« On pourra probablement un jour voir à travers les yeux des joueurs. »
Partir un week-end à la campagne en oubliant volontairement son smartphone passe presque aujourd’hui pour un défi personnel, une volonté d’approcher ses limites en apnée. Mais il y a une vingtaine d’années, c’était l’inverse. C’était l’époque de la 2G, qui suivait de peu les tout premiers portables. Ces derniers étaient basés sur une technologie analogique ‒ en France, le Radiocom 2000 ‒, et peu d’entre nous les ont connus. Puis la 2G est arrivée avec le succès qu’on connaît, et un mobile miniaturisé utilisé pour… téléphoner et envoyer des SMS.
Pas encore d’accès à Internet sur ces mobiles des années 90. Le « www » venait d’ailleurs tout juste de faire son apparition sur les ordinateurs de bureau. Les premiers standards GSM (Global System for Mobile communications) écoulaient les données à un rythme de 9,6 kb/s. Très lent ! Puis le standard GPRS (General Packet Radio System) a rapidement multiplié le débit avant que le standard EDGE (Enhanced Data Rates for Global Evolution) ne pousse jusqu’à 150 kb/s.
Voitures, hôpitaux, domotique, stades…
En 2001 est arrivée la 3G avec le format UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) qui permettait d’atteindre jusqu’à 384 kb/s. Puis ce fut la 3G+ et l’ère des débits en Mb/s. Steve Jobs, l’emblématique patron d’Apple, pouvait se frotter les mains en élaborant son iPhone, qui allait surfer sur cette explosion des capacités de transmission. Plus près de nous, la 4G, avec le standard LTE (Long Term Evolution), vient multiplier par dix le débit mobile par rapport à la 3G+ pour atteindre des débits de plusieurs dizaines de Mb/s.
Place bientôt à la 5G, annoncée pour 2020. La vitesse de connexion va être multipliée par 30 par rapport au standard 4G actuel. Au moins 100 fois plus, prédisent les plus optimistes. Mais cette vitesse a-t-elle encore un sens ? Sera-t-elle vraiment utile ?
« C’est une très bonne question !, répond Éric Hardouin, directeur de la recherche en connectivité chez Orange. Si vous prenez toutes les générations de mobiles qui se sont succédé, à chaque fois, des gens se demandaient ce qu’on allait faire avec toute cette vitesse. Or, l’expérience a montré que, quelle que soit la technologie, on a toujours eu des applications qui ont utilisé les débits offerts pour proposer de nouveaux services. On a déjà en visibilité quelques services qui profiteront de débits plus élevés, notamment la vidéo haute résolution, le 4K et le 8K. Sur un écran de smartphone, ceux-ci ne servent à rien aujourd’hui. Par contre, avec un casque de réalité virtuelle et en réalité augmentée, le cas d’usage devient plus intéressant. »
Concrètement, la 5G va permettre de télécharger des films en à peine quelques secondes. Elle connectera des capteurs en tout genre, pour la santé, les villes intelligentes ou encore l’agriculture, permettra de faire communiquer entre elles les voitures autonomes et d’optimiser le trafic routier, va révolutionner le jeu vidéo et la réalité virtuelle, et transformera l’expérience spectateur dans les stades et salles de concert. « On pourra probablement un jour voir à travers les yeux des joueurs », imagine Éric Hardouin.
La révolution numérique, tellement dépendante des vitesses de connexion, ne fait que commencer.