“Le machine learning permet de calculer les probabilités de fuites afin de cibler les canalisations à renouveler en priorité.”
Dans un contexte de raréfaction des ressources et dans un cadre réglementaire toujours plus exigeant, les opérateurs d’eau potable, publics comme privés, sont confrontés à des défis croissants et complexes : suivi de la qualité de l’eau, amélioration du rendement des réseaux, réduction des coûts d’exploitation, performance énergétique. Des défis qu’une gestion intelligente des réseaux permet de relever. Celle-ci repose sur la multiplication des capteurs, le déploiement de compteurs communicants et de réseaux performants pour le transfert de données, le recours à l’imagerie aérienne et satellitaire et, de plus en plus, à l’intelligence artificielle.
Piloter la consommation
Première brique de l’évolution vers des réseaux d’eau intelligents, le télérelevé permet d’obtenir un relevé des consommations sans avoir besoin d’accéder directement au compteur. Cette solution s’appuie sur des compteurs communicants, équipés d’émetteurs radio, et sur un ou plusieurs répéteurs et concentrateurs qui rassemblent les données émises par chaque compteur et les transmettent via un réseau GSM/GPRS, Internet ou LPWAN.
Le relevé des index se fait automatiquement, quotidiennement et à distance, ce qui permet d’établir des facturations sur la base des consommations réelles et non plus estimées. Ce suivi précis en temps réel aide les particuliers et les collectivités à mieux comprendre et maîtriser leur consommation d’eau et contribue à détecter plus rapidement les fuites et les fraudes potentielles. Les données collectées peuvent être traitées en appliquant l’apprentissage automatique ou d’autres méthodes statistiques pour extraire des informations utiles.
Le télérelevé ouvre ainsi la voie à de nouveaux services dans une logique d’économie de la ressource en eau. Pionnier dans ce domaine, la société Birdz prévoit de déployer plus de 3 millions de compteurs intelligents en France d’ici 2027. Pour ce faire, la filiale de Veolia a choisi le réseau LoRaWAN® d’Orange, solution ouverte, interopérable et réversible. Ce réseau radio basse fréquence dédié aux objets connectés a la particularité d’être peu énergivore et peu coûteux.
Dans les endroits où l’eau ne coule pas de source, cette technologie peut aussi être utilisée pour améliorer l’accès à l’eau courante. Récompensée par le Grand Prix Orange de l’entrepreneur social en 2017, la start-up CityTaps a créé un système de compteur d’eau intelligent et à micropaiement, relié à un logiciel de facturation, qui permet aux urbains à faibles revenus de prépayer leur eau selon leurs moyens, à tout moment, à partir de n’importe quel téléphone portable, et aux opérateurs d’eau d’optimiser leurs fonds de roulement.
Détecter les fuites et surveiller la qualité
Avec environ 20 % de pertes d’eau dans les réseaux de distribution, la lutte contre les fuites est une priorité pour la filière. Dans le même temps, les exploitants doivent surveiller en permanence la qualité de l’eau du robinet, l’un des aliments les plus contrôlés.
L’objectif des capteurs est donc double : améliorer le rendement des réseaux et garantir la sécurité sanitaire de l’eau.
La grande majorité des fuites sont invisibles. Il faut donc se mettre “à l’écoute du réseau” pour pouvoir les détecter. Déployé sur des réseaux gérés par Saur partout en France, le dispositif EAR intègre des capteurs dotés de membranes hydrophones capables de capter – et de traduire sous forme d’ondes – les bruits spécifiques induits par les fuites d’eau.
Couplée à la sectorisation des réseaux, cette technologie assure une localisation précise des fuites et une intervention rapide. Le délégataire propose également aux collectivités de poser des sondes dans leurs canalisations, mesurant une dizaine de paramètres liés à la qualité de l’eau. L’analyse des données permet d’identifier rapidement les écarts entre l’état du réseau à un instant précis et une cartographie de son état normal.
Au-delà de la recherche de fuites au sol, la recherche aérienne est également expérimentée. Financé par l’Union européenne, le projet WADI vise par exemple à réduire de 50 % les pertes d’eau potable grâce à l’utilisation de petits avions et de drones. Les fuites affectent l’environnement local d’une manière qui permet leur détection grâce à des télécapteurs.
“[Elles] augmentent le taux d’humidité du sol et/ou la teneur en eau des plantes et de la végétation. Cela provoque des altérations dans la réflexion de la lumière à des longueurs d’ondes optiques et des émissions infrarouges en raison des changements de température, liés en grande partie à l’évaporation (du sol) ou à la transpiration (des plantes).”
WADI combine donc des capteurs infrarouges thermiques avec des données issues de caméras multispectrales pour mesurer ces changements.
Prédire les fuites pour optimiser le renouvellement des réseaux
Les fuites d’eau sont généralement liées à la vétusté des réseaux. Il serait cependant beaucoup trop coûteux de rénover toute l’infrastructure. C’est là que l’intelligence artificielle intervient.
Des modèles de machine learning peuvent être mis en œuvre pour calculer les probabilités de fuites afin de cibler les canalisations à renouveler en priorité et diminuer les risques de fuites futures. Le but étant d’optimiser les investissements et d’améliorer l’efficacité de la gestion patrimoniale.
Développé par Altereo, le logiciel HpO définit les sections les plus à risque en se basant sur les incidents passés, mais aussi sur une multitude d’autres paramètres comme l’âge des canalisations, les matériaux utilisés, le diamètre, la longueur des tronçons, la météo, le trafic routier, etc.
Ces données sont recueillies par les agents d’exploitation, qui renseignent plusieurs informations et joignent des photos dans une application mobile. L’ensemble nourrit une base de données et s’ajoute aux données historiques, permettant au système autoapprenant de créer un nouvel indicateur : le risque de défaillance de chaque tronçon du réseau.
HpO a été mis en œuvre dans plusieurs villes françaises comme Chartres, Tours ou Limoges. En Namibie, Altereo a signé un contrat avec NamWater, l’entreprise publique chargée de la gestion de l’eau, pour la réhabilitation du réseau de distribution de la municipalité de Keetmanshoop, au sud du pays.
L’enjeu est d’autant plus important que la rénovation des infrastructures en Afrique permet non seulement d’améliorer les rendements des réseaux, mais aussi de garantir un meilleur accès à l’eau potable.
Les centres de supervision au cœur de la gestion intelligente
Véritables centres névralgiques de la gestion intelligente de l’eau, les plateformes de supervision intègrent toutes ces solutions et agrègent l’ensemble des données collectées. Elles permettent aux opérateurs d’avoir une vision globale, en temps réel, de l’état des installations sur un territoire donné, de réagir plus vite et d’anticiper les problèmes pour planifier les interventions.
Situé au Pecq, dans les Yvelines, le Smart Operation Center de Suez supervise ainsi l’ensemble des compteurs communicants et des technologies smart water du Groupe en France et à l’international. Il garantit la performance des infrastructures, et assure la fiabilité et l’actualisation de millions de données, restituées aux centres de pilotage régionaux (seize centres VISIO en France, couvrant 100 % du territoire national).
Il est notamment alimenté par les données de la suite logicielle AQUADVANCED pour l’eau potable, qui comprend quatre outils basés sur la data science : surveillance de la qualité de l’eau reposant sur la mise en place de sondes (AQUADVANCED Quality Monitoring) ; collecte et traitement de data issues IoT pour un suivi en temps réel de la performance des réseaux (AQUADVANCED Réseaux d’eau) ; sécurisation de la production d’eau potable et réduction des coûts d’exploitation (AQUADVANCED Energie) ; surveillance et optimisation en continu des forages et de leurs pompes (AQUADVANCED Well Watch).