“Le monopole des GAFA de plus en plus contesté par l’opinion et les nombreuses amendes infligées par les autorités de régulation laissent imaginer un rééquilibrage en faveur des opérateurs.”
“Les données sont le nouveau pétrole de l’économie”, professait l’entrepreneur Clive Humby en 2006. L’histoire lui a donné raison au-delà de toute espérance. Des empires ont été fondés sur des montagnes toujours plus gigantesques de datas : en une décennie, les GAFA ont décuplé leur chiffre d’affaires, passant de 78 milliards de dollars en 2008 à 773 milliards de dollars en 2019. D’emblée, les GAFA ont tout misé sur ce nouveau pétrole, en développant des services dopés à la data : moteur de recherche (Google), vente en ligne (Amazon), réseau social (Facebook). Un cercle vertueux s’est engagé, alors que ces services gagnaient en popularité : “Plus les GAFA ont de données, plus ils entraînent leurs modèles d’apprentissage machine. Plus les données sont précises, plus le taux de conversion s’améliore et donc les revenus”, analyse Clotilde Marielle, Directrice Conseil Market Intelligence chez Sofrecom.
102% de taux de pénétration
Face à cette concurrence, les opérateurs ont de nombreux atouts à leur disposition et revendiquent une place à la table des géants de la donnée. Ils bénéficient d’abord d’un taux de pénétration sans égal : 102% et 5,124 milliards de clients mobiles uniques dans le monde en 2020 (source GSMA). C’est ainsi que les épidémiologistes souhaitant étudier la mobilité des populations pendant la pandémie de Covid-19 se sont tournés en priorité vers les datas des opérateurs mobiles, jugées plus fiables que les données de mobilité publiées par Google et Apple. La raison ? Dans les deux cas, l’échantillon est non représentatif de la population car construit sur les seules recherches d’itinéraires des applis Maps et Plans.
Oser s’aventurer sur de nouveaux territoires
Les opérateurs peuvent aussi compter sur leurs relations privilégiées avec petites et grandes entreprises, qui leur permettent de développer le marché B2B et de travailler sur les processus de production, là où les GAFA détiennent surtout des données ouvertes indexables sur le web et fournies par les utilisateurs. D’autre part, le monopole des GAFA de plus en plus contesté par l’opinion et les nombreuses amendes infligées par les autorités de régulation laissent imaginer un rééquilibrage en faveur des opérateurs. Ceux-ci doivent saisir l’occasion et “oser s’aventurer sur de nouveaux territoires en tirant partie de l’IA”, selon Clotilde Marielle.
Se diversifier pour collecter des données nouvelles
Pourquoi ne pas prendre exemple sur les GAFA en rachetant des jeunes pousses travaillant sur l’IA pour se diversifier ? “Ce n’est pas sur leur métier traditionnel que les opérateurs trouveront le plus de revenus”, écrit Clotilde Marielle dans le livre blanc de Sofrecom. “Car globalement les marchés télécoms sont aujourd’hui matures. En revanche, en choisissant leurs axes de diversification (Internet des objets, banque…) ou des verticaux B2B, les opérateurs ont la possibilité de collecter des données nouvelles et multiples qui leur permettront de se positionner durablement”. Depuis 2009, Google a mis sur la table 4 milliards de dollars pour acquérir des start-up spécialisées dans l’IA, alors que les opérateurs, de leur côté, ont concentré leurs investissements dans les réseaux et les services.