Vendée Globe 2020 : l’innovation au service de la vitesse

Le tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance : défi humain hors norme, le Vendée Globe est aussi une formidable aventure technologique. Chaque édition de cette course sans pareille repousse les limites.

“La conception des bateaux privilégie désormais les cockpits fermés à l’intérieur desquels les skippers regardent la mer et les voiles via un écran et effectuent les réglages.”

Le 8 novembre 2020, 33 skippers se sont lancés à l’assaut de “l’Everest des mers”. Cette année encore, l’objectif est clair : battre de nouveaux records de vitesse. Armel Le Cléac’h, vainqueur de la précédente édition, avait mis 74 jours pour boucler son tour du monde. En 2020, les coureurs espèrent le faire en moins de 70 jours. Pour y parvenir, les 60 pieds IMOCA – voiliers monocoques de 18 mètres – sont bardés de technologies. La 9e édition du Vendée Globe marque l’avènement de l’instrumentation et de l’intelligence artificielle (IA).

Capteurs et pilotes “intelligents” pour augmenter les performances

La collecte et l’exploitation des données générées à bord des IMOCA ont fait un grand bond en avant lors du Vendée Globe 2020.

Des dizaines de capteurs sont installés à des endroits stratégiques comme le safran, la coque, les voiles ou les foils (lire l’encadré). Ils collectent des données relatives aux mouvements du bateau, aux efforts subis par les différents éléments, au vent, etc. et alimentent l’ordinateur de bord permettant au skipper d’effectuer les bons réglages pour réaliser des prouesses de vitesse.

À bord d’Hugo Boss, mené par Alex Thomson, 350 capteurs, complétés par une dizaine de caméras thermiques et vidéo, collectent une multitude de données traitées par des algorithmes d’analyse de données et de machine learning. Le skipper lui-même porte toute une série de capteurs pour surveiller son état physique et mental. Malheureusement, Alex Thomson a été contraint d’abandonner la compétition le 28 novembre suite à une collision avec un objet flottant.

Les capteurs alimentent également le pilote automatique, dont la sophistication a contribué à l’un des plus importants gains en performances que le monde de la course au large ait connus.

Les pilotes automatiques reposent sur le principe de l’asservissement : ils reçoivent une valeur consigne qu’ils doivent maintenir. Si l’on prend l’exemple du cap, le système va calculer l’écart entre le cap réel et le cap voulu, et agir sur le gouvernail afin de maintenir ce dernier.

Pour ce faire, le pilote mesure le cap à l’aide d‘un compas et, pour les systèmes les plus avancés, à l’aide de capteurs. Les données sont traitées par l’unité de commande, le cerveau du système, qui effectue les opérations de calcul et envoie les résultats à l’actionneur, chargé de mettre la barre en mouvement. Le pilote est également muni d’une interface homme-machine.

Intégrant de plus en plus de briques technologiques, les pilotes automatiques sont devenus plus “intelligents”. Les pilotes actuels ne se contentent pas de garder le bon cap, plus réactifs et précis, ils s’adaptent mieux que les humains aux mouvements du bateau.

Un système anticollision basé sur l’IA pour renforcer la sécurité

Difficilement détectables, les objets flottants non identifiés (OFNI) représentent un important danger pour les voiliers du Vendée Globe. La collision avec un OFNI est souvent synonyme d’abandon pour les skippers. Cette année, 18 d’entre eux sont équipés d’un nouveau système anticollision basé sur la vision par ordinateur.

Développé par BSB Marine avec le soutien de grands noms de la course au large, comme Jean Le Cam ou Armel Le Cléac’h, OSCAR est composé d’une unité de vision comprenant deux caméras thermiques et une caméra couleur qui scrutent la surface de l’eau de jour comme de nuit. Un logiciel analyse en temps réel les flux vidéo.

Entraîné – grâce à un processus d’apprentissage profond – à partir d’une immense base de données d’objets flottants, OSCAR est capable de reconnaître la signature visuelle spécifique de différentes catégories d’objets dans une situation donnée. Il affiche la position des objets flottants détectés sur une carte et alerte instantanément le skipper d’un danger potentiel.

Quel est l’impact des technologies sur la compétition ?

Un article publié sur le site du Vendée Globe décrit, citations de skippers à l’appui, comment la nouvelle génération de pilote automatique a changé la façon dont les IMOCA sont menés et conçus.

L’introduction des foils et la sophistication des pilotes automatiques ont entraîné une augmentation importante des vitesses (et des différences de vitesse) du bateau et donc du vent apparent. À tel point que, de leur propre aveu, les marins ne sont parfois plus assez réactifs sur le réglage des voiles.

La conception des voiles a donc dû être modifiée afin qu’elles puissent mieux prendre en compte les variations de vitesse sans être ajustées tout le temps. D’autres éléments, comme la coque ou les appendices (éléments immergés servant à contrôler ou stabiliser le bateau), ont également été affectés.

Si les bateaux sont devenus plus difficiles à manœuvrer, ils sont également devenus plus dangereux. D’une part, ils subissent des chocs de plus en plus violents, ce qui rend les conditions de vie plus périlleuses et éprouvantes. D’autre part, les marins ne peuvent plus rester trop longtemps à l’extérieur où ils risqueraient de se faire heurter par d’énormes paquets de mer.

Résultat : la conception des bateaux privilégie désormais les cockpits fermés à l’intérieur desquels les skippers regardent la mer et les voiles via un écran et effectuent les réglages en toute sécurité.

Ces évolutions ont accentué une tendance amorcée depuis plusieurs années : les marins passent de moins en moins de temps à la barre.

Leur profil-type a aussi évolué, l’instrumentation exigeant une connaissance plus poussée de l’électronique et de l’informatique. À titre d’exemple, François Gabart et Armel Le Cléac’h, les deux derniers vainqueurs du Vendée Globe, ont une formation d’ingénieur.

L’expérience du skipper, vertu cardinale

Cela ne signifie pas que les skippers peuvent se reposer entièrement sur la technologie. D’abord parce que le règlement du Vendée Globe encadre ce qu’elle peut et ne peut pas faire (réglage des voiles, routage météo, etc.). Ensuite parce qu’ils ne sont pas à l’abri de défaillances techniques.

Damien Seguin (Groupe Apicil) et Louis Burton (Bureau Vallée II) ont été forcés de mettre la course entre parenthèses pour “plonger les mains dans le cambouis” à cause d’un problème au niveau du pilote automatique.

L’IMOCA d’Alex Thomson était l’un des plus “outillés” ; il était d’ailleurs équipé du système OSCAR. Quelques jours avant son abandon, le Britannique racontait qu’il avait été privé, lors du Vendée Globe 2016, de ses antennes satellites (qui lui permettaient de recevoir les fichiers météo), ce qui l’avait contraint à “naviguer à l’ancienne”.

En définitive, le skipper d’aujourd’hui doit certes posséder un bagage technique, mais l’expérience et l’intuition restent des vertus cardinales.

Les bateaux volants du Vendée Globe

Les foils ont fait leur apparition pour la première fois au Vendée Globe lors de l’édition 2016. Véritable innovation de rupture, ces “moustaches” placées à bâbord et à tribord génèrent une portance hydrodynamique capable de soulever les voiliers hors de l’eau, de les faire “voler” et donc gagner en vitesse. En 2020, les foils ont définitivement été adoptés par les skippers – 19 bateaux sur 33 en sont équipés – et leur taille a été multipliée par trois.

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