Se déconnecter : un droit… et un devoir ?

Se déconnecter : un droit… et un devoir ?
La massification de l’usage des smartphones s’accompagne d’une porosité croissante entre les sphères professionnelle et personnelle, publique et privée. La connectivité ambiante nous condamne-t-elle à une connexion permanente ?

Il faut 64 secondes en moyenne pour retrouver son attention après la lecture d’un e-mail.

Plus de 20 millions de smartphones vendus. C’est en 2015 que le cap a été franchi pour la première fois en France. Une augmentation de 7 % par rapport à l’année précédente, d’après le cabinet d’études GfK. Une tendance croissante qui se confirme dans les usages : 62 % des Français possèdent un smartphone tandis qu’un Français sur trois profite du triple écran – ordinateur, smartphone et tablette.

Plus que jamais, l’humain est aujourd’hui connecté, augmenté. Cependant, la place de plus en plus prégnante du numérique dans le quotidien de tout un chacun remet en question la notion d’espace intime, de séparation entre monde professionnel et sphère privée.

Une personne sur deux vérifie ses e-mails depuis son smartphone

En effet, selon le cabinet spécialisé Return Path, le smartphone est devenu le moyen privilégié pour « checker » ses e-mails – une personne sur deux –, précisément parce qu’il est à portée de main et disponible à tout instant. Or, cette immédiateté, cette « continuité de la connexion » soulève des questions : « avoir son smartphone tout le temps à disposition », c’est pratique, mais cela peut vite se transformer en une injonction à « être tout le temps à disposition », impliquant surcharge informationnelle et dispersion de l’attention. Cela peut également conduire à développer des pathologies exclusivement liées à l’environnement professionnel.

« Droit à la déconnexion »

Pour autant, cette redéfinition des sphères personnelle et professionnelle instaurée par l’arrivée des nouveaux outils numériques ne doit pas être inéluctablement subie, mais bien domptée, domestiquée, car son but originel n’est pas de pénaliser l’humain, mais bien de le servir.

Un principe mis en place en Allemagne depuis plusieurs années déjà. Dès 2011, le constructeur automobile Volkswagen avait interdit à ses employés d’envoyer des e-mails entre 18 h 15 et 7 h en bloquant l’accès à leurs BlackBerry professionnels, tandis que le chimiste Henkel proscrivait les envois de messages le week-end et pendant les fêtes de fin d’année.

En France aussi, la question du droit à la déconnexion est posée puisqu’intégré dans le Code du travail via la loi Travail.

Orange, pour sa part, a signé fin septembre 2016 un « premier accord sur l’accompagnement de la transformation numérique ».

De multiples solutions individuelles pour rester libre

Mais pour être pérenne, la liberté numérique ne s’applique pas à sens unique : la tâche n’incombe pas seulement à l’entreprise, mais aussi à l’individu. Si l’on constate que ce dernier parvient à « cloisonner » autant que faire se peut le professionnel et le privé (diversification des adresses e-mail et des téléphones, disponibilité réduite), d’autres pratiques simples sont à sa disposition : puisqu’il faut 64 secondes en moyenne pour retrouver son attention après la lecture d’un e-mail et que les Français en reçoivent quarante par jour en moyenne, pourquoi ne pas désactiver les notifications qui dirigent inconsciemment vers la lecture dudit e-mail ? Personne ne lui en voudra, encore moins ses collègues, qui peuvent eux aussi participer au soulagement de la surcharge de travail, et ainsi gagner en solidarité et efficacité. Puis profiter, enfin. On l’oublie, mais optimiser son temps de travail, c’est aussi optimiser son temps libre !

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