6G : préparer aujourd'hui
les réseaux mobiles du futur

À l’instar de la 5G et de toutes les générations qui l’ont précédée, les systèmes de communication mobile sont en constante évolution. Au sein d’une même génération, ces évolutions doivent cependant rester compatibles avec les choix de conception de départ. À mesure que l’innovation amène son lot de découvertes, cette limitation technique peut empêcher l’intégration de nouvelles briques technologiques.

C’est pourquoi, tous les dix ans environ, on reprend les bases : l’écosystème mobile s’engage dans la conception d’un nouveau système, fondé sur les technologies les plus récentes. Dix ans, c’est le temps qu’il faut pour raffiner les concepts techniques, spécifier les architectures, les protocoles, développer les équipements et les tester avant le lancement commercial. Cela signifie que la conception d’une technologie de communication mobile devant être opérationnelle en 2030 commence dès maintenant.

Tandis que la 5G continue de se déployer pour atteindre sa pleine maturité, amenant des technologies de rupture et ouvrant la voie à de nombreux usages, la recherche sur la 6G a démarré. Elle n’en est qu’à ses débuts. La construction d’un consensus passe par l’échange d’idées et de résultats dans le cadre de conférences de recherche, de projets collaboratifs, de partenariats industriels. C’est en tant qu’acteur de cet écosystème en pleine ébullition qu’Orange publie maintenant son Livre Blanc sur la 6G. Services futurs, briques techniques, performances, faisabilité et coûts, impact environnemental : tout est à écrire sur celle qui est présentée comme la prochaine génération de technologie de télécommunication mobile.

Les réseaux du futur

La crise sanitaire a rappelé ces dernières années l’importance des réseaux qui connectent les utilisateurs au monde. La future connectivité ambiante, essentielle dans la vie quotidienne de tous, nécessite une combinaison de différentes infrastructures. Grâce à des technologies clés, dont la 6G, nous entrerons dans une nouvelle ère de connectivité à la demande et auto-adaptative aux services de manière autonome.

Orange relève le défi de construire des réseaux polyvalents, sécurisés, puissants, résilients, conçus pour limiter leur impact environnemental, capables de fournir en temps réel à ses clients une connectivité de qualité, partout et à tout moment, tout en améliorant l’efficacité opérationnelle et la performance économique.

La 5G Stand Alone

La 5G Stand Alone, ou 5G SA, améliore l’expérience des utilisateurs, entreprises comme grand public, en adaptant la connectivité à leurs besoins.
Pour les entreprises, cette technologie satisfait leur besoin de connectivité flexible, évolutive, fiable et sécurisée pour les usages en temps réel. Pour le grand public, elle favorise la performance de nouveaux services de réalité augmentée et réalité virtuelle par exemple.

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L’Edge Computing

L’edge computing consiste à déporter le traitement et le stockage des données non plus vers des serveurs distants mais à la périphérie du réseau. Ainsi, les données ne transitent plus systématiquement par le “cloud” mais sont traitées en local, au plus proche des hommes ou des machines qui les produisent et/ou les consomment. Cette technologie clé va révéler tout son potentiel avec les générations de réseaux mobile 5G et 6G. Elle constitue le socle technologique permettant une expérience fluide, des services personnalisés et localisés : le contrôle qualité grâce à l’analyse d’images, les mondes virtuels, 3D et peuplés d’avatars comme le métavers par exemple.

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L’Open RAN

L’Open RAN (pour “Open Radio Access Network”) est une architecture réseau qui permet, via des protocoles et des interfaces ouverts, de construire des réseaux d’accès radio multi-vendeurs intelligents.

La création de l’alliance mondiale O-RAN, fondée en 2018 par six opérateurs dont Orange, œuvre à produire les spécifications de cette nouvelle architecture et à favoriser l’arrivée de nouveaux acteurs.

L’Open RAN peut être déployé en conjonction avec la virtualisation des fonctions réseaux et ouvre la voie à l’automatisation des réseaux, à l’aide de technologies basées sur l’intelligence artificielle et le machine learning (apprentissage automatique).

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Pikeo

Pikeo est le réseau expérimental d’Orange lancé en juillet 2021 à Lannion. Il préfigure la prochaine génération de réseaux mobiles plus performants, plus autonomes (« zero touch network », minimisant les interventions humaines) et adaptatifs. Ce réseau 5G Stand Alone, 100% logiciel, cloud natif et automatisé de bout en bout, vise à exploiter le potentiel de l’IA et s’appuie sur des solutions Open RAN.

C’est la première fois en Europe qu’un opérateur réunit au sein d’un même réseau toutes les briques technologiques d’avant-garde, autorisant ainsi à Orange et à ses partenaires de les tester en conditions réelles.

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Orange est engagé dans diverses initiatives pour construire la 6G

Hexa-X

Hexa-X est un projet européen, coordonné par Nokia et Ericsson. Orange, Atos et le CEA font partie des partenaires français de cette initiative, à laquelle participe même l'américain Intel. Il vise à connecter les mondes physique, numérique et humain, grâce à de nouvelles technologies radio et de nouvelles architectures.

La vision d’Hexa-X appelle à la création d'une structure d'intelligence connectée, de réseaux de réseaux, de durabilité, de couverture mondiale des services, d'expérience extrême et de fiabilité.

Hexa-X

NGMN Alliance

L'alliance NGMN ("Next Generation Mobile Networks") est une association de télécommunications mobiles regroupant des opérateurs mobiles, des fournisseurs d’équipements et des instituts de recherche. Elle a été fondée par les principaux opérateurs mobiles en 2006 comme un forum ouvert pour évaluer les technologies candidates afin de développer une vision commune des solutions pour la prochaine évolution des réseaux sans fil.

Son objectif est de fournir des recommandations pour développer des services de télécommunications mobiles innovants et abordables pour l'utilisateur final, avec un accent particulier sur le soutien à la mise en œuvre complète de la 5G, la maîtrise de la route vers la désagrégation des réseaux, la durabilité et les réseaux verts, ainsi que la 6G.

Alliance NGMN

IOWN Global Forum

IOWN ("Innovative Optical and Wireless Network") est un une initiative visant à fournir des capacités avancées de faible consommation d'énergie, de bande passante ultra large, de latence très faible pour les services futurs grâce à des technologies de pointe telles que les technologies basées sur la photonique de prochaine génération. Le Forum vise à créer un monde plus intelligent où les données, les activités et les personnes de différents secteurs se réunissent afin de créer une société i entièrement connectée dans laquelle les personnes et la société bénéficieront de technologies avancées adaptées à elles et à leur environnement.

IOWN Global Forum

RISE 6G

Le projet européen RISE-6G vise à étudier des solutions innovantes qui s'appuient sur les dernières avancées de la technologie émergente des surfaces intelligentes reconfigurables (RIS), qui offre un contrôle de la propagation des ondes radio dynamique, permettant le concept d'environnement sans fil en tant que service.

RISE 6G

6G-IA Association

La 6G Smart Networks and Services Industry Association (6G-IA) est la voix de l'industrie et de la recherche européennes pour les réseaux et services de nouvelle génération. Son objectif principal est de contribuer au leadership de l'Europe en matière de recherche sur la 5G, l'après 5G et la 6G. La 6G-IA rassemble une communauté industrielle mondiale d'acteurs des télécommunications et du numérique, tels que des opérateurs, des fabricants, des instituts de recherche, des universités, des entreprises verticales, des PME et des associations des TIC. La 6G-IA mène un large éventail d'activités dans des domaines stratégiques tels que la normalisation, le spectre de fréquences, les projets de R&D, les compétences technologiques, la collaboration avec les principaux secteurs industriels verticaux, notamment pour le développement d'essais, et la coopération internationale.

6G-IA Association

MARSAL

Le projet MARSAL est un projet ICT-52 financé par la Commission européenne, qui vise à développer et à évaluer un cadre complet pour la gestion et l'orchestration des ressources du réseau dans la 5G et au-delà, en utilisant une infrastructure de réseau optique-sans fil convergente dans les segments d'accès et de fronthaul/midhaul.

MARSAL

DEDICAT-6G

DEDICAT 6G est un projet qui vise à développer une plateforme de connectivité intelligente utilisant des techniques d'intelligence artificielle et de blockchain qui permettront aux réseaux 6G de combiner l'infrastructure de communication existante avec une distribution inédite de l'intelligence (données, calcul et stockage) en périphérie pour permettre une réalisation non seulement flexible, mais aussi économe en énergie de l'expérience en temps réel envisagée.

DEDICAT-6G

La NGMN Alliance déploie tous ses efforts pour une norme 6G unifiée à l’échelle mondiale

Grâce à son approche collaborative unique, la Next Generation Mobile Networks (NGMN) Alliance pose les bases d’une norme 6G unifiée à l’échelle mondiale et crée une nouvelle génération de réseaux durable et respectueuse de l’environnement.

Fondée en 2006, la NGMN Alliance comprend l’ensemble de la chaîne de valeur des télécommunications, des opérateurs aux fournisseurs, en passant par les éditeurs de logiciels et les établissements de recherche du monde entier. “La NGMN se base sur les opérateurs et collabore étroitement avec ses membres pour offrir des conseils avisés et des bénéfices à l’ensemble de l’écosystème des télécommunications”, déclare Anita Döhler, PDG de la NGMN.

Nous joignons nos forces à l’échelle mondiale pour affronter au mieux les plus grands défis et opportunités du secteur, et nous nous concentrons sur trois piliers stratégiques : maîtriser la voie de la désagrégation, construire des réseaux verts et guider le développement de la 6G.

Une force indispensable pour la 6G

La NGMN Alliance a joué un rôle capital dans la mise en place de la 4G et la 5G, en fournissant des conseils à l’échelle du secteur sur les niveaux d’exigence et en soutenant l’harmonisation globale. Bien que l’Alliance continue de soutenir la mise en œuvre complète de la 5G, elle a commencé à travailler sur la nouvelle génération de réseaux dès 2020. La NGMN Alliance est l’une des rares organisations au monde à rassembler des acteurs internationaux. Cette coopération mondiale unique fait de la NGMN Alliance un allié essentiel pour aider les parties prenantes à faire face aux nombreux défis à venir concernant le développement de la 6G. Et l’élaboration d’une norme 6G unifiée est sans aucun doute le défi numéro un. “Il est essentiel d’éviter la duplication des normes, car cela entraîne des retards et des difficultés sur le marché, comme le manque de systèmes interopérables”, indique Anita Döhler. Orange, qui a joué un rôle clé dans la conception de la 4G et la 5G, est également un membre actif du projet 6G. “La NGMN est essentielle à la création d’une approche d’opérateur unifiée. Cela est primordial car, en fin de compte, ce sont les opérateurs qui exploitent le réseau, entretiennent une relation avec les clients et investissent dans l’infrastructure réseau”, explique Eric Hardouin, VP Ambient Connectivity Research chez Orange.

Le développement durable, un élément fondamental de la conception de la 6G

La publication du livre blanc de la NGMN intitulé “6G Drivers and Vision” (Les moteurs et la vision de la 6G) en avril 2021 a marqué un tournant. Les opérateurs de réseaux mobiles de la NGMN ont identifié trois principaux facteurs pour la 6G : répondre aux exigences sociétales, satisfaire les demandes du marché en offrant de nouvelles expériences et rendre le fonctionnement du réseau des opérateurs mobiles plus efficace. “Avec la 6G, les opérateurs doivent offrir des expériences innovantes qui créent de la valeur pour l’utilisateur final et pour l’ensemble de la chaîne de valeur, et cela n’est pas toujours possible avec la 5G dans sa mise en œuvre complète”, souligne Anita Döhler.

Le développement durable est clairement l’un des facteurs principaux de la 6G, aussi bien en termes d’éco-conception que de réduction de l’empreinte carbone des industries et des activités humaines. Et cela ne peut se concrétiser que si l’ensemble de l’écosystème adopte une approche globale.

En tant que contributeur clé du livre blanc “6G Drivers and Vision” de la NGMN, Orange a promu de manière très active une forte vision sociétale de la 6G. Orange estime que le secteur des télécommunications a un rôle majeur à jouer dans la réduction des émissions de CO2 de divers secteurs, comme l’explique Eric Hardouin : “Nous devons concevoir la 6G pour la rendre plus efficace dans la gestion des défis climatiques. Pour cela, nous devons minimiser l’empreinte environnementale du futur réseau, y compris les émissions de CO2 associées à la phase de construction des équipements, et nous assurer que nous apporterons une valeur maximale aux autres secteurs en leur permettant de réduire leur propre empreinte environnementale.”

Une approche de la 6G axée sur l’utilisation

La publication du rapport “6G Use Cases and Analysis” (Cas d’utilisation de la 6G et analyse) en février 2022 a constitué une autre étape importante vers la 6G. Au total, 43 entreprises ont participé et près de 50 cas d’utilisation ont été transformés en 14 cas d’utilisation génériques répartis en quatre catégories : amélioration de la communication humaine, amélioration de la communication machine, activation des services et évolution du réseau. L’identification des cas d’utilisation est nécessaire pour prédire les tendances majeures dans les futurs scénarios d’utilisation et pour contribuer à orienter les besoins et les exigences en matière de changement générationnel pour l’avenir. “La NGMN anticipe l’apparition de nouveaux cas d’utilisation”, révèle Anita Döhler. “Cela évoluera au fil du temps avec de nouvelles idées, mais nous avons le temps, car les réseaux 6G ne devraient pas être commercialisés avant 2030.” Autre point à traiter en priorité : l’interaction avec l’utilisateur final, afin de s’assurer qu’il existe un marché pour ces cas d’utilisation. “Les cas d’utilisation ont été identifiés par les opérateurs de réseaux mobiles, les fournisseurs de technologies et les conseillers universitaires de la NGMN”, précise Eric Hardouin.

Mais seuls nos clients savent ce dont ils ont besoin. Nous devons maintenant parler aux futurs utilisateurs et aux autres parties prenantes pour nous assurer que la technologie évolue de manière à offrir de la valeur ajoutée et un retour sur investissement nécessaire.

Métavers, fusion cyberphysique… les visions de la 6G à travers le monde

En Asie, aux États-Unis et en Inde, les équipementiers et les géants du numérique, souvent en pointe dans la course aux brevets, développent leur vision de la 6G et travaillent sur des cas d’usage, participant à dessiner les contours du futur standard des réseaux mobiles.

Les acteurs non occidentaux, comme pour la 5G, semblent partir avec une certaine avance. Selon une étude du Cyber Creative Institute de Tokyo, sur les quelque 20 000 demandes de brevets liés à la 6G enregistrées en août 2021, 40 % émanaient de la Chine. Suivent les États-Unis (35 %), le Japon (10 %), l’Europe (9 %) et la Corée du Sud (4 %).

Chine et Corée du Sud : livres blancs et premières expérimentations

L’environnement technologique de la 6G est plus complexe que celui de la 5G puisqu’il fera appel au cloud computing, à la blockchain et au big data, explique ainsi dans le média chinois “Global Times” Eric Xu, actuel président tournant de Huawei. Il rappelle que son groupe investit en R&D dans les réseaux 6G depuis 2017. En France, à Sophia Antipolis, le groupe dispose depuis 2019 d’une chaire de recherche dédiée avec l’école d’ingénieurs Eurocom. Les plans pour la 6G de l’équipementier chinois, rendus publics en septembre 2021, fixent un objectif de lancement commercial vers 2030.

Autre acteur chinois, ZTE a annoncé, lors de l’édition 2022 du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone, le lancement de sa solution de métasurfaces appelées RIS (Reconfigurable Intelligent Surfaces, ou surfaces intelligentes reconfigurables). Avant la 6G, cette technique pourra, d’après ZTE, diminuer drastiquement le coût, le délai de déploiement et la consommation énergétique de la 5G-Advanced (ou 5G+), le stade intermédiaire attendu vers 2025.

Les entreprises sud-coréennes travaillent aussi sur la 6G. Dans un livre blanc publié en juillet 2020, Samsung détaille sa vision du prochain standard et évoque, comme cas d’usage possibles, le streaming vidéo en 16K et la réalité étendue à base d’hologrammes mobiles et de jumeaux numériques. Passant de la théorie à la pratique, des chercheurs du conglomérat coréen et de l’université de Californie à Santa Barbara (UCSB) ont atteint en laboratoire un débit théorique de 6,2 Gbit/s dans la bande 140 GHz et sur une distance de 15 m entre l’émetteur et le récepteur.

LG Electronics a, lui, réussi une première transmission 6G en extérieur en utilisant la bande térahertz (THz). L’expérimentation, qui associait l’institut Fraunhofer-Gesellschaft de Berlin, s’est déroulée entre deux bâtiments espacés de 100 m. La firme coréenne n’a toutefois pas précisé les débits obtenus ou la durée de transmission.

Fusion cyberphysique au Japon

Au Japon, NTT DOCOMO a dévoilé, dès janvier 2020, sa vision de la 6G dans un livre blanc. L’opérateur historique évoque le concept de “fusion cyberphysique”. L’ultraconnectivité permise par le nouveau standard permettra de modéliser le monde réel dans ses moindres détails et d’embarquer de l’intelligence artificielle (IA) et de l’Internet des objets (IoT) à tous les niveaux.

En faisant l’analogie du système nerveux qui transmet des informations au cerveau, le futur réseau pourra, avec ses multiples terminaisons, collecter un nombre considérable de données à des fins de détection ou de contrôle. Parmi les prérequis au déploiement de la 6G, NTT DOCOMO estime que le futur standard devra reposer sur une consommation d’énergie extrêmement faible.

Autre acteur nippon, SoftBank partage cette vision d’une IA généralisée. Pour Ryuji Wakikawa, son vice-président, “si l’IA est le déclencheur de la prochaine révolution industrielle, la 6G sera l’infrastructure de télécommunications qui la rendra possible”.

SoftBank a commencé dès 2017 ses travaux de R&D sur la 6G en développant des systèmes de plateformes de télécommunication à haute altitude (High Altitude Platform, HAPs). Ces aéronefs évoluant dans la stratosphère et équipés de panneaux solaires permettraient de recevoir et de transmettre des ondes radio sur une zone s’étendant jusqu’à 200 km de diamètre.

En Inde, Ashwini Vaishnaw, le ministre des Communications, a affirmé que la 6G serait déployée dès fin 2023 ou en 2024 à l’aide d’équipements et de logiciels développés localement. Une déclaration optimiste alors que le pays n’a pas encore commercialisé la 5G, les enchères devant se tenir au second semestre 2022.

Au-delà des enjeux business apportés par la 6G, les opérateurs asiatiques ont rappelé, lors du dernier MWC, que la future norme intègrerait des indicateurs de performance en termes d’efficacité énergétique et participerait à leur stratégie de neutralité carbone.

Aux États-Unis, la 6G comme prérequis aux métavers

De l’autre côté du Pacifique, aux États-Unis, c’est un acteur moins attendu qui s’intéresse de près à la 6G. Les dirigeants de Meta, la maison mère de Facebook, en font une des briques de leur grand rêve de métavers, ces univers immersifs permettant à des individus d’interagir virtuellement et à distance sous forme d’avatars ou d’hologrammes. Dans un billet de blog, Dan Rabinovitsj, vice-président de la connectivité chez Meta, a rappelé que le prochain défi serait celui de la connectivité pour construire des réseaux prêts à accueillir ces métavers. La dimension temps réel sera, selon lui, essentielle pour que les individus vivent une expérience la plus réaliste possible.

Cela passe notamment par l’amélioration de la latence entre les terminaux au sein des réseaux d’accès radio (Radio Access Network, RAN). À travers son Telecom Infra Project (TIP), Meta est l’un des principaux contributeurs de l’Open RAN, une architecture réseau ouverte. Selon le site Fierce Wireless, la connectivité demandée par le géant des réseaux sociaux ressemble furieusement aux travaux engagés sur la 5G/6G.

Cette vision de Meta rejoint la notion de “fusion cyberphysique” de NTT DOCOMO ou de l’Internet des sens développé par Ericsson. Un article du “Financial Times” évoque un continuum cyberphysique où le monde virtuel se confondrait avec le monde physique. Dans cette approche duale, tout objet physique aurait son jumeau numérique et les habitants d’un métavers pourraient “remonter dans le temps pour analyser ce qui n’a pas fonctionné, ou faire des simulations de ce qui pourrait arriver dans le futur”.

Chez les autres géants du numérique, le fabricant Apple, cherche publiquement depuis février 2021 (l’offre est toujours en ligne) à recruter des ingénieurs experts en systèmes de communication pour travailler sur la connectivité cellulaire de sixième génération.

Enfin, en mai 2021, IBM dévoilait la première puce gravée en 2 nm. Ce nouveau composant offrirait 45 % de performances en plus ou 75 % de consommation d’énergie en moins que la précédente génération des puces gravées en 7 nm. Cette avancée technologique devrait quadrupler la durée de vie d’une batterie tout en accélérant les performances des terminaux. Elle pourra être exploitée pour l’exploration spatiale, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et, bien sûr, la 6G.

De l’Asie aux États-Unis, les visions que peuvent avoir les différents acteurs sur la 6G et ses nouveaux usages restent, à ce stade, très conceptuelles. Les précédents déploiements ont montré que c’étaient finalement les utilisateurs qui s’appropriaient les avancées technologiques et dessinaient, par l’usage, les véritables cas d’application.

Découverte des technologies candidates pour la 6G

L’utilisation de nouvelles bandes de fréquences, combinée aux techniques radar, aux fibres optiques nouvelle génération, aux satellites et plateformes de haute altitude, aux surfaces intelligentes reconfigurables et aux dispositifs zéro énergie permettra de construire la sixième génération de téléphonie mobile.

Des surfaces intelligentes pour rediriger le signal radio

Les futurs réseaux 6G coïncideront avec une révolution au niveau de l’environnement radio qui les supporte, grâce à l’introduction des “Reconfigurable Intelligent Surfaces” (RIS). L’émergence de ces surfaces permettrait d’optimiser les performances des systèmes de communication sans fil, avec plusieurs cas d’usages à la clé.

L’étude et le développement des RIS donnent lieu à de nombreuses recherches et publications, dont la multiplication laisse présager du rôle clé que joueront ces surfaces intelligentes reconfigurables dans la maîtrise d’environnements radio. Le projet européen RISE-6G notamment, s’intéresse à l’introduction de ces nouveaux équipements dans les futurs réseaux 6G pour créer des environnements sans fil intelligents, durables et programmables de manière dynamique.

Des technologies non émettrices et éco-efficaces

Coordonné par le CEA-LETI, RISE-6G rassemble plusieurs acteurs du monde des télécoms, dont Orange, Telecom Italia, NEC Europe et GreenerWave, de l’industrie (SNCF et FIAT) et académique (Chalmers University of Technology, University of Aalborg, University of Athens, CNRS, CNIT (Italie), University of Nottingham). Lancé au mois de janvier 2021 pour une durée de trois ans, il porte globalement sur le prototypage et le développement de RIS et leur intégration aux systèmes de communication sans fil. “Contrairement à ce qui peut être observé dans les réseaux classiques, les RIS n’émettent pas d’ondes mais sont employées à des fins de communication, à l’image de miroirs”, résume Dinh-Thuy Phan Huy, Responsable de Projet de Recherche dans la division Radio Network & Microwaves chez Orange, et responsable au sein de RISE-6G, du groupe de travail sur RIS for Enhanced Sustainability and Security.

Les ondes radio rebondissent sur les surfaces et peuvent être redirigées intelligemment vers les terminaux 6G. L’exploitation de ces propriétés ouvre la voie à différents cas d’usage. Il peut s’agir, notamment, d’offrir des services pour booster la couverture et le débit sur une zone précise, ou encore proposer des communications plus sécurisées où les ondes ne seraient dirigées que vers l’usager intéressé, sans risque d’interception. Il est aussi question de réduire le niveau d’exposition aux ondes électromagnétiques : pour atteindre un même débit, les stations de base pourront émettre moins fort. Des applications pour l’internet des objets et les machines connectées peuvent aussi être envisagées : les RIS permettraient de rendre plus fiable et robuste le lien entre les machines et l’antenne-relais.

Outre leur capacité de manipulation des champs électromagnétiques, les RIS se distinguent par leur durabilité, car ce sont des surfaces passives ne nécessitant a priori pas, ou très peu, d’approvisionnement énergétique.

De l’huile dans les rouages de l’électromagnétisme

Concrètement, une RIS se présente comme une surface 2D préalablement “discrétisée”, c’est-à-dire découpée en plusieurs éléments homogènes sur les axes vertical et horizontal, appelés cellules. Tout l’enjeu consiste à pouvoir contrôler, localement et indépendamment les unes des autres, le comportement électromagnétique de ces cellules. Cette opération nécessite dès lors une exploration et une certaine manipulation des principes de l’électromagnétisme. “Un champ électromagnétique a une forme complexe, qui se caractérise notamment par une amplitude et une phase,” rappelle Philippe Ratajczak, Ingénieur R&D chez Orange. Alors que la phase de réflexion d’un mur sera constante, il sera possible de modifier l’angle de réflexion par défaut des cellules de la RIS. Sur une surface réduite, on peut alors contrôler la redirection du champ et redresser l’onde en local pour la transmettre dans la direction souhaitée. Sachant qu’une phase varie entre 0 et 360°, il serait possible, dans le meilleur des cas, de contrôler chaque cellule sur 360°.” Par extension, la capacité à gérer une phase déterminée et son opposé permet aussi de maîtriser le dépointage d’un faisceau d’ondes, soit la dérivation inopinée de son angle sous l’effet d’une perturbation.

Illustration du fonctionnement d'une RIS

Une surface ultra-précise

Loin de se limiter à de simples surfaces planes et inertes, les RIS embarquent toute une partie électronique de contrôle. C’est ici que se situe l’intelligence du système : un microcontrôleur gère un ensemble de circuits intégrés à l’arrière des cellules et permet de régler la phase requise de chaque cellule. Certaines RIS se caractérisent alors par un très haut niveau de précision, et celle qui a été prototypée par Orange, l’Institut Langevin et CentraleSupélec, en partie dans le cadre du projet RISE-6G, est par ailleurs dérivée d’une antenne ultrasophistiquée, fournie par le laboratoire d’Orange basé à Sophia-Antipolis. Cette antenne à réseau réflecteur (‘reflectarray’ antenna) était en effet destinée initialement à des applications de communications satellites avec une précision extrême de dépointage grâce à sa métasurface (c’est-à-dire une surface avec des cellules plus resserrées que la moyenne) et un réglage continu de la phase de chaque cellule.

De premiers résultats issus de simulations laissent entrevoir, pour cette RIS, un potentiel d’amélioration ou de réduction de la puissance du signal d’un facteur 10, selon l’usage visé. Des travaux ultérieurs étudieront et évalueront la zone d’influence de la RIS selon la superficie de la structure.

D’ores et déjà, l’intégration des RIS dans la conception des futurs réseaux 6G constitue un changement de paradigme. La 6e génération de réseaux mobiles pourrait être la première à prendre en compte, “by design”, la possibilité de maîtriser finement la propagation des ondes avec cette nouvelle technologie prometteuse.

Les satellites et plateformes de haute altitude (HAPs)

Les satellites et les plateformes de haute altitude (HAPs) font partie de la grande famille des dispositifs évoluant dans l’atmosphère et au-delà. Ces types de réseaux appelés réseaux non terrestres représentent une brique technologique clé pour la 6G. Leurs enjeux principaux consistent à fournir d’une part la connectivité là où les infrastructures terrestres ne sont pas encore déployées et d’autre part à garantir une interopérabilité entre les infrastructures terrestres et non terrestres. Entretien avec Valérie Pla, Directrice du domaine de Recherche pays émergents digitaux chez Orange.

Zero energy devices : faire plus à partir de rien

Trois fois zéro. C’est le principe de base du zero energy device (objet zéro énergie) : zéro dépense d’énergie, zéro émission d’ondes supplémentaire, zéro équipement spécial. Cet objet connecté, capable de communiquer en s’appuyant sur l’énergie et les ondes ambiantes, possède le potentiel pour soutenir certaines ambitions de la 6G et le développement d’un internet des objets durable.

La forme la plus simple du zero energy device, ZED pour les intimes, c’est le tag : une étiquette contenant un identifiant numérique unique. Son usage est devenu courant avec le développement de la technologie RFID (Radio Frequency Identification), qui s’est glissée dans les magasins de vêtements, nos badges, et même nos animaux domestiques. Cependant, détecter et lire les tags RFID implique d’être équipé d’un lecteur adapté ou d’un portique. Avec les ZED, au contraire, ce sont les téléphones mobiles et les antennes qui détectent les tags et transmettent l’information qu’ils contiennent au réseau. Dans ce processus, le smartphone participe de manière anonyme, en remplissant le rôle de passerelle. Via les ondes du réseau mobile, le tracking devient possible partout, sans équipements spéciaux. Les premiers cas d’usage visent donc le domaine de la logistique, où le traçage de colis est un enjeu critique.

Recyclage des ondes

Dinh-Thuy Phan Huy, Responsable de Projet de Recherche dans la division Radio Network & Microwaves chez Orange, explique le fonctionnement :

Tout se passe au moment où une onde, quittant un téléphone mobile pour rejoindre une antenne, rencontre un tag. L’onde ne se contente pas de rebondir sur l’objet, mais récupère en même temps l’information qu’il contient. L’antenne lira donc deux messages : celui du smartphone, et celui du tag. Ce recyclage d’onde – on parle de rétrodiffusion – fonctionne car l’identifiant du tag est un tout petit message, qui modifie très légèrement l’onde. L’adjonction d’une information trop lourde la perturberait à un point tel qu’elle deviendrait illisible.

Un sujet de recherche aussi délicat appelle de multiples expertises. Au sein d’Orange, le projet rassemble des experts du traitement du signal et des normes réseau, des antennes et de la propagation, de l’électromagnétisme, de l’ultra-low power et des objets connectés. L’équipe collabore avec des laboratoires académiques comme, récemment, CentraleSupélec. Elle participe aussi à Hexa-X, projet de recherche européen sur la 6G.

Puiser dans l’énergie ambiante

En 2021, l’équipe de Dinh-Thuy Phan Huy effectue sa première démonstration d’un cas d’usage ZED pour le tracking logistique. Le nom du cas d’usage, “tracking out of thin air”, fait référence au premier article scientifique sur la rétrodiffusion d’ondes. “La toute première expérience du genre s’est déroulée en 2013, à l’Université de Washington, pour recycler les ondes d’une tour TV. À l’époque, cette équipe avait émis la possibilité d’un système autonome en énergie. Nous en avons fait la démonstration pour les réseaux mobiles.” Les ZED n’ont-ils donc besoin d’aucune source d’énergie ? Pas tout à fait. C’est l’énergie solaire qui a été retenue pour le cas d’usage présenté par l’équipe de recherche d’Orange. Une seule journée de lumière absorbée par son petit panneau assure presque deux journées d’autonomie dans l’obscurité totale au tag. Si le tag alterne lumière le jour et obscurité la nuit, il est autonome sur le long terme. Son autonomie dans l’obscurité peut être rallongée en l’autorisant à “dormir” entre deux envois de messages, ou même deux envois de bit. D’autres pistes d’alimentation sont possibles pour les ZED : la lumière artificielle, les vibrations en environnement industriel ou sur les véhicules, l’énergie thermique comme la chaleur corporelle, voire l’énergie radio.

6G : plus de connectivité, pas plus d’ondes

L’ambition pour les ZED touche jusqu’au cœur du réseau. La problématique est la suivante : le besoin de connectivité augmente, mais les seuils d’émissions d’ondes fixés par la réglementation pour protéger la santé ne bougent pas. Comment alors étendre la couverture et la capacité du réseau sans émettre plus d’ondes ? Une piste réside dans la technologie des “Reconfigurable Intelligent Surfaces” (RIS). Une autre est apportée par les zero energy devices et leur capacité à faire transiter plus d’information sur une onde existante. Cela dit, on devrait voir les premières utilisations de ZED bien avant l’arrivée de la 6G.

Après la logistique, nous voulons explorer d’autres domaines avec la technologie de tag ZED. Et puis il y aura les tests de service, la normalisation… Nous n’en sommes qu’au début. L’enjeu, réellement, est celui du développement durable de l’IoT : la nécessité de concevoir la technologie dans une approche circulaire, et la faire grandir avec toujours moins d’énergie, d’ondes, d’équipements supplémentaires.

Un défi environnemental pour la 6G

Orange fixe à la future génération 6G de réseau mobile, comme au numérique dans son entièreté, l’objectif d’être durable d’un point de vue environnemental, sociétal, et économique. Tel est le défi décrit par Esteban Selva, Ingénieur recherche réseaux chez Orange.

La vision d’Orange pour la 6G

Parce que la 6G devrait être déployée à partir de 2030, son développement actuel contribuera à façonner la future société numérique. Dans la vision d’Orange, aucune concession possible : c’est le moment de défendre une 6G source de valeur et durable sur le plan environnemental autant qu’économique, en droite ligne avec les valeurs du Groupe.

La 6G fait l’objet d’un intense effort de recherche international, mené à la fois par l’industrie et le monde universitaire. Les nouvelles perspectives d’usages et les technologies candidates émergent tout juste. Dans cet écosystème naissant, Orange se fixe l’objectif d’une 6G porteuse de valeur pour la société, capable d’accompagner la décarbonation des activités humaines, un meilleur accès à l’éducation et aux soins de santé, une industrie et une agriculture plus efficaces, des transports plus sûrs et de meilleures conditions de vie en général. Comme pour la 5G, Orange propose une vision des réseaux responsable à tous les niveaux.

Exigences sociétales et opérationnelles

La recherche technique est et restera déterminante pour atteindre les objectifs de performance, faire face à la croissance du trafic et au besoin de débit, de fiabilité et de latence des données. La technologie doit aussi répondre à des exigences sociétales, telles que la réduction de son impact environnemental, de ses consommations d’énergie et de ses émissions de CO2. Elle doit tendre toujours plus vers l’inclusion numérique, une sécurité et une résilience élevées, une faible exposition aux champs électromagnétiques. Un effort de recherche est donc nécessaire afin de préciser ces exigences sociétales et développer des méthodes pour les évaluer.

Pour la société, avec la société

Orange est actif dans diverses initiatives 6G structurantes. Les projets européens de recherche collaborative tels que Hexa-X, et les forums industriels comme le NGMN ou le IOWN Global Forum sont autant de lieux d’échange pour la communauté des chercheurs. Le Groupe y partage sa vision et contribue au développement de solutions techniques. Alors que la recherche progresse et que la collaboration se structure entre les acteurs, l’écosystème devra impliquer les futurs utilisateurs pour les informer, les questionner, recueillir leurs réactions et leurs idées. En orientant le développement de la technologie 6G, ce dialogue garantira la pertinence commerciale et sociétale de son offre de services.

La bonne anticipation des besoins techniques et des usages facilitera le développement de services qui restent à inventer. La date de publication des normes 6G n’est pas fixée, mais une hypothèse raisonnable la situe autour de 2028, avec un processus de normalisation démarrant vers 2025. Davantage de travail est nécessaire pour développer le cadre et les outils appropriés de co-construction avec toutes les parties prenantes : citoyens, industries, services publics et régulateurs. Ce sont les prérequis d’une 6G au service du progrès, de l’environnement, de l’égalité numérique et d’une économie responsable, en bref, d’une société de confiance. Orange publie aujourd’hui un livre blanc dans l’espoir qu’il constituera un pas dans cette direction.