MOOC, des connaissances et des compétences à portée de clic

Les MOOC (Massive Open Online Courses), ces cours en ligne ouverts à tous, offrent une nouvelle forme d’apprentissage à distance, en télé-enseignement. Ce mode d’accès aux connaissances tout d’abord adopté par les universités, les grandes Ecoles et le grand public, gagne maintenant les entreprises, et bientôt les écoles, collèges et lycées. Et demain ? Que nous réservent les nouvelles façons d’apprendre ? Vont-elles nous faire vivre une rupture totale dans nos façons d’acquérir les connaissances ? Réponses avec Thierry Curiale, directeur du programme Open Collaborative Learning à Orange.

Les MOOC représentent-t-ils vraiment une révolution de l’apprentissage ?

Aujourd’hui Les MOOC, sont une réalité notamment dans l’enseignement supérieur où ils permettent de diffuser massivement des cours magistraux, et ce dans de nombreux pays. le concept de MOOC  apparaît en 2008, inventé par deux Canadiens, Stephen et Downes. Mais c’est en 2012 que deux professeurs de l’université de Stanford (Etats-Unis) créent Coursera : le concept de cours en ligne ouverts à tous est né mais, à l’opposé de l’initiative canadienne, il est très instructionniste, c’est-à-dire vertical et descendant. La plateforme Coursera, dont l’objectif est la massification des connaissances à disposition du plus grand nombre, est aujourd’hui la plus importante au monde.

Tout cela constitue-t-il une révolution de l’apprentissage ? Pas vraiment et cela pour deux raisons. Premièrement, la très grande majorité des MOOC aujourd’hui sont instructionnistes c’est-à-dire centrés sur un ou quelques « sachants » s’adressant à des « apprenants » passifs. Rares sont les MOOC communautaires ou les apprenants sont plus actifs. De ce point de vue, on se contente souvent de reproduire ce qui se passe dans un amphithéâtre mais en changeant d’échelle : de 400 étudiants on passe à plusieurs dizaine de milliers. Deuxièmement, il n’apparaît pas très compliqué sur le plan technique de développer une plateforme de MOOC. Il n’y a donc pas de révolution en soi avec les MOOC. En revanche, ce qui change et fonde une certaine révolution c’est l’offre d’instruction privée virtuelle, gratuite ou payante, elle est désormais pléthorique sur la websphère et concurrence directement l’offre d’instruction publique. C’est une première historique.

Dans un avenir très proche, les MOOC vont-ils investir toute la sphère de l’éducation ?

Oui, les MOOC sont en train d’investir l’éducation nationale à tous les niveaux. On ne sait pas estimer à quelle échéance cela se produira mais la plupart des écoles, collèges et lycées français finiront, au-delà des MOOC, par adopter de nouveaux modes d’apprentissage en ligne. Avec certains MOOC, ceux qui favorisent l’apprentissage par les pairs, se développe une nouvelle pédagogie basée sur les principes de la pédagogie active qui date des années 20 à 40 (Freynet, Piaget…) : les « apprenants » apprennent en se socialisant, en interagissant avec les équipes pédagogiques et d’autres « apprenants ». Il ne s’agit donc pas d’une révolution mais plutôt de remettre au goût du jour, en utilisant le pouvoir de connexion du numérique, des pédagogies rares mais qui ont fait leurs preuves. Avec ces MOOC, l’enseignement vertical tend à disparaître au profit d’une approche large, ouverte,  interactive et horizontale. Dans ce contexte, nous devenons tous à la fois des « sachants », détenteurs de certains savoirs, et des « apprenants », des producteurs comme des consommateurs de contenus. Cette nouvelle donne constitue un enjeu majeur de transformation identitaire pour les enseignants : il s’agit pour eux de devenir des référents plus que des « sachants », des facilitateurs de l’apprentissage entre pairs qui favorisent aussi les liens sociaux et les interactions entre les individus.

Et dans le monde du travail ?

L’influence des MOOC sur le développement des compétences en entreprise est en revanche une révolution de fond. Ils permettent aux équipes de se former via des plateformes 24/7, de relier les compétences entre elles, mais aussi d’imaginer de nouvelles modalités de développement des compétences. Les bénéfices seront réels tant pour les salariés que pour les employeurs : gain de temps, économie de coûts, gestion de l’évolution des compétences, employabilité maintenue voire renforcée, stimulation de la mobilité… Avec le numérique, apparaît une nouvelle offre virtuelle d’acquisition de compétences La plupart des MOOC sont gratuits sauf sur certaines plateformes « Business to consumer » comme par exemple Coorpacademy. Grâce au numérique, les salariés s’approprient les connaissances, adoptent une nouvelle culture de l’apprentissage plutôt que de s’adapter au changement par obligation ou par nécessité, Ils testent, acquièrent et développent des compétences en continu sur le lieu de travail comme à leur domicile de manière plus autonome… C’est ce qu’on nomme le « Long Life Learning », l’apprentissage en flux tout au long de la vie. Avec le numérique, apprendre c’est travailler et travailler c’est apprendre.

Aujourd’hui on parle beaucoup de la réalité immersive. Quel rôle pourra-t-elle jouer dans l’acquisition des connaissances ?

Bien que nous en soyons au premier stade de la réalité immersive, nous sommes par exemple déjà capables, à partir d’images de synthèse, de simuler une panne dans une chaîne de fabrication en usine, d’y pénétrer et de réparer. Dans le domaine du cinéma, elle permet au spectateur d’éprouver des sensations, de se retrouver au cœur de l’action, de vivre l’expérience de l’intérieur, en immersion dans le film – avec parfois quelques inconvénients pour certains. La réalité immersive est déjà au service d’outils pédagogiques dans le domaine de la formation professionnelle (CAP, BEP, Bac pros, BTS…). Elle permet de recréer des  situations professionnelles  qui serviront ensuite de support aux enseignants pour former leurs étudiants à partir de ces simulations.

Peut-on imaginer aller encore plus loin ?

Dans le domaine pharmaceutique, on sait aujourd’hui acheminer certains principes thérapeutiques actifs vers les récepteurs cibles de cellules malades. On appelle cela la vectorisation. A terme on peut tout à fait envisager que des informations, contenues au sein de nanobio composants actifs, soient acheminées jusqu’à certaines zones du cerveau d’un individu. La phase de sommeil paradoxal serait la plus propice à ce « transfert » d’information à la source: le neurophysiologiste et onirologue Michel Jouvet, « père du sommeil paradoxal », a en effet démontré que nous apprenons probablement en rêvant – un potentiel inné que possèdent tous les mammifères à sang chaud depuis 200 millions d’années- l’image propre aux rêves étant un langage avant même l’apparition de tout vocabulaire. Image qui aide le cerveau à s’auto-organiser. Mais encore faudrait-il parvenir au préalable à modéliser l’organisation et le fonctionnement neurobiochimique du cerveau. Des projets allant dans ce sens sont en cours.
Et à l’horizon 2050, que diriez-vous d’avaler une pilule avant de vous coucher et de vous réveiller en sachant parler l’anglais ou le japonais ? C’est Nicholas Negroponte, co-fondateur du laboratoire MIT Media Lab, qui le prédit : nous pourrions un jour apprendre en dormant…
Mais nous n’en sommes pas là, heureusement peut-être, et ces sujets nous confrontent à des questions éthiques auxquelles il faudra d’abord apporter des réponses.

Pour aller plus loin sur les MOOC :

Plateformes académiques :

Coursera, EdX, Udacity,
Udemy,
EdX
Iversity (allemande)
Futurelearn (britannique)
FUN (française)

Plateformes non académiques (apprentissage par les pairs) :

Novoed
Solerni

L’offre de l’Agence Orange Solerni

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