Construction additive : les imprimantes 3D vont-elles révolutionner l’industrie du bâtiment ?

Dessiner sa future maison sur un logiciel et l’imprimer ensuite, c’est pour bientôt ? La technique de l’impression 3D fait beaucoup parler d’elle, et plus seulement pour le maquettage des bâtiments futurs. Au vu des progrès réalisés ces dernières années, la technologie change d’échelle et les perspectives aussi : au Salvador, en Russie, mais aussi à Nantes, des imprimantes géantes construisent désormais des maisons entières. Rapidité, réduction des coûts, durabilité : cette technique semble avoir tout pour affronter les nombreux défis de la construction au XXIe siècle. Zoom sur la construction additive et ses formidables possibilités.

Les imprimantes « XL » de première génération ne quittaient pas l’usine, et les pièces imprimées étaient assemblées sur place.

Des délais et des coûts réduits

Ils paraissent loin, les sept à onze mois autrefois nécessaires pour mettre un bâtiment sur pied. Dans le froid de l’hiver russe, la start-up Apis Cor a réussi la prouesse d’imprimer une maison de 37 m² en 24 heures ! Un gain de temps, mais aussi d’argent : la maison ne coûte que 10 000 € soit environ 270 €/m² ‒ presque six fois moins que le coût moyen de la construction classique qui culmine autour des 1 600 €/m².

Le principe de base est toujours le même : un bras articulé dispose des couches d’une matière pâteuse (béton ou alliage de fibres) les unes sur les autres pour réaliser le sol et les murs ‒ parfois aussi le toit. Les imprimantes « XL » de première génération ne quittaient pas l’usine, et les pièces imprimées étaient assemblées sur place. Mais dans les projets les plus récents, les imprimantes sont acheminées sur le terrain, à l’exemple d’Apis Cor dont l’imprimante mobile de 2 tonnes est capable de disposer des couches de béton sur une surface de 132 m2 et jusqu’à une hauteur de 3 m.

La technique est prometteuse dans les pays en développement : au Salvador, où le revenu moyen par habitant ne dépasse pas les 300 € mensuels, l’ONG New Story prévoit d’imprimer un village de cinquante maisons d’ici la fin de l’année. Pour construire en 24 heures ces maisons vendues $4000 , Vulcan, son imprimante mobile, s’embarque sur un camion, utilise du béton que l’on peut trouver partout, et fonctionne sans accès à l’eau ni à l’électricité. La technologie peut ainsi être déployée dans les endroits les plus reculés.

Bien entendu, les bâtiments imprimés doivent respecter les normes de construction locales et cette contrainte ne permet pas d’obtenir les performances de New Story ou d’Apis Cor dans tous les pays. Exemple en France, où un logement social de 95 m2 a surgi du sol en seulement trois jours : seuls les murs ont été imprimés, limitant à environ 20 % la réduction du coût par rapport à une construction classique. Mais le bâtiment mis au point par l’université de Nantes a obtenu son homologation pour son respect des normes de construction françaises.

Des maisons plus écologiques ?

L’industrie de la construction est l’une des plus gourmandes en ressources ‒ elle représente jusqu’à 60 % de la consommation de matières premières dans les pays développés. La construction additive inverse la tendance : les maisons d’Apis Cor, par exemple, n’ont besoin que de 40 % de la quantité de béton habituellement nécessaire. L’impression réduit aussi les débris de matériaux, puisque tout ce qui est apporté sur le chantier est utilisé et qu’aucun moule n’est nécessaire pour couler le béton sur place.

L’autre enjeu, c’est l’empreinte écologique des matériaux utilisés pour l’impression. Dans les expériences présentées ici, aucun alliage 100 % écologique n’est encore proposé ‒ même si plusieurs projets sont à l’étude. En attendant, les matériaux imprimés permettent d’optimiser l’efficacité environnementale de la maison. Dans l’exemple nantais, l’imprimante 3D crée deux parois en mousse polyuréthane expansive, dans laquelle elle coule ensuite du béton : la mousse subsiste dans la construction finale et sert d’isolant thermique. L’avantage ? Une grande liberté de formes, ce qui permet de construire en s’adaptant aux contraintes du terrain. Par exemple, les arbres n’ont pas été abattus pour construire la maison : elle s’étire pour les contourner ! Et cette courbure des formes améliore également la performance thermique : en évitant notamment la stagnation de l’eau dans les angles droits, l’isolation du bâtiment est 40 % supérieure à la norme RT 2012.

Autre exemple, la maison autonome en kit de l’entreprise ukrainienne PassivDom, qui assemble à l’usine des éléments imprimés dans un mélange de fibres de carbone, de fibres de verre et de polyuréthane : le résultat offre une isolation thermique presque totale. Des atouts que vient compléter l’équipement intelligent de la maison : des panneaux solaires sur le toit et un système de filtrage de l’humidité de l’air fournissent l’énergie et même l’eau potable. Et une application mobile permet de garder un œil sur ces paramètres.

La personnalisation… à l’infini

Écologie toujours : l’impression 3D alliée aux techniques de fabrication de maisons en kit permet d’envisager des bâtiments démontables et remontables à l’envi, ce qui offre la possibilité de construire des maisons avec les débris de constructions plus anciennes. C’est le principe proposé par le bureau d’études Arup et CLS Architetti au dernier Salon du design mobile de Milan, avec une maison composée de 35 modules imprimés qui seront démontés et remontés dans un autre lieu et une autre forme après l’exposition.

Composer la maison de ses rêves avec des formes et des volumes préenregistrés… voire créer sa propre 3D : c’est ce que laissent imaginer les logiciels de construction additive. PassivDom, par exemple, propose différents modèles standards qui peuvent être livrés en 24 heures, mais offre aussi au client la possibilité de personnaliser sa maison ‒ pour un délai de livraison étendu de quelques mois.

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