La blockchain au secours du sport professionnel ?

Dans un contexte où la pandémie de Covid-19 a eu un impact économique important sur l’industrie du sport, les solutions basées sur la blockchain offrent aux organisations et clubs professionnels de nouvelles façons de générer des revenus tout en maintenant la fidélité des supporters.

“Pour les clubs, les FTO sont rentables, car elles leur permettent d’obtenir rapidement de nouveaux financements tout en développant l’engagement des fans sur le long terme.”

Depuis la création de la cryptomonnaie Bitcoin, de nombreux secteurs se sont intéressés à la blockchain, comme l’agroalimentaire, la médecine ou l’énergie. Cette technologie de stockage et de transmission de données distribuée et décentralisée se propage aussi au monde du sport. Au-delà de l’effet de mode, elle pourrait contribuer à la structuration de solutions techniques à des problématiques que cette industrie connaît depuis longtemps : diversification des sources de revenus et de financement, lutte contre la spéculation autour des prix des billets et la fraude, ou encore mise en œuvre de programmes antidopage.

Fan Tokens et objets de collection cryptographiques

Les “Fan Tokens” (jetons de fan) sont l’une des plus grosses tendances émergeant de l’alliance entre le sport et la blockchain. Ces actifs numériques sont émis par une organisation ou un club sportifs lors d’une “Fan Token Offering” (FTO) qui, comme l’Initial Coin Offering (ICO), ne permet pas aux acquéreurs d’obtenir des actions ou des parts sociales. Au lieu de cela, les jetons leur donnent la possibilité de participer à la vie d’une équipe et d’obtenir des avantages. Ces jetons dits “utilitaires” (“utility token”) peuvent ensuite prendre de la valeur et s’échanger sur le marché secondaire.

Sur socios.com, les supporters peuvent ainsi acheter des “Fan Tokens” basés sur la cryptomonnaie de la plateforme, appelée Chiliz ($CHZ), leur donnant le droit de participer à certaines prises de décisions de leur club préféré, comme le choix des couleurs d’un maillot, le nom d’un terrain d’entraînement ou l’endroit où se déroulera le prochain match amical. Ils peuvent également accéder à des récompenses exclusives (places VIP, visites guidées, rencontres avec les joueurs, produits dérivés dédicacés, etc.).

Pour les clubs, cette méthode de levée de fonds est très rentable, car elle leur permet d’obtenir rapidement de nouveaux financements tout en développant l’engagement des fans sur le long terme. En 2020, le FC Barcelone récoltait 1,3 million de dollars en moins de deux heures lors de la vente de ses $BAR sur socios.com.

Collectionner les cartes est une autre façon de se livrer à sa passion pour un sport ou une équipe. Particulièrement populaires dans les années 1980 et 1990, les cartes sportives connaissent aujourd’hui une évolution majeure grâce à la blockchain et aux jetons non fongibles (NFT, “non-fungible tokens”).

Contrairement aux objets de collection numériques ordinaires, ceux accompagnés d’un NFT (appelés “objets de collection cryptographiques”) sont uniques, un numéro de série leur étant attribué. Ils ne sont pas reproductibles et l’identité de leur propriétaire, leur authenticité et leur rareté peuvent être vérifiées.

En 2019, la NBA lançait Top Shot, une application développée par Dapper Labs (à l’origine de CryptoKitties) permettant d’acheter des paquets de cartes digitales scellés. Baptisées “Moments”, il s’agit en fait de courts extraits vidéo montrant les temps forts des stars de la ligue de basket américaine. La plateforme comprend également une place de marché, pour échanger les cartes, classées par niveau de rareté (la NBA et Dapper Labs prélèvent un pourcentage sur chaque transaction).

La billetterie blockchain

La technologie blockchain est également utilisée pour rendre l’achat d’e-tickets plus sûr. La revente illicite de billets est un problème majeur pour les organisateurs d’événements sportifs. Certains individus utilisent des programmes informatiques pour acheter un grand nombre de places dès l’ouverture de la billetterie et les revendre à des prix exorbitants. D’autres se contentent de vendre des contrefaçons. Résultat : assister aux événements sportifs les plus prestigieux est devenu inaccessible pour de nombreux supporters.

Confrontée à cette double problématique, l’industrie du sport doit repenser le billet électronique, et la blockchain apparaît comme une solution pour encadrer les prix de revente et prévenir la fraude. Elle permet notamment de s’assurer que les transactions enregistrées sont valides, qu’elles émanent de personnes autorisées (vendeurs agréés, propriétaires des billets), et que les données n’ont pas été altérées. Via le contrat intelligent, il est possible d’intégrer des règles d’échange prédéfinies. Des briques d’intelligence artificielle, permettant de détecter des comportements suspects, peuvent être ajoutées pour renforcer la sécurité et limiter la spéculation.

Concrètement, lorsqu’une personne achète un billet en ligne, un identifiant unique est créé. Chaque billet est associé à un portefeuille virtuel et totalement traçable. Libre ensuite au détenteur de revendre son ou ses billets, dans les conditions et les limites de prix fixées par l’organisateur de l’événement.

Aujourd’hui, de nombreuses start-up proposent des solutions de billetterie basées sur la blockchain, à l’image d’Aventus Protocol, utilisé pour la vente de tickets lors de la Coupe du monde de football 2018 en Russie, ou TIXnGO, qui a signé un partenariat avec AFC Ajax en novembre 2020.

Sécurisation des données sportives et médicales

Registre distribué et décentralisé, la blockchain pourrait permettre de constituer un dossier numérique regroupant les données relatives aux performances de l’athlète et/ou ses données médicales.

Un tel dossier constituerait un formidable outil au service de la lutte antidopage, permettant à plusieurs organisations de produire, stocker, accéder et partager des données liées au dopage en toute transparence.

L’idée de compiler les données médicales au format digital n’est pas nouvelle dans le monde du sport. En France, le “profil biologique du sportif” (ou “passeport biologique de l’athlète”) a été introduit dans le Code du sport en 2012. Il comprend les prélèvements sanguins et urinaires effectués par le sportif dans le cadre de contrôles antidopage et doit permettre, grâce à un suivi au fil du temps des marqueurs biologiques du dopage, de détecter des variations anormales de ces marqueurs.

L’apport de la blockchain réside là encore dans sa capacité à garantir l’intégrité des données, traçables et inaltérables, contenues dans ce passeport. La vérification et la validation préalables à l’enregistrement de nouvelles informations empêchent certains utilisateurs (fédérations nationales corrompues, laboratoires d’analyses médicales peu scrupuleux) de falsifier les données tout en renforçant la confiance dans les procédures de contrôle antidopage, entachées par de nombreux scandales.

La sécurité apportée par la blockchain, qui s’appuie sur des techniques de cryptographie avancées, constitue également un atout dans le domaine de l’analyse de données (“sport analytics”) – en particulier des performances des athlètes –, qui joue un rôle de plus en plus important dans le sport. Dans “Moneyball”, publié en 2003 et adapté au cinéma en 2011, l’auteur américain Michael Lewis montre comment le manager des Oakland Athletics a utilisé cet outil pour constituer une bonne équipe de baseball avec un petit budget. En 2016, l’affaire du piratage de la base de données des Astros de Houston par les Cardinals de Saint-Louis révélait à quel point les données sportives étaient devenues précieuses.

La technologie blockchain offre ici une infrastructure sécurisée pour le stockage de données et de modèles “maison”, générés et utilisés au sein des clubs, mais aussi pour leur partage entre entraîneurs, recruteurs, managers, etc.

Une telle infrastructure peut aussi être utilisée dans les domaines de la détection de talents et de la gestion de carrière pour partager des données relatives aux aptitudes et résultats de jeunes sportifs. TokenStars et SportyCo, deux plateformes de crowdfunding basées sur la blockchain, proposent ainsi aux fans, investisseurs et sponsors d’aider des athlètes à financer leur carrière en échange d’articles exclusifs ou d’un pourcentage sur leurs futurs revenus. Si ce type de cas d’usage est amené à se développer, il faudra toutefois mener une réflexion de fond sur leurs enjeux éthiques.

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