Désagrégation, virtualisation, automatisation : l’opérateur du futur sera softwarisé ou ne sera pas. La transformation en cours dans le monde des réseaux bouleverse les méthodes de travail des opérateurs et ouvre la voie à une montée en gamme majeure en termes d’efficacité et de flexibilité dans les opérations. Du point de vue des clients, elle se traduit notamment par l’avènement ou le développement du modèle de réseaux à la demande.
Quand les réseaux s’inspirent de l’IT
“L’introduction de pratiques logicielles venues de l’IT dans les réseaux, notamment le recours au Cloud pour héberger des fonctions de réseau, et l’utilisation massive des données pour automatiser l’exploitation des réseaux” sont les deux phénomènes principaux à l’œuvre, détaille Laurent Leboucher, CTO Groupe et Directeur Orange Innovation Networks. “Nos réseaux deviennent plus autonomes, et nos équipes sont plus efficaces et capables de faire davantage, à effectif égal. Le mouvement est significatif, l’impact sur nos pratiques et méthodes de travail tout autant. Cela implique par conséquent la transformation des compétences, afin d’accompagner les salariés dans l’évolution vers des rôles/fonctions émergents à travers le développement et la montée en compétences (upscaling et rescaling).”
Désagrégation et automatisation
Comment cette évolution se manifeste-t-elle dans les réseaux et opérations ? L’arrivée du logiciel induit une dynamique de désagrégation : “Jusqu’alors, l’opérateur achetait et déployait des équipements réseaux combinant le hardware (matériel) et les fonctions logicielles. Depuis quelques années, ces fonctions sont découpées du hardware qui, de fait, se banalise. Cela touche déjà des équipements tels que les routeurs et les commutateurs (switchs). Cela concerne aussi le cœur des réseaux mobiles, qui sont virtualisés sur l’ensemble des géographies du Groupe. Un vaste programme est lancé pour désagréger le backbone.”
La softwarisation ouvre la voie à de nouvelles promesses vis-à-vis des clients, dans une logique de réseaux on-demand et as-a-service.
“Ces fonctions désagrégées, virtualisées, déportées sur le Cloud, nous permettent de bénéficier de possibilités de calcul et de stockage mutualisées, avec des économies d’échelle à la clé. L’automatisation, qui s’effectue déjà avec des mécanismes traditionnels, sera pleinement exploitée à l’heure des réseaux virtualisés, afin de rendre nos opérations encore plus efficientes. Enfin, utiliser des technologies d’intelligence artificielle améliorera l’exploitation des données. Détection d’anomalies, maintenance prédictive, identification de menaces, etc. : nos réseaux deviennent plus autonomes et résilients face aux imprévus et leur gestion plus fine et plus performante.”
Du changement pour les métiers et pour les clients
Ce mouvement de fond intéresse les familles de métiers liés aux réseaux, de l’amont – design, intégration, planification – à l’aval – supervision, interventions de terrain. Pour ce dernier domaine, l’enjeu est ainsi de mieux cibler les déplacements et les interventions, tout en offrant plus d’autonomie aux techniciens. Un cursus de formation est en cours de création chez Orange afin d’accompagner les métiers concernés dans cette transformation.
La softwarisation ouvre aussi la voie à de nouvelles promesses vis-à-vis des clients, selon une logique de réseaux on-demand et as-a-service. “Pour nos clients, sur le marché Entreprises en particulier, cela implique de nouvelles façons de consommer, avec la possibilité de configurer un réseau à partir d’un portail ou via des API [interfaces logicielles] pour demander de la bande passante, établir un slice sécurisé, etc. Du côté du grand public, l’enjeu de monétisation des réseaux se concrétise par l’apport de nouveaux services, conçus en lien avec les communautés de développeurs via l’exposition de nos API – dans le domaine des applications de contenus immersifs par exemple, qui requièrent une latence faible et donc de prioriser certains trafics.”
Au cœur de l’innovation
La diffusion de ces évolutions s’opère depuis quelques années déjà, au gré des travaux de standardisation et d’innovation, particulièrement dynamiques au sein des communautés Open Source. “Toute la brique Telco Cloud est abordée notamment au sein de la Linux Foundation, à travers le programme Anuket consacré à la standardisation de spécifications pour les fonctions réseaux virtualisées et cloud-native. Des travaux dédiés à la virtualisation du RAN sont en cours dans le cadre de l’Open RAN Alliance en particulier. La Linux Foundation à nouveau, en lien avec la GSMA, a par ailleurs lancé récemment l’initiative CAMARA visant à soutenir l’interopérabilité des API réseaux afin de les rendre plus accessibles aux développeurs.”