux aquatiques des nouveaux outils sont mis en place comme l'analyse des environnements, l’identification des micro-organismes mais aussi la surveillance des planctons. Voir les autres innovations.

L’innovation technologique offre également des outils permettant de s’attaquer directement à la pollution des plages et des océans ; voici deux innovations passées au crible par Alexandre Liccardi, chargé de mission Innovation numérique et Big Data au sein de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et par Raouf Gnouma, directeur de l’activité Eau au sein du bureau d’études en environnement BURGEAP.

Les nouvelles technologies au service de la lutte contre la pollution des milieux aquatiques et pour favoriser la surveillance des écosystèmes écologiques.

La blockchain et les tokens, avec la start-up Empower

Utiliser la blockchain pour nettoyer les plages, c’est l’idée, unique en son genre, développée par un entrepreneur norvégien, Wilhelm Myrer. Sa start-up Empower s’inspire du système norvégien de consigne pour le recyclage des bouteilles et emballages en plastique qui polluent les plages d’Indonésie, système qui consiste à rapporter ses bouteilles vides aux commerçants et à récupérer le supplément payé lors de l’achat, ces derniers les envoyant ensuite dans des centres de retraitement des déchets.

La solution d’Empower pour les plages ? Installer des stations certifiées de recyclage qui récompensent, afin de les encourager, les personnes qui y déposent les déchets plastiques ramassés sur la plage, non pas en monnaie locale, mais en “EMP”, une cryptomonnaie dont le token a une valeur fixe d’un dollar. L’incitation financière étant une approche très efficace pour le ramassage des déchets, et la population visée étant très peu bancarisée, l’idée de la rémunération en cryptomonnaie, permise par la technologie de la blockchain, s’est imposée à son concepteur.

Cette solution permet de participer à la réduction de la pollution des océans tout en donnant accès à la bancarisation aux populations défavorisées.

Alexandre Liccardi. C’est une démarche mobilisatrice appréciable, car elle propose un nouveau modèle économique qui promeut l’autonomie financière tout en ayant une vocation écologique. En revanche, en matière d’économie réelle, cette approche ne me convainc pas totalement. Car les cryptomonnaies sont très volatiles (et EMP ne fait pas exception) et leur utilisation implique des frais de transaction qui, après imputation, entraînent des moins-values. En outre, d’un point de vue environnemental, les calculs effectués par la technologie de la blockchain impliquent des dépenses énergétiques importantes, ce qui n’est évidemment pas le but recherché ici : EMP échappe-t-elle à la règle ? Je me demande si la cryptomonnaie, qui est bien adaptée à des nombres importants de transactions, est suffisamment mûre pour servir des projets sociaux et solidaires. Et aussi si les populations visées disposeront du média (d’une connexion Internet et d’un ordinateur pour se servir de leurs tokens, chez eux, dans des cafés Internet, via smartphone) et des points de vente acceptant les cryptomonnaies.

Raouf Gnouma. C’est une approche efficace dans des pays où la situation financière est compliquée, c’est un très bon moyen de motiver les populations à recycler les déchets. Pour les pays en voie de développement qui n’ont pas les moyens d’organiser des collectes et qui sont submergés par les déchets plastiques, c’est une très bonne initiative. Mais je pense qu’il faut aussi investir pour résoudre le problème à la source, c’est-à-dire réduire la quantité de déchets produits, sensibiliser au tri, encourager le recyclage, ou encore la transformation (comme nettoyer des sacs en plastique pour les réutiliser sous forme de nappe par exemple).

Flotteurs et algorithmes, avec le projet The Ocean Cleanup

Le projet The Ocean Cleanup s’attaque lui aussi au “continent de plastique”, avec l’ambition de réduire de 50 % la quantité de plastique flottant dans l’océan Pacifique tous les cinq ans. Conçue par Boyan Slat, ingénieur et entrepreneur néerlandais, une nacelle composée d’un flotteur de 600 m de long à la surface de l’eau et d’une “jupe” de 3 m de profondeur fixée dessous a été déployée au large de San Francisco en octobre 2018. Sa mission ? Récolter un maximum de déchets… et de datas afin d’alimenter des algorithmes permettant de spécifier les meilleurs emplacements de déploiement de ce système. En effet, les flotteurs parcourent les gyres océaniques (tourbillons d’eau) de manière autonome et la télémétrie en temps réel permet de surveiller l’état, les performances et la trajectoire de chaque système. D’autre part, les flotteurs reposent entièrement sur les forces naturelles de l’océan et ne nécessitent pas de source d’énergie externe pour capturer le plastique. Tous les composants électroniques utilisés, tels que les lampes et les éclairages LED, fonctionnent à l’énergie solaire.

Alexandre Liccardi. C’est une innovation intéressante, car l’utilisation des algorithmes permet de positionner les flotteurs de manière intelligente, c’est-à-dire au bon endroit, et d’anticiper leur trajet. Mais quel est son impact sur la faune et la flore ? Plusieurs expériences d’introduction de flotteurs pour la restauration de l’environnement ont déjà été menées sur des populations marines benthiques – situées à proximité des côtes. Il en résulte la création de nouveaux habitats qui ne sont pas toujours bénéfiques pour l’écosystème. Il s’agit alors de réaliser en amont une étude d’impact, dont il faut disposer pour mesurer les coûts environnementaux et les bénéfices réels du projet. Par ailleurs, il pourrait être intéressant d’envisager un autre usage pour ces flotteurs, celui de participer à des collectes de données scientifiques, comme mesurer les courants. Ces derniers ayant “a priori” des régimes de puissance altérés, notamment à cause du changement climatique, leur suivi pourrait servir, par exemple, en météorologie.

Raouf Gnouma. Cette innovation permet de traiter de grandes surfaces et est en cela très positive, mais je me demande si elle ne risque pas de gêner la navigation des autres bateaux, donc le trafic maritime. Par ailleurs, il faut veiller à ce qu’elle n’exploite pas de la ressource naturelle pour fabriquer ces outils – les flotteurs, les jupes, les composants électroniques – et qu’elle ne génère pas de nouveaux déchets qui seraient difficiles à recycler.

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