“L'hybridation entre réseaux terrestres et satellites permet de déployer des services IoT en tous points du globe, sans avoir besoin passer par une multitude d'acteurs.”
Le “New Space” redessine la carte du ciel. Jadis réservée aux grandes puissances étatiques, la conquête spatiale se démocratise à vive allure avec l’arrivée de nouveaux acteurs privés. Les très médiatiques Elon Musk (SpaceX) et Jeff Bezos (Blue Origin) forment l’avant-garde d’un vaste écosystème de plus de mille entreprises. Un champion français de la mouvance, la start-up toulousaine Kinéis, a hérité le système de géolocalisation satellitaire Argos du Centre national d’études spatial et de Collecte Localisation Satellites, et est devenu un spécialiste de l’espace au service de l’IoT. Fondée en 2018, la jeune pousse a levé 100 millions d’euros en 2020 et vient de signer un contrat avec RocketLab pour lancer 25 nanosatellites supplémentaires dès 2023. “Kinéis développe un nouveau modèle, avec des satellites standardisés et miniaturisés réalisés en quelques années, de la conception au lancement, contre plusieurs dizaines d’années précédemment”, explique Patrice Tajan, ingénieur d’affaires chez Kinéis.
Une connectivité IoT à prix compétitif sur toute la planète
Entre le New Space et l’IoT, il y a comme un alignement de planètes. Les technologies satellitaires se modernisent, les coûts de lancement baissent de manière drastique et, dans le même temps, les usages de l’IoT se développent à marche rapide. Le projet de Kinéis permet de fournir une connectivité IoT à prix compétitif dans des parties du globe que les réseaux terrestres ne peuvent atteindre. Les objets connectés intègrent un chipset basse consommation, une puce radio qui se connecte aux satellites, permettant de géolocaliser l’objet où qu’il se trouve sur la planète et d’avoir accès à des données collectées par des capteurs. Le dispositif est complété par des paraboles disposées autour de la planète et qui reçoivent les signaux des satellites.
Les usages potentiels dans des domaines comme l’agriculture, le transport et la logistique, le maritime, les réseaux et infrastructures ou l’humanitaire sont innombrables. Le satellite facilite “l’asset tracking”, c’est-à-dire le suivi des actifs sur différentes voies de fret terrestres, maritimes ou aériennes à travers la planète. La technologie rend possible de surveiller un gazoduc en faisant remonter chaque jour ou chaque heure les informations de différents capteurs (débitmètre, thermomètre, fuites, pression). On peut aussi imaginer suivre le niveau du réservoir d’eau dans un village africain isolé sans avoir besoin d’y déplacer un technicien.
Complémentarité des réseaux terrestres et satellites
La connectivité satellite complétant idéalement les réseaux terrestres, le partenariat entre Kinéis et Orange est logique, souligne Laurent Chivot, chef de projet chez Orange Innovation : “Jusqu’à présent, les réseaux étaient pour l’essentiel terrestro-terrestres. Il y avait certes du satellite, mais c’était extrêmement compliqué, extrêmement cher, et ainsi réservé à quelques rares domaines d’activité. Du côté des opérateurs de réseaux terrestres, notre problématique est de pouvoir offrir le même service sur toute la planète. C’est maintenant naturel sur les technologies cellulaires, grâce au “roaming”, mais c’était beaucoup plus compliqué avec l’IoT. L’hybridation entre nos réseaux terrestres et les satellites constitue la promesse de pouvoir déployer des services et des usages en tous points du globe, sans avoir besoin de passer par une multitude d’acteurs, ce qui est un réel facteur de simplification pour les utilisateurs.”
Simplifier la vie des clients est le mot d’ordre pour Christine Olivier, responsable du marketing du produit Live Objects chez Orange Innovation : “L’objectif est de permettre à nos clients d’avoir des solutions de connectivité enrichie de bout en bout : c’est-à-dire que nous livrons de la donnée sur une seule plateforme, quels que soient le protocole et la connectivité. Par exemple, notre plateforme de gestion des objets connectés Live Objects réunit les réseaux 2G, 3G, 4G, LoraWAN, WIFI, LTE-M et, désormais, satellite grâce à Kinéis.”
La puissance de l’écosystème, condition du succès
Les équipes d’Orange Innovation en témoignent : l’IoT est d’abord une chaîne de valeur fondée sur un écosystème fort. “Vous pouvez avoir la meilleure technologie du monde mais, s’il n’y a pas un écosystème solide, avec un opérateur, un réseau, une infrastructure, des gens qui fabriquent des terminaux et des intégrateurs qui les utilisent, l’histoire peut être très belle et pourtant s’arrêter net”, analyse Laurent Chivot. Le New Space et sa démocratisation des communications par satellite converge avec l’écosystème de l’IoT pour réussir une intégration naturelle et compétitive entre les réseaux satellitaires et terrestres. “Aujourd’hui, c’est une réalité tangible, ce n’est plus de la science-fiction”, s’enthousiasme-t-il.