Le quantique fait sauter les verrous de la cryptographie

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Le calculateur quantique est encore en devenir. En revanche, la cryptographie bascule déjà dans un autre paradigme en exploitant les propriétés de la physique quantique. La sécurisation des données les plus critiques qu’elle assure est un enjeu de souveraineté nationale.

Face à la Chine et aux Etats-Unis, la France a des atouts à faire valoir grâce notamment à la qualité de ses laboratoires de recherche.

En supputant le doublement tous les ans du nombre de transistors présents sur une puce, le cofondateur d’Intel Gordon Moore avait prévu que l’industrie se heurterait aux environs de 2020 à une limite physique, celle de la taille des atomes. La physique quantique, qui étudie le comportement des atomes, est appelée à prolonger la “loi Moore”.

Appliquées à l’informatique, les propriétés de la physique quantique de superposition et d’intrication laissent augurer une puissance de calcul sans égal. En octobre 2019, Google annonçait avoir atteint la “suprématie quantique”. Son processeur aurait effectué un calcul complexe en deux cents secondes là où un supercalculateur traditionnel l’aurait fait en dix mille ans.

Au-delà de ces promesses entretenues par les effets d’annonce de Google, IBM, Microsoft, D-Wave ou Honeywell, le quantique a des applications plus concrètes. En France, le rapport de la députée Forteza intitulé “Quantique : Le virage que la France ne ratera pas” (janvier 2020) ouvre un autre axe de recherche et développement : la sécurisation des communications en recourant aux propriétés quantiques des photons.

La distribution quantique de clés – QKD ou Quantum Key Distribution – permet de produire une clé secrète aléatoire, connue des seuls expéditeur et destinataire, afin de chiffrer et déchiffrer les messages tout en s’appuyant sur un protocole de cryptographie symétrique traditionnel. Le projet OPENQKD de la Commission européenne réunit, à cet effet, des centres de recherche et des fabricants européens d’équipements de télécommunication de treize pays dont, pour la France, Orange, Thales, le CNRS ou l’Institut Mines Telecom.

Les clés RSA bientôt obsolètes ?

Et si les hackers disposaient également de la puissance quantique ? C’est l’étape suivante, celle de la cryptographie dite post-quantique. Il est d’ores déjà établi qu’une fois implémenté dans un calculateur quantique, l’algorithme de Shor “casserait” les crypto-systèmes à clé publique, tels que le RSA. Ce dernier est couramment utilisé pour sécuriser les échanges en ligne, notamment de l’e-commerce.

“Même si cette hypothèse n’intervient que dans vingt ans, nous devons d’ores et déjà réfléchir aux systèmes de remplacement”, avertit Mathias Van Den Bossche, directeur Telecom & Navigation System R&D, et Quantum Technology Roadmap Leader chez Thales Alenia Space.

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Les données particulièrement sensibles dans le domaine du médical, du militaire et de la propriété intellectuelle, des infrastructures critiques dédiées à la distribution d’énergie ou au transport aérien sont concernées par ces travaux.

“Les banques centrales comme la Banque de France ou la BCE doivent également se pencher sur le sujet, poursuit Mathias Van Den Bossche. Si, à l’avenir, elles émettent des cryptomonnaies ou procèdent à une ‘tokenisation’ des titres financiers, elles doivent avoir une confiance absolue dans les moyens de protection.”

Pour ces banques centrales, il n’existe que trois moyens de sécurisation éprouvés : la cryptographie quantique, les clés jetables et la distribution des clés à plusieurs endroits. En revanche, le bitcoin semble, pour l’expert de Thales Alenia Space, condamné à terme face à la puissance de calcul du quantique.

La bataille du quantique spatial

Le second volet de la communication quantique porte sur un cadre plus prospectif puisqu’il s’agit de relier des calculateurs ou des capteurs quantiques afin de créer un réseau superpuissant, une sorte d’internet quantique. Sachant que la mise en réseau de ces ordinateurs quantiques ne fait pas qu’additionner leurs capacités : elles les multiplient.

Pour réussir cette gageure, il faudra toutefois prendre de la hauteur. Car comme l’explique Mathias Van Den Bossche, “les photons sont absorbés par la fibre optique, ce qui fait que la portée du signal est limitée à une centaine de kilomètres. Dans l’espace libre, on s’affranchit de cette contrainte. Un satellite peut diriger un faisceau laser vers la Terre et couvrir un millier de kilomètres. L’objectif sera ainsi de relier les grandes métropoles par liens satellite.”

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Dans cette quête du quantique spatial, la Chine part avec un temps d’avance. En janvier 2020, elle annonçait avoir réussi une transmission de données sécurisées par la cryptographie quantique entre une station mobile et un satellite (source Futura Sciences). Une première mondiale.

Face à la Chine et aussi aux Etats-Unis, la France a des atouts à faire valoir grâce notamment à la qualité de ses laboratoires de recherche publique et académique. “A l’Institut d’optique, le chercheur Philippe Grangier est à l’origine d’un des trois protocoles de cryptographie quantique certifiables, se réjouit Mathias Van Den Bossche. L’Inria développe, elle, des preuves de sécurité des protocoles de communication quantiques.”

En France, les préconisations du rapport Forteza devraient déboucher dans les prochains mois sur un plan national dédié au développement du quantique.

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