- La surveillance des feux de forêt s’appuie désormais beaucoup sur la technologie en Californie, où plus d’un millier de caméras connectées ont été déployées.
- La limite des dispositifs existants est qu’ils ne sont capables de repérer uniquement des feux que lorsque ceux-ci se sont déjà déclenchés.
- Un drone volant conçu par l’université de Californie à Davis (UC Davis) peut analyser la qualité de l’air pour détecter les incendies avant toute fumée visible.
La Californie est l’État américain qui paie le plus lourd tribut aux feux de forêt. L’année 2020 a été une année record avec pas moins de 8.648 événements et plus d’1,7 million d’hectares détruits par les flammes. La détection des feux y a pris un net tournant technologique : les guetteurs humains postés dans des tours sont peu à peu remplacés par des réseaux de capteurs, des satellites d’observation et des caméras (plus d’un millier), auxquels s’ajoute la plateforme en ligne de surveillance collaborative AlertCalifornia, ouverte en 2023. C’est dans ce contexte qu’une équipe de quatre chercheurs en génie mécanique et aérospatial et en informatique de l’université de Californie à Davis (UC Davis) propose une solution complémentaire à base de drones volants et d’analyse chimique de l’air. Le projet en lui-même s’appuie sur une publication de mars 2023 dans la revue Sensors, présentant ce drone de 3,7 kg à huit rotors.
L’une de nos hypothèses est que les fumées d’incendies peuvent être détectées de manière bien plus précoce, quand elles sont invisibles plutôt que visibles
Capter humidité, température et force des vents
La mobilité du drone volant le rend intéressant à utiliser. L’approche envisagée ambitionne aussi de compenser une des limites des caméras, celle de ne pouvoir, par définition, repérer que des fumées visibles. Celles-ci surviennent quand l’incendie est déjà en cours. « L’une de nos hypothèses est que les fumées peuvent être détectées de manière bien plus précoce, quand elles sont invisibles, explique Zhaodan Kong, l’un des concepteurs du drone. Nous continuons actuellement nos tests pour pouvoir, je l’espère, le confirmer. »
La première étape du dispositif consiste à s’en remettre à des capteurs connectés relevant trois données : la température, l’humidité des sols et la vitesse et direction du vent. « Ils ont été développés pour le service américain des parcs nationaux américains, explique leur concepteur Anthony Wexler, directeur du centre de recherche sur la qualité de l’air à UC Davis. Nous mesurons déjà la composition chimique des particules fines dans tous les parcs nationaux, les forêts et les terres fédérales et d’État jugés d’importance, mais nous souhaitions collecter des données météorologiques pour aider à interpréter et à utiliser la composition de ces particules fines. » Ces petits boîtiers équipent désormais 165 sites. Lorsqu’ils mesurent un temps très chaud et très sec combiné à de forts vents, conditions propices aux incendies, il est prévu d’envoyer le drone dans les zones concernées.
Jusqu’à 30 composés et substances chimiques collectés
Cet appareil provient à l’origine d’un projet de mesure mobile de la qualité de l’air. En juin et octobre 2022, il a été testé sur les fumées de quatre opérations de brûlage dirigé (incendies déclenchés et contrôlés par les autorités à des fins de prévention). En plus d’embarquer caméras et GPS, il est capable de collecter dans de mini tubes à essai ce que l’on appelle des composés organiques volatils, des éléments polluants flottants dans l’air, émanant des activités humaines ou dégagés par des sinistres.
Jusqu’à 30 de ces composés peuvent être ainsi colletés et analysés. « Toutes les substances chimiques et composés organiques volatils ne sont pas indicatrices d’incendie, précise Zhaodan Kong, nous sommes encore en train de voir lesquels pourraient l’être. Le dioxyde et le monoxyde de carbone (CO2 et CO), les particules en suspension, le carbone noir sont de bons candidats. »
Des analyses chimiques embarquées et en temps réel
Le matériel embarqué sur le drone permet l’analyse en temps réel du CO2 et des particules fines. A ce stade, les composés organiques volatils doivent être ramenés dans un laboratoire pour examen. Des développements logiciels et matériels sont en cours pour que tout puisse à terme être capté, stocké et traité sur l’appareil.
Il reste que ce dispositif n’a rien de la solution parfaite. « Nous allons avoir besoin d’une suite de systèmes différents, incluant satellite, aéronefs pilotés, drones sans pilote, capteurs connectés et tours de guet pour résoudre le problème de la détection précoce des feux. Notre solution comble certaines lacunes, mais ne pourra pas tout faire, en particulier à l’échelle d’un État ou du pays. Mais je pense qu’à terme, il n’y aura plus besoin de guetteurs. »