• Des outils permettant de faire le tri entre les aliments plus ou moins sains existent. Ils sont incomplets et peu efficaces pour évaluer les produits transformés.
• En entraînant FoodProX, un algorithme sur des bases de données de nutriments, des chercheurs ont démontré qu’il est possible de connaître le niveau de transformation d’un produit alimentaire.
Obésité, diabète de type 2, élévation de la pression sanguine, insuffisance coronarienne, cancer… sont autant de conséquences connues d’un mauvais régime alimentaire sur la santé et notamment du niveau de transformation des produits consommés. Cependant, l’information du public et des décideurs en la matière n’est pas toujours claire. Depuis 2011, le Center for Nutrition Policy and Promotion du département américain de l’agriculture publie le guide MyPlate. Au Brésil, un système de classification appelé NOVA, issu de l’université de São Paulo, classe quant à lui les aliments selon leur transformation. Cependant, ce système ne comporte pas suffisamment de données indexées, car il repose sur une labellisation manuelle des aliments. Pour combler ses lacunes, des chercheurs américains en médecine et en physique proposent, dans Nature Communications, une solution appelée FoodProX basée sur l’apprentissage automatique.
Au niveau d’un gouvernement, ces outils sont un moyen d’identifier les aliments les plus transformés et d’agir pour réduire leur consommation
Quatre catégories d’aliments
FoodProx se base sur la même classification que NOVA. A l’origine, le système NOVA répartit les aliments en quatre catégories (NOVA 1 à 4) : naturels ou transformés à la marge (découpés, pilés, séchés, etc.), ingrédients culinaires transformés (huile, sel, sucre en morceaux, beurre), produits combinant ceux des deux catégories précédentes ou transformés par leur conditionnement (conserve, fromage, fruits au sirop) et, enfin, les produits ultra-transformés : gâteaux, pains en sachet, sauces, pizzas, céréales de petit déjeuner, snack, hot dogs, etc. C’est-à-dire « des formules industrielles constituées typiquement de cinq ingrédients ou plus, y compris des substances peu communément utilisées dans les préparations culinaires tels que des additifs dont le rôle est d’imiter certaines qualités sensorielles des aliments frais » explique l’article. De son côté, FoodProX a été entraîné sur les nutriments figurants dans 2484 aliments répertoriés dans la Food and Nutrient Database for Dietary Studies, un corpus du département de l’agriculture des États-Unis qui compile les données sur le régime alimentaire des Américains après enquêtes publiques. Chaque aliment contient entre 65 et 102 nutriments.
Un score de transformation entre 0 et 1
Grâce à cet entraînement, FoodProX est en mesure d’analyser une liste de nutriments provenant de n’importe quel produit pour indiquer son degré de transformation. Plus exactement, il indique quatre scores de probabilité entre 0 et 1, chacun correspondant à une catégorie du système NOVA. Ainsi, un oignon cru est noté 0,97 dans la catégorie des aliments naturels, et entre 0,03 et 0,01 dans les autres. Mais une rondelle d’oignon panée et frite est notée 0,99 comme ultra transformée.
L’algorithme a été testé sur la composition de 100 grammes d’aliments listés dans une autre base de données, la Branded Food Products. Et, pour élargir ses compétences, les chercheurs ont utilisé un corpus de la Food and Drugs Administration où les nutriments sont détaillés pour 12 grammes d’un produit. FoodProX a ainsi pu servir à classer tous les aliments qui ne figurent pas dans les catégories NOVA. Bilan ? Les habitants des Etats-Unis mangent des aliments à 73% ultra-transformés et à moins de 20% constitués de produits naturels ou peu transformés.
Du projet de recherche à l’outil d’aide à la décision
« En tant qu’individu, vous pouvez vous servir de cet outil pour identifier ce qui, parmi les choses que vous mangez, est hautement transformé et donc pour vous aider à chercher de la nourriture qui l’est moins » explique Albert-László Barabási, coauteur de l’étude et spécialiste en science des données à l’université d’Europe Centrale à Budapest (Hongrie) et à la faculté de médecine de Harvard. Dans ce but, l’équipe a d’ores et déjà mis en ligne le site TrueFood permettant de vérifier ce qu’il en est pour quantité de produits alimentaires répertoriés par marques et distributeurs (en l’occurrence américains). Un outil d’aide à la décision, en somme, mais qui peut également servir à un niveau plus politique, au sein des administrations et organismes chargés de la santé publique. « Au niveau d’un gouvernement, c’est un moyen d’identifier les aliments les plus transformés et d’agir pour réduire leur consommation, que ce soit dans le cadre de campagne de sensibilisation ou d’une politique de taxation. »