Le paysage de l’entertainment a largement été façonné ces 20 dernières années par la digitalisation des médias et des supports. L’avènement et la montée en puissance d’internet en particulier ont agi de telle sorte que de nouveaux acteurs comme YouTube ou Netflix ont pu apparaître et imposer au marché de nouvelles façons de concevoir, de distribuer et de consommer les contenus. L’autoproduction trouve ainsi une place grandissante, et un public, à côté et en complément des contenus professionnels.
« Beyond Digital », le nouvel âge du divertissement
Alors, après le digital, le déluge ? Loin de là, comme l’explique Ludovic Noblet, directeur hypermédia de l’institut de recherche technologique b<>com, « nous entrons désormais dans une nouvelle ère, celle du beyond digital. Dans celle-ci, le socle de référence pour les créateurs et producteurs de contenus réside dans l’expérience proposée à l’utilisateur. » Et de fait, la technologie continue d’évoluer à un rythme endiablé, mais elle tend à s’effacer derrière le contenu et le critère de l’expérience. Ou plutôt à en être un vecteur d’exaltation, selon les mots de Vincent Marcatté, président de b<>com et directeur Open Innovation des Orange Labs : « la technologie représente une valeur ajoutée indéniable permettant de sublimer une image, une vidéo… en bref une proposition créative. Mais le concepteur du contenu reste la pierre angulaire dans cette nouvelle ère. En tant qu’opérateur contribuant au développement de nouveaux usages et technologies, nous sommes là pour lui proposer des outils novateurs, sur lesquels il peut s’appuyer pour enrichir la manière dont il va délivrer sa création au consommateur. Jusqu’à revisiter les mécanismes narratifs et de storytelling, avec la réalité virtuelle ou augmentée notamment. ».
Pourquoi nous divertissons-nous au XXIème siècle ?
A cet égard, il est indispensable de solliciter et d’associer les créateurs de contenus en amont de l’élaboration d’une expérience, et de les mettre en cohérence avec les technologies. Susceptible d’introduire de véritables ruptures dans la façon dont nous nous divertissons, il est aussi important de s’appuyer sur la vision d’experts de l’acceptabilité. Dans le cas de la réalité virtuelle ou de la réalité augmentée, il est question de passer du divertissement à l’escapism, une nouvelle façon de s’évader en s’immergeant dans un environnement alternatif. Et cela peut susciter des interrogations à plusieurs égards, devant lesquelles les créateurs de contenus doivent adopter un positionnement responsable pour ne pas couper les utilisateurs de la réalité. Un exemple très prosaïque et matériel est à trouver du côté des Google Glass, dont les utilisateurs en public étaient souvent perçus avec circonspection…
« Il s’agit aussi de générer de la satisfaction chez le consommateur, sans quoi ces nouvelles expériences de divertissement sont vouées à rester éphémères ou isolées, reprend Ludovic Noblet. Et car elle est un prérequis à l’engagement et à la fidélisation. Mais d’où proviennent cette satisfaction et l’envie de consommer ? Selon la théorie Uses and Gratification, un public se porte sur un média spécifique pour combler un besoin spécifique, que celui-ci ait trait à de l’information, à l’identité personnelle (pour conforter ses valeurs, son statut, ou s’identifier à un autre), à la recherche d’interactions sociales ou à de la distraction, c’est-à-dire la capacité à s’échapper. Un sujet comme la réalité virtuelle, qui est susceptible de se placer à la croisée de ces 4 usages, est doté d’un potentiel de satisfaction et d’engagement considérable à cet égard. »
Nouvelles expériences, nouveaux médias : encourager la création
En se livrant à un exercice de prospective, Ludovic Noblet estime que le développement des technologies de réalité virtuelle/augmentée/mixte ira de pair avec l’apparition de nouveaux acteurs médias. « Car celles-ci renouvellent les possibilités d’offrir des contenus innovants : réalité virtuelle via des plateformes à la demande ou le cloud, nouvelles expériences multi-users/multijoueurs, etc. »
Ce sont les GAFAM qui ont senti le plus tôt le vent tourner, et qui investissent massivement dans ces domaines. En 2014, Facebook rachetait Oculus VR, le fabricant du casque immersif Oculus Rift, et le réseau social lancera prochainement Facebook Spaces. Une appli dédiée au casque et qui permettra de se retrouver avec ses amis dans un environnement virtuel et interactif.
Les géants du web sont donc les moteurs de cette révolution, et les médias traditionnels leur emboîtent le pas. En Europe, particulièrement en France, le secteur des contenus se caractérise toujours par son dynamisme et sa diversité – exception culturelle oblige. « Investir dans le contenu est fondamental, note Vincent Marcatté. La division Contenus d’Orange propose par exemple une bourse, nommé Beaumarchais, pour les jeunes créateurs et réalisateurs en réalité virtuelle. Dans le même temps, le Groupe consacre une partie de ses travaux de recherche à la conception d’expériences différentes et différenciantes en matière d’entertainment, par exemple aujourd’hui dans le champ de la vidéo 360° et demain dans le champ de la vidéo « 6DoF » (à six degrés de liberté). »
L’institut b<>com s’implique lui aussi fortement sur le sujet, avec une ambition : « projeter la réalité virtuelle dans une approche proactive, conclut Ludovic Noblet. Aujourd’hui, il est possible de plonger dans un contenu, demain, il sera possible d’interagir naturellement avec ce contenu ! »