À l’intérieur des Black Boxes de Fabien Zocco

À l’intérieur des Black Boxes de Fabien Zocco
Ce plasticien interroge la frontière et les relations entre la technologie et le langage, entre le robot et l’humain. Black Boxes est le projet sur lequel il travaille en résidence à l’Art Factory d’Orange Gardens, le site de la recherche et de l’innovation d’Orange basé à Châtillon.

L’humain se constitue en tant qu’humain à partir du moment où il y a technologie, et ce depuis les origines de l’humanité.

À l’intérieur des Black Boxes de Fabien Zocco
À l’intérieur des Black Boxes de Fabien Zocco
À l’intérieur des Black Boxes de Fabien Zocco
À l’intérieur des Black Boxes de Fabien Zocco

Pourriez-vous présenter votre parcours et votre démarche ?

Je suis artiste plasticien. J’ai fait une licence d’histoire, puis les Beaux-Arts à Poitiers. C’est là où j’ai commencé à investir le champ de l’art numérique. Je me suis intéressé aux relations entre la technologie et le langage, démarche que j’ai développée dans un post-diplôme au Fresnoy, Studio national des arts contemporains. Le langage est en effet un attribut privilégié de l’humain s’il s’agit du langage parlé, et un attribut du vivant si l’on considère le langage des animaux. Cette question du rapport entre le vivant et le non-vivant est au cœur de mon travail, sachant qu’on dote les machines d’attributs langagiers et sémantiques qui font bouger les lignes entre ces deux polarités.

L’humain est-il modifié par les nouvelles technologies ?

C’est la question à l’origine de ma démarche, dans le sens où l’humain se constitue en tant qu’humain à partir du moment où il y a technologie, et ce depuis les origines de l’humanité. L’anthropologie et la philosophie des techniques considèrent que ce qui fait sortir l’humain de l’animalité, c’est précisément l’outil. Aujourd’hui, le bouleversement total de l’outil par les technologies numériques reconfigure, à mon sens, d’abord les rapports entre l’homme et le monde, ensuite la définition même de l’humain.

Comment avez-vous rejoint l’Art Factory qui vous accueille en résidence ?

L’Art Factory est un dispositif qu’Orange a lancé à l’occasion de l’inauguration du site Orange Gardens. Un appel à projets a été diffusé il y a un an concernant deux domaines de développement chers à Orange, l’Internet des objets et la matérialité du réseau. J’ai candidaté et j’ai été retenu pour venir six mois développer un projet qui fait intervenir LoRa, un protocole de communication à très basse consommation d’énergie qui permet de mettre en connexion des objets (Internet des objets).

Comment se déroule la résidence ?

Je viens ici toutes les semaines. Je bénéficie de financements ainsi que de la mise à disposition de compétences techniques, de la technologie LoRa et d’un lieu – le 3e lieu. Je peux y échanger avec des ingénieurs d’Orange, j’y ai aussi rencontré un sociologue qui travaille ici. Le 3e Lieu est un tiers lieu disposant d’une gamme d’outils et de compétences que je trouverais difficilement ailleurs. C’est sa spécificité que de rendre possible des recherches comme les miennes.

Pouvez-vous décrire le projet intitulé Black Boxes que vous développez ici ?

Black Boxes sera une sculpture robotique dont le point de départ était un concept de la cybernétique, un courant de pensée qui a émergé à la fin des années 1940 et au début des années 1950 chez des chercheurs américains, qui, à mon sens, ont jeté les bases idéologiques de la société technicisée. Je trouve intéressant de mettre en regard les concepts de la cybernétique et l’Internet des objets. La cybernétique a développé ce concept de « black box » pour qualifier l’élément d’un système (technique, social…) dont le fonctionnement interne est inaccessible.

Rien à voir avec la boîte noire des avions, donc…

Non, la boîte noire en cybernétique est un objet mystérieux qui reçoit en entrée de l’information et qui, en sortie, la redistribue métamorphosée, mais sans qu’on sache trop quelles modifications ont eu lieu sur cette information. C’est aussi une métaphore pour qualifier notre rapport à la technologie, puisqu’on est face à des objets mystérieux dont on ne saisit pas toujours les tenants et les aboutissants. L’idée est donc, dans mon projet, de donner corps à cette métaphore en fabriquant des boîtes noires, des cubes de 15 cm par 15 cm qui se déplaceront sur le sol, seront motorisés et développeront ensemble des langages, des comportements. Ces cubes seront dispatchés dans deux espaces distincts mis en connexion via le réseau LoRa, qui leur permettra d’émettre une sorte de langage à distance.

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