L’expérience est une première au niveau français. Il s’agit de la simulation d’une intervention cardio-vasculaire réalisée par un cardiologue et suivie en direct depuis Athènes par son confrère. Innovation applicative et connectivité 5G ont été associées pour superposer des images d’échographies et de radiographies par rayons X et les retransmettre grâce à une application de réalité augmentée via un réseau privé 5G sur la fréquence 26 GHz, encore peu utilisée en Europe mais dont l’usage est assez répandu en Asie et Amérique du Nord.
L’expérience a clairement démontré qu’un réseau 5G supportait totalement les exigences de débits et de temps de latence pour offrir une vraie qualité d’imagerie médicale
L’expérience repose sur deux prouesses technologiques. D’une part, la synchronisation temporelle et spatiale parfaite des images améliore considérablement les conditions de l’intervention (les images étant habituellement retransmises sur des écrans distincts). D’autre part, la performance de l’infrastructure réseau sans fil 5G mise à disposition offre des débits très importants et un temps de latence très court indispensable pour la réalité augmentée.
Des enjeux d’amélioration des conditions d’intervention à l’hôpital
Pour Nelly Besnard, responsable des partenariats et de l’innovation au CHU de Rennes et coordinatrice du projet 5G Tours pour le centre hospitalier, les résultats de cette expérimentation sont prometteurs : “Les blocs opératoires utilisent de plus en plus souvent des technologies de traitement de l’image associées à des gestes moins invasifs. Mais ces solutions toujours plus performantes et souvent très gourmandes en flux de données sont complexes à mettre en œuvre autrement qu’avec un réseau filaire. L’expérience a clairement démontré qu’un réseau 5G supportait totalement les exigences de débit et de temps de latence pour offrir une vraie qualité d’imagerie.”
Autre enjeu important : la diminution voire l’absence de câbles de télécommunication dans la salle d’opération, avec à la clé des avantages évidents pour l’équipe médicale et les patients. Ces câbles, en effet, limitent la liberté de mouvement des praticiens et doivent être intégrés dans les protocoles de désinfection. Une connectivité mobile 5G favorise la flexibilité d’utilisation des équipements, assure une connexion automatique quel que soit le bloc opératoire et améliore le confort et l’efficacité pendant les interventions.
Une collaboration éprouvée
Le CHU de Rennes, AMA, b<>com, Orange, Nokia et Philips travaillent depuis de longs mois sur la mise en place des expérimentations de 5GTours. Les partenaires ont déjà réalisé en septembre 2021 une démonstration de télé-expertise à partir d’une ambulance connectée.
- L’équipe de l’hôpital et Orange ont défini les cas d’usage et coordonné la bonne mise en œuvre du projet.
- AMA a développé l’application de réalité assistée XpertEye.
- b<>com a apporté sa solution de cœur de réseau privé 5G Dome et l’application de réalité augmentée (fusion d’images)
- Nokia a mis en place le réseau cellulaire 5G sur la bande de fréquence millimétrique 26 GHz.
- Philips a coordonné l’expérimentation “ambulance connectée”.
Des paramètres non négociables
“Ces avancées sont cruciales, explique Nelly Besnard. Mais elles ne doivent pas s’obtenir au détriment de la sécurité des données et de la santé du patient et des équipes médicales. C’est pourquoi nous avons défini des paramètres non négociables : une connectivité sans rupture, une cybersécurité renforcée et 100% d’innocuité pour les patients et les professionnels de santé.”
L’expérience est probante, confirme Sofiane Imadali, ingénieur de recherche chez Orange et chef de projet sur 5GTours pour la thématique de la santé connectée : “Du point de vue de la cybersécurité, un réseau mobile privé 5G est beaucoup plus sûr qu’un réseau Wi-fi traditionnel. Quant à la propagation des ondes, elle a été mesurée par une équipe de l’Agence Nationale des Fréquences. Les résultats sont conformes, indiquant un taux d’émission en watt/mètre-carré 400 fois inférieur à la limite fixée par la réglementation.”
Quelles applications pour demain ?
De l’expérimentation à ses applications, il n’y a qu’un pas. La formation des jeunes chirurgiens, d’abord, par la retransmission en direct ou en différé, dans un amphi d’université, d’une intervention. La téléassistance, ensuite, pour des cas complexes ou pour accompagner à distance des urgentistes ou des chirurgiens non spécialisés afin de garantir un diagnostic rapide et optimal, et faciliter la prise en charge du patient.
Mais le passage à la vie réelle n’est pas encore pour demain et il faudra probablement encore 3 à 5 ans pour “industrialiser” une solution fiable et performante et réduire encore le matériel et le câblage nécessaire, notamment en intégrant les modems 5G sous forme de chipsets au sein des équipements médicaux.
En attendant, une autre expérimentation est déjà programmée : l’ouverture d’un service de réanimation éphémère comprenant des dispositifs de monitoring et un réseau 5G “clés en main” pour une mise en œuvre opérationnelle en moins de 48h. Ce nouveau projet déployé dans le cadre du plan France Relance réunit les mêmes partenaires et devrait débuter les premières expériences d’ici un an.