Internet des Objets, la vision de la recherche

Les confusions multiples qui ont, de longue date, brouillé la compréhension du domaine de l’Internet des Objets se trouvent aujourd’hui amplifiées par la bulle technico-publicitaire créée autour de la dernière génération d’« objets connectés ». Des interprétations mal informées tendent à dissoudre le domaine dans une sorte d’« internet du tout », tandis que des vues affectées d’œillères peuvent, à l’inverse, le réduire à une seule technologie ou à un protocole réseau particulier. Nous tentons ici de proposer une définition basée sur des distinctions techniques  précises et objectives, qui resitue l’évolution de ce domaine dans  une vue à long terme et dans le plus large contexte d’évolution des sciences et technologies de l’information.

Carte topique de l’Internet des Objets

L’internet des Objets pourrait n’être que la dernière d’une longue série d’expressions techno-jargonantes ayant servi à qualifier, sinon à définir, un domaine dont les contours restent vagues et mal compris pour beaucoup : Objets Communicants, Informatique Ubiquitaire/Pervasive, Intelligence Ambiante, Machine à machine (M2M), Systèmes Cyber-Physiques. Ces expressions ne sont de fait aucunement interchangeables, et chacune a pu être proposée à son tour par différentes communautés ou parties prenantes, et biaisée par l’arrière-plan et les intérêts qui leur sont propres. Les visions confuses et brouillées qui ont entouré l’usage de ces expressions résultent d’abord de l’absence d’une définition par des critères techniques objectifs et permanents, plutôt que par le périmètre de bulles médiatiques. Nous proposons ici comme critères duaux les abstractions informationnelles des interfaces de réseaux et leur couplage avec l’environnement physique.

Des humains aux machines, du H2H au M2M

Du point de vue limité qui est celui de l’industrie des télécommunications, M2M (machine to machine) reste le mot clé favori, facilement compris par exclusion de tout ce qui  ressortit à la communication interpersonnelle (H2H), à la consultation d’information par des humains (H2M) ou à la diffusion vers eux (M2H). Dans une vue encore plus limitée, le M2M a tendu à être limité par les opérateurs mobiles aux équipements dotés de cartes SIM, définis comme M2M si leur principale utilisation n’est pas la communication, critère peu pertinent techniquement qui a pu conduire à ranger jusqu’aux  liseuses électroniques dans cette catégorie, d’où des confusions multiples. Au delà du domaine traditionnel des opérateurs télécoms, l’Internet des Objets (IoT) a désormais la faveur générale en tant que mot clé unificateur, même si il a au départ tendu à être limité à un secteur d’application (par exemple la gestion de chaînes d’approvisionnements) ou une technologie particulière (par exemple le RFID). Avant de le redéfinir plus rigoureusement, on peut provisoirement le prendre comme synonyme de M2M en adhérant à une prophétie rebattue et quelque peu simpliste : ce sont des milliards d’équipements techniques et appareils, et des billions d’objets non techniques qui « attendent » d’être connectés quand la majorité des humains le sont désormais (théoriquement, du moins) par l’intermédiaire de leurs objets d’interface traditionnels. Si une nouvelle variante de la loi de Metcalfe devait s’y appliquer, la promesse de ces nouvelles connections apparaît quasiment sans limite !

Étapes successives de l’extension du périmètre d’internet (échelles des axes non linéaires…)

Dans une vue qui ne doit pas être prise trop littéralement, les humains sont le goulet d’étranglement, non seulement de cette explosion démographique des futurs réseaux, mais aussi pour leur opération effective, dans la mesure où ils sont, comparativement aux machines, désespérément lents, et ce aussi bien dans leur rôle de sources de données qu’en tant que puits de données. Par rapport à un premier critère caractéristique, aucun utilisateur humain ne devrait donc être à l’une ou l’autre extrémité d’une chaîne de communication M2M, ni ne devrait être « dans la boucle » du fonctionnement temps-réel du système dans lequel elle s’insère. Les utilisateurs finaux ne doivent pas contrôler le système en conditions normales de fonctionnement, mais des opérateurs humains peuvent le superviser en régler des paramètres, ou en retirer de l’information.Les interfaces utilisateurs utilisées à cette fin ne sont pas considérées comme faisant partie en propre du système M2M. Ceci signifie aussi que les capteurs et actionneurs du système M2M en propre se limitent à ceux qui ne sont pas utilisés exclusivement pour des interfaces humaines. Des humains peuvent être eux-mêmes supervisés par un système M2M et dans ce cas ils ne sont pas des sources intentionnelles de données mais sont considérés comme faisant partie de l’environnement sans remettre en question les définitions précédentes, et les capteurs qui servent à les superviser ne sont pas des capteurs d’interfaces humaines comme ceux qui peuvent être utilisés dans l’interaction humaine explicite et intentionnelle, mais des capteurs d’environnement.

Cette vision centrée sur les équipements communicants, si convaincante soit elle, passe cependant à côté de ce qui fait la spécificité intrinsèque d’une évolution qui n’est pas seulement une extension quantitative du périmètre des réseaux « personne à personne » et « personne à information » antérieurs, mais correspond véritablement à un saut qualitatif. D’abord l’internet des origines était « machine à machine » (machine étant à comprendre dans le sens d’« ordinateur hôte » ou serveur) bien avant qu’il ne devienne (indirectement) « humain à humain », et c’est seulement du point de vue un peu myope d’une culture étroitement telco-centrique que le fait de s’intéresser à des réseau non H2H ou H2M peut être considéré comme quelque chose de nouveau. C’est pourquoi un critère supplémentaire est nécessaire pour différencier le M2M des telcos de l’internet protohistorique, ou de ce que font aujourd’hui des serveurs de base de données qui se synchronisent entre eux, sans aucune intervention humaine non plus.

Comme nous l’avons toujours réaffirmé depuis l’émergence de ce domaine nouveau (références 2-6), le second critère clé à prendre en compte pour une définition techniquement complète caractérise un système M2M/IoT comme étant centré sur le couplage entre un système d’information et de communication et son environnement physique, par l’intermédiaire de capteurs et actionneurs en réseau qui jouent, dans les deux sens, le rôle de transducteurs.

Des machines aux objets

Périmètres emboités du web des objets, du M2M, et de l’internet « cœur »

La première définition combinant les deux critères (pas d’humains dans la chaîne & couplage physique) prenait provisoirement l’Internet des Objets (IoT) et le M2M comme synonymes.  Préciser le sens attaché à  l’environnement physique et à sa médiation par les capteurs et actionneurs dans le second critère permet de les différentier.

En cohérence avec l’interprétation littérale de la nuance entre « objets » et « machines », on peut considérer le M2M comme correspondant à un internet des « devices », ces derniers comprenant au sens propre tous les capteurs et actionneurs connectés en réseau, amis aussi les « machines » qui incluent de tels capteurs et actionneurs. Suivant nos deux critères caractéristiques précédents,  les devices ou machines qui sont utilisés exclusivement pour le traitement, le stockage et la communication d’information (comme par exemple les serveurs, ou les routeurs), ou pour lesquels les capteurs et actionneurs servent exclusivement à supporter des interfaces humaines dans leur usage normal, comme les smartphones, ne doivent pas être inclus dans le périmètre de l’IoT ou du M2M. La vague publicitaire sur la dernière génération d’ »objets connectés », tout comme celle des « objets communicants » du début des années 2000, a contribué à brouiller cette distinction en agglomérant les différentes espèces d’objets connectés. Les devices et les machines du M2M sont dotés de capacités de transduction physique qui correspondent à leur fonction première, la communication n’étant pour les machines qu’une fonction complémentaire. Ils sont, aux sens propre « embarqués » dans cet environnement, lui adjoignant des capacités de transmission et traitement d’information.

Au-delà de ces capteurs et actionneurs, l’Internet des Objets peut, dans son acception étendue, s’étendre pour intégrer, dans son cercle le plus externe (cf diagramme précédent), toutes sortes de « choses » qui ne sont pas des équipements connectés à des réseaux. Ces objets ont traditionnellement été équipés pour cela d’étiquettes RFID dans les applications classiques de gestion d’inventaire ou de chaînes d’approvisionnement, mais ni l’utilisation de technologies radio ni l’identification préalable dans un système supposé universel ne sont des prérequis obligatoires. Sans utiliser des étiquettes, qu’elles soient radio ou optiques, on peut « reconnaître », tracer et identifier localement des objets, dans un environnement donné,   au moyen d’une combinaison de capteurs disponibles dans cet environnement. Ce type d’interface analogique, ou plus précisément « phénotropique » [3], est « thing -friendly » dans le même sens qu’une interface qui ne demande pas à un utilisateur de s’adapter à elle, mais s’adapte au contraire à lui, peut être « user-friendly ». Les choses qu’on intègre ainsi sans demander leur numérisation préalable peuvent être les meubles d’une maison, des équipement techniques anciens, des animaux, ou des parties de l’espace comme des pièces. Le fait d’englober ainsi dans un même point de vue objets préhensiles et entités d’espace permet de réunifier avec l’Internet des Objets le domaine des Environnements Intelligents/interactifs qui avait tendu à s’en séparer.

La connexion indirecte ainsi obtenue de ces objet et entités physiques, embarqués dans leurs environnements où ils jouent un rôle non-informationnel qui leur est propre, ouvre de nouveaux domaines d’applications dans l’énergie, les transports les bâtiments, les villes, domaines qui étaient auparavant hors d’atteinte des technologies de l’information, ou qui nécessitaient l’utilisation d’opérateurs humains dans la chaîne pour les relier à des systèmes d’information. Et ceci peut se faire de manière « thing-friendly » sans imposer préalablement à ces objets une identification globalement unique ou une connectivité directe obligatoire.

De l’interactif au réactif

Les requis spécifiques des applications IoT et M2M découlent directement de ces définitions : parce que les systèmes sous-jacents sont fortement couplés à leur environnement physique, les applications héritent des contraintes inhérentes à ces environnements. Ceci résulte dans un mode de fonctionnement très diffèrent de celui des systèmes TIC ordinaires, centrés sur un fonctionnement interactif avec leurs utilisateurs humains, alors que ces systèmes dits réactifs sont astreints à réagir de manière strictement déterministe aux événements provenant de l’environnement.

Les systèmes cyber-physiques (CPS) particularisent les définitions précédentes en mettant l’accent sur la dimension de contrôle automatique (correspondant au sens étymologique du préfixe « cyber ») et sur le couplage bidirectionnel entre systèmes TIC répartis (« cyber au sens des années 1990) et systèmes physiques, pour assurer  conjointement la supervision (par les capteurs) et le contrôle (par les actionneurs) de ces systèmes au travers d’un réseau. Contrairement aux systèmes interactifs qui répondent à leur propre rythme en « best-effort » et auxquels les utilisateurs acceptent en général de s’adapter, les systèmes réactifs doivent impérativement s’adapter aux contraintes imposées par leur environnement et lui répondre avec une latence strictement bornée. Les systèmes cyber-physiques en réseau peuvent s’appuyer pour cela sur un important corpus de savoir-faire dans les systèmes embarqués et temps-réel, en l’appliquant d’une manière inédite à des systèmes qui peuvent être répartis à grande échelle et conçus d’une manière non dédiée, voire auto-configurables.

Des applications aux systèmes

Plutôt qu’au niveau d’applications ou services M2M pris isolément, la cible de la conception doit être au niveau de systèmes M2M/IoT/CPS inclusifs, comme mis en avant dans les précédentes définitions. Pour cela, il est indispensable de dépasser le point de vue étroitement fonctionnaliste qui tend à prévaloir (implicitement au moins) dans l’industrie logicielle, dont les modèles de conception infiltrent désormais toute l’industrie des télécoms. Pour servir de support fiable à ces applications et services, les systèmes M2M/IoT/CPS doivent être conçus d’une manière holistique et, au sens propre, systémique, intégrant toutes les interactions directes et indirectes avec leur environnement.

Bien au delà des applications basiques de l’IoT d’aujourd’hui, qui se limitent pour la plupart à de la la collecte et à la remontée de données de capteurs dans des solutions intégrées verticalement, une infrastructure multicouches partagée [1] fournissant la base d’un couplage bidirectionnel générique entre systèmes IT et environnement physique à des échelles et des niveaux d’abstraction multiples correspond au futur de l’IoT quand il devient intégré au sein de  systèmes cyber-physiques au sens mis en avant ici. Au delà de cette « horizontalisation » de leur architecture , les systèmes IoT doivent, dans leur évolution vers les CPS, emprunter à l’automatique, aux systèmes embarqués temps-réel et à la robotique. Ils sont également des prototypes de « systèmes de systèmes » et ne peuvent en ce sens être l’objet d’une ingénierie 100 % « top-down » : ils doivent s’adapter à des modes de croissance  organique « bottom-up » et intégrer des propriétés d’auto-configuration et auto-réparation, s’appuyant pour cela sur les propriétés  d’un graphe qui peut représenter la complexité de leurs interactions et de leur ancrage physique.

…pour revenir aux humains

Le web des origines a correspondu, en connectant abstraitement des documents par des hyperliens plutôt que des ordinateurs (hébergeant ces documents) par des câbles, à un (immense) saut qualitatif à partir de l’internet dont il est issu . Il est question ici d’un saut qualitatif tout aussi immense, en « connectant » de manière abstraite et indirecte  des choses plutôt que des devices qui servent d’intermédiaire pour les superviser et les contrôler. Ceci est l’analogie la plus pertinente pour comprendre l’évolution du M2M vers l’Internet des Objets, ou plutôt le web des objets. Le web des objets a été d’abord défini comme l’utilisation par l’Internet des Objets de protocoles et surtout de principes architecturaux (REST) issus du web, mais il est destiné à converger vers un élargissement du web lui-même au  web des données et au web sémantique, que Tim Berners-Lee avait envisagé dès l’origine comme devant embrasser les objets physiques : « dans la prochaine étape, le web sémantique va sortir du  virtuel et s’étendre dans notre monde physique ».

Ceci est, crucialement, bien plus qu’une extension de périmètre, c’est un saut qualitatif dans la manière dont on définit les nœuds du réseau cible, en passant de protocoles réseau à des identifiants qui les relient à l’interprétation qu’on peut en faire à différents niveaux d’abstraction. Cette interprétation sémantique est d’abord destinée à permettre un traitement automatique qui ne nécessiterait pas de connaissance implicite ou a priori, mais elle se trouve aussi être, et ça n’est pas anecdotique, celle qui  compte pour les humains, permettant ainsi que ce réseau ‘thing-friendly » devienne, en ce sens, « user-friendly », même si les utilisateurs n’en sont pas directement des nœuds. D’un point de vue réseau traditionnel, les objets de ce web des objets pourraient apparaître comme des abstractions, mais ce sont en fait celles qui comptent pour les humains, celles qu’ils ont appris à reconstruire par leur système perceptuel, celles auxquelles les jeunes enfants donnent du sens en les touchant, les saisissant et en agissant sur elles.

Le fait d’abstraire les « devices » n’est en fait rien de nouveau dans un autre domaine, celui des réseaux sociaux, qui ont également cherché à relier les humains et à les identifier directement plutôt que par l’adresse réseau de leur ordinateur ou de leur smartphone. Dans la  perspective la plus large possible, plutôt que de parler d’un « Internet of Everything » qui ne fait que généraliser la confusion, le niveau pertinent auquel les réseaux d’information, les réseaux sociaux et le web des objets pourraient être conjointement subsumés correspond à ce que Tim Berners-Lee a proposé de baptiser le « Graphe Global Géant » (GGG), un réseau abstrait qui comprendrait tous les éléments de données et d’information, les choses et les personnes comme ses nœuds. Parler encore d’ »internet » pour ce graphe universel le rabattrait sur une métonymie fâcheusement anachronique. Il est clair que les avatars futurs du protocole IP que nous connaissons ne seraient plus qu’une couche très enfouie de l’infrastructure supportant la représentation de ce graphe, dont le commun dénominateur serait beaucoup plus haut et plus proche de nous, dans une représentation sémantique partagée.

Conjuguer les 3 dimensions de la connectivité

En savoir plus :

Un échantillon (en ordre chronologique inverse) de publications depuis le début des années 2000 (époque où une première génération d »objets communicants » faisait déjà le buzz,  bien avant que l’on ne parle encore d’internet des objets…) et où certains rabattaient ces objets sur une simple généralisation des « terminaux » de l’époque. Le point de vue défendu dans ces articles se situe dans une évolution en cohérence vers celui qui est  présenté ici.

  1. « Towards a Shared Software Infrastructure for Smart Homes, Smart Buildings and Smart Cities », G. Privat, M. Zhao, L. Lemke,1st International Workshop on Emerging Trends in the Engineering of Cyber-Physical Systems, Berlin, April 14 2014
  2. Extending the Internet of Things”, Communications & Strategies, G. Privat, Digiworld Economic Journal n° 87, 3d Q 2012, pp 101-119
  3. « Stigmergic and phenotropic webs : the new reach of networks », G. Privat, Universal Access in the Information Society (Springer), Volume 11, Number 3 (2012), pp. 323-335, DOI: 10.1007/s10209-011-0240-1
  4. “Ambient Intelligence”, G. Privat, N. Streitz, Chapter 60 of Universal access Handbook, Constantine Stephanidis, Editor, CRC Press, 2009
  5. « From Smart Devices to Ambient Communication », Privat, Invited conference, From RFID to the Internet of Things, EU IoT Workshop, Brussels, March 3 2006
  6. « Des Objets Communicants à la communication ambiante », R. Airiau, G. Privat, In “Mobilités.net”, septembre 2004
  7. « A system-architecture viewpoint on smart networked devices », G. Privat, Microelectronic Engineering, 54 (2000),pp 193-197

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