L’apprentissage automatique pour réduire les déchets plastiques en mer

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● La détection de la pollution plastique dans les mers dépend encore beaucoup de méthodes fastidieuses de repérages sur place ou d’identification visuelle sur des images, qui mobilisent beaucoup de temps et de ressources humaines.
● Depuis la fin des années 2010, la recherche académique teste des approches par intelligence artificielle et vision par ordinateur, exploitant les performances des algorithmes d’apprentissage profond.
● Si cette automatisation ouvre la voie à un repérage plus régulier dans le temps et sur des zones plus larges, elle s’avère encore compliquée à mettre en œuvre en raison des contraintes sur le terrain et d’un manque de données pour entraîner les algorithmes.

On évalue à 8 millions de tonnes la quantité de déchets plastiques souillant les océans. Endiguer ce phénomène implique de suivre le parcours chaotique de ces débris jusqu’à l’océan. Ce parcours est soumis aux changements de niveau des rivières, à la présence de barrages et à divers aléas dus à la géographie, qui compliquent les missions de relevés. Dans ce contexte se développent des techniques d’automatisation de la détection des déchets, mettant à contribution l’apprentissage automatique, en particulier l’apprentissage profond (deep learning) avec les . Des satellites, des avions, des ballons, des drones ou des bateaux sont ainsi équipés de systèmes de vision par ordinateur entraînés à repérer des déchets plastiques. Ces techniques permettent en théorie une détection plus régulière et sur des zones plus vastes, mais elles se heurtent encore à nombre de contraintes.

Une détection sur des zones plus vastes

« Les réseaux convolutifs sont aptes à décrire différentes caractéristiques visuelles (couleur, texture, forme) d’une image et à s’en servir pour déterminer dans quelle zone de cette même image se trouve l’objet qui nous intéresse, ici des déchets », explique Ricardo da Silva Torres, spécialiste en science des données et vision par ordinateur à l’université de Wageningue, aux Pays-Bas, et à l’université norvégienne de sciences et de technologie.

Les réseaux convolutifs sont aptes à décrire différentes caractéristiques visuelles (couleur, texture, forme) d’une image

En 2021, plusieurs réponses à l’appel à projets de l’Agence spatiale européenne (ESA), dédié à la détection depuis l’espace des plastiques dans les mers, adoptent cette approche. La même année, l’organisation non gouvernementale The Ocean Cleanup annonce avoir développé son propre outil d’intelligence artificielle de surveillance et de cartographie.

Le rôle de la réflectance des matériaux

Mais avec quelle efficacité ? C’est ce qu’un article de la revue Water Research d’août 2022, signé de chercheurs de l’Institut fédéral d’hydrologie de Coblence en Allemagne, cherche à évaluer. Car les méthodes sont variables. Certaines s’appuient sur la réflectance des plastiques (la part de lumière réfléchie par le matériau), différente de celle de matières naturelles (algues, bois, écume). En 2020, une équipe menée par Lauren Biermann, du Plymouth Marine Laboratory (Royaume-Uni), montre pour la première fois qu’il est possible de distinguer des agrégats de plastique dans les mers via les données optiques de satellites, en l’occurrence les Sentinel-2 de l’ESA. D’autres méthodes reconnaissent la forme des objets (bouteilles, cannettes, sacs, etc.). Cela ne fonctionne cependant qu’à distance rapprochée, donc sur des surfaces moindres.

Ce travail comparatif porte d’ailleurs une attention particulière à la détection à courte distance, à savoir autour de 120 m, comme avec des drones volants ou des caméras fixes placées sur des points élevés, des ponts, etc. La conclusion est claire : « À l’heure actuelle, aucune des approches automatiques étudiées ne peut remplacer les méthodes traditionnelles de surveillance de la pollution plastique, telles que le comptage visuel ou une évaluation de terrain. » Il faut en effet composer avec beaucoup trop d’éléments perturbateurs : lumière, ambiguïté des formes des objets, contexte géographique, etc.

Un cruel manque de bases de données

L’autre problème est celui des bases de données, essentielles en matière d’apprentissage automatique. Celles qui existent sont limitées en taille et pas assez diversifiées. En bâtir de nouvelles est un travail à part entière. « Étiqueter des images est une tâche laborieuse et chronophage et, dans certains cas, il faut aussi une expertise de la part d’étiqueteurs formés », rappelle Ricardo da Silva Torres, qui a également publié en janvier 2022 une étude comparative d’outils de deep learning appliqués aux déchets plastiques. Constatant qu’il n’existait qu’une seule base publique de débris plastiques de 1.500 images, lui et son équipe en ont constitué une nouvelle, PlastOPol, agrémentée de 1.000 images supplémentaires.

Malgré tout, l’article de Water Research estime que l’automatisation de la détection reste une voie prometteuse. Elle dépend essentiellement de l’amélioration des algorithmes en classification d’objets, en segmentation ou en analyse de longueurs d’ondes lumineuses. À terme, il sera possible de « faire la distinction entre la multitude d’objets qui flottent sur l’eau ou s’échouent sur les rivages ».

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