L’industrie du chipset en ébullition

Concentrés de technologies de pointe à la superficie toujours plus réduite, les chipsets (ou System on a Chip, SoC) embarquent la plus grande partie de l’intelligence de nos smartphones. Concentré, l’écosystème associé l’est aussi autour de quelques acteurs clés, et se confronte actuellement à un contexte heurté.

“Le chipset, un cerveau de poche qui embarque la plus grande partie de l’intelligence et de l’innovation de nos smartphones”

Après des années d’utilisation intensive, il arrive que nous prenions pour acquis tout ce que notre smartphone peut faire pour nous au quotidien. Posons-nous la question de savoir, ou de comprendre, comment ce génie applicatif et logiciel est animé. La réponse est contenue dans un composant miniature – d’une surface de moins de 100 mm² – caché derrière les écrans : le chipset.

Un cerveau multi-usages

Ce “cerveau” de poche supporte deux parties essentielles au fonctionnement de nos smartphones. Le volet Application Processing, d’une part, englobe le microprocesseur, la carte graphique, la gestion du stockage, la sécurité, les modules d’intelligence artificielle, etc. Le modem, d’autre part, embarque toute la connectivité 3G/4G/5G. Ces deux briques critiques peuvent être séparées – un choix d’architecture qui permet d’accélérer la fabrication de nouvelles générations de chipsets – ou pleinement intégrées. Dans un cas comme dans l’autre, la plus grande partie de l’innovation technique du téléphone repose sur le chipset.

De l’architecture à la production, un écosystème restreint…

L’acte de naissance d’un chipset réside dans le choix de son architecture. Depuis quelques années, ce sont les familles conçues par la société britannique ARM qui donnent le la en la matière et constituent l’architecture par défaut.  Avec une subtilité dans le business model : l’entreprise ne vend pas ni ne fabrique de processeurs, mais commercialise sa technologie en tant que propriété intellectuelle sous forme de licences.

Pour un composant hautement technique, il faut par ailleurs s’attendre à un processus de fabrication tout aussi technique. Celui des chipsets est particulièrement fin et complexe. Tout commence avec les “wafers”, disques de silicium de 300 mm qui suivent un véritable parcours du combattant industriel avant d’être découpés en “dies”. Ils sont en effet soumis à des séances répétées d’exposition de haute intensité à des lumières UV ainsi qu’à plusieurs produits chimiques en vue de produire des transistors. “Dans l’univers mobile, il existe un nombre réduit d’acteurs et d’usines qui maîtrisent ces technologies et sont capables de fabriquer des chipsets, détaille Bertrand Grelot, Expert Nouvelles Technologies Mobiles chez Orange. Et cette proportion s’amenuise encore davantage quand il s’agit d’évoquer la 5G, qui requiert une puissance de calcul multipliée par dix par rapport aux générations précédentes. Tout l’enjeu consiste dès lors à atteindre une finesse de gravure permettant de disposer de toujours plus de transistors à surface égale. A l’heure actuelle, seuls les fondeurs TSMC (Taiwanais), Intel (Américain) et Samsung (Coréen) maîtrisent cette technologie.” Longtemps dominé par l’Américain Qualcomm, le segment de la distribution s’est récemment distendu après que plusieurs acteurs tels que le Chinois Huawei et Samsung, désireux de réduire leur dépendance, ont développé leurs propres designs et capacités de fabrication de chipsets.

…et un environnement contraint pour certains acteurs

Depuis quelques mois, des acteurs-clés de cet écosystème doivent faire face à une série de vents contraires. La guerre commerciale initiée en 2018 entre les Etats-Unis et la Chine a en effet des répercussions directes sur l’industrie du chipset. Les restrictions imposées sur l’utilisation de technologies étatsuniennes dans les produits chinois se sont encore resserrées dernièrement. Des contrôles supplémentaires ont en effet été mis en place dans le cadre de l’Entity List, au sein de laquelle figurent Huawei et plusieurs de ses filiales, ce qui signifie que des entreprises ne peuvent coopérer avec le groupe chinois qu’à moins d’obtenir une licence gouvernementale si leurs produits intègrent de la propriété intellectuelle américaine. Or la quasi-totalité des chipsets relève directement de celle-ci, que ce soit au niveau de leur architecture ou des équipements employés lors de leur fabrication. Les implications pour Huawei sont claires : le constructeur chinois, qui fabriquait ses propres puces comme vecteur de différenciation, voit désormais sa chaîne d’approvisionnement considérablement affectée. Sa capacité à continuer à produire des terminaux mobiles, ainsi que des équipements de réseaux, est fortement remise en cause.

Un autre paramètre structurant, quoiqu’en suspens, entre en ligne de compte : le rachat éventuel d’ARM par la société américaine Nvidia qui, s’il venait à être validé, pourrait faire entrer le spécialiste de l’architecture des chipsets dans le périmètre des entreprises concernées par les restrictions de l’Entity List.

Vers une industrie scindée en 2 ?

“Pour les sociétés chinoises concernées, et pour Huawei au premier plan, deux alternatives se présentent, reprend Bertrand Grelot. Soit trouver des solutions sur la base de négociations avec les autorités US, soit aller vers une sorte d’isolationnisme technique en créant leur propre écosystème. Cette perspective conduirait à une scission entre technologies occidentales et orientales, lequel induirait des problématiques importantes de non-interopérabilité et de sécurité. Cette situation fluctuante, en évolution rapide, est appréhendée avec attention et prudence par les acteurs de l’écosystème. Dont les opérateurs tels qu’Orange, qui interagit en temps normal avec les fabricants de chipsets dans une logique de co-construction et de co-innovation.”

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