Cartographier réseaux et matériaux critiques pour le progrès de l’économie circulaire

De quels matériaux les infrastructures réseaux ont-elles besoin pour fonctionner ? En quelles quantités ? Avec quels risques potentiels en termes d’approvisionnement ? Samuli Vaija, analyste cycle de vie et économie circulaire chez Orange, éclaire sur l’impact environnemental induit du nouveau monde digital – et le chemin de sa résilience.

“Nous réfléchissons désormais à la façon d’introduire un indice de criticité des matériaux dans nos processus d’achat.”

En quoi consiste votre travail sur la présence de métaux rares dans les équipements réseaux et télécoms ?

Orange propose depuis 2007 un étiquetage environnemental des téléphones mobiles vendus ou loués à ses clients. L’objectif était d’informer le public de façon transparente sur l’impact environnemental de nos produits, en expliquant les efforts entrepris pour le limiter – en termes d’émissions de CO2, de consommation d’énergie et de ressources naturelles. A travers cette démarche, nous nous sommes rapidement aperçus de l’importance de certains métaux dits rares, indispensables au fonctionnement de nos équipements mais potentiellement problématiques pour nos approvisionnements à plus ou moins long terme – soit que les réserves naturelles soient limitées, soit que la concentration géologique de leurs gisements fasse planer un risque en cas de crise géopolitique ou de catastrophe naturelle. Cela nous a conduits à chercher à mieux comprendre l’exposition de nos activités vis-à-vis de ces matériaux critiques.

De quelle façon ?

De façon très empirique, d’abord, en démontant les terminaux pour peser la part des différents matériaux entrant dans leur composition. A partir de 2012, nous avons ainsi réalisé une première cartographie de tous les métaux impliqués dans les équipements de nos clients, assortie d’une évaluation de leur criticité pour nos activités. Pour cela, nous avons dû développer notre propre base de données : les sources disponibles à l’époque n’étaient pas toujours bien adaptées à nos besoins – avec des données trop anciennes, par exemple, pour bien refléter le rythme rapide des évolutions technologiques, ou encore des critères trop partiels : la plupart des bases suivaient bien l’enjeu de l’impact carbone, mais assez peu celui de l’épuisement des ressources naturelles. Autour des années 2014-2015, nous sommes allés encore plus loin en élargissant cette cartographie aux grandes familles de composants entrant dans nos équipements réseaux – et plus seulement les terminaux de nos clients. En complément des fiches déclaratives produites par les fabricants, nous utilisons également différentes méthodes de caractérisation des matériaux critiques proposées par des organismes spécialisés comme le Comité pour les métaux stratégiques (COMES) en France, ou bien encore l’Institut géologique des États-Unis (USGS). Cela nous permet de mesurer quelles industries consomment quels matériaux, et d’en déduire une liste de ceux qui sont critiques pour nos propres activités.

Comment travaillez-vous avec l’écosystème des télécoms sur ce sujet ?

Nous travaillons bien sûr en partenariat avec de nombreux industriels du secteur – certains étant très en pointe sur la démarche, d’autres beaucoup moins. Au niveau de l’Union internationale des télécommunications (UIT), nous animons régulièrement des travaux, notamment dans le domaine de l’économie circulaire : nous avons maintenant plus de dix années d’expérience dans l’analyse de cycle de vie et l’évaluation de l’impact environnemental des équipements. Nous participons également à des projets de recherche collaborative avec des acteurs d’autres industries, par exemple au sein du réseau EcoSD. Dans ce cadre, nous pouvons citer la parution récente d’un article sur l’évaluation de l’épuisement des ressources en analyse de cycle de vie co-écrit avec l’IRSTEA et PSA (voir informations additionnelles).

Concrètement, quels sont les enjeux derrière ces travaux ?

Le but à court terme est avant tout de développer nos connaissances pour pouvoir affiner nos analyses de cycles de vie. Au-delà, bien sûr, ces connaissances pourront nous permettre d’acheter de meilleurs équipements pour nos activités. Pour les équipements réseau, le cahier des charges des approvisionnements d’Orange inclut depuis peu deux indices importants : l’un sur leur empreinte carbone, l’autre sur leur aspect économie circulaire. Celui-ci a d’abord été développé au travers de tests en interne avant d’être porté à UIT. Cette seconde étape a permis de mettre en place un indice nommé Circularity Score qui évalue la capacité d’un équipement à être recyclé, reconditionné, mis à niveau ou encore son contenu en matériaux critiques. Même si la négociation fut parfois difficile avec les partenaires industriels au sein du comité de normalisation, nous sommes parvenus à un consensus sur une méthode exhaustive, qui est disponible depuis fin novembre 2020. A plus long terme, ces travaux et cet indice ont aussi vocation à influencer nos cycles d’innovation, à améliorer nos capacités d’éco-conception, et à faciliter la mise en œuvre des principes de l’économie circulaire : il est encore très difficile de recycler ou de substituer certains métaux critiques, mais notre démarche contribue à éclairer et à challenger les équipementiers sur cet enjeu.

Pour aller plus loin : L’importance des métaux rares pour le secteur des technologies de l’information et de la communication, le cas d’Orange, in Les Annales des Mines, n°99, juillet 2020 (disponible en français et en anglais)

A framework for good practices to assess abiotic mineral resource depletion in Life Cycle Assessment”, in Journal of Cleaner Production, Volume 279, Janvier 2021 (disponible en anglais uniquement)

Assessment method for circular scoring”, in recommendation UIT-T L.1023, novembre 2020 (disponible en anglais uniquement)

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