Comment recueillir du feedback sur certains sujets et envisager une gestion de la qualité basée graph alias “Let’s make the world great again”

Trois raisons principales expliquent pourquoi la plupart d'entre nous s’abstiennent de donner du feedback : c'est difficile sur le plan émotionnel quand on se trouve en face-à-face, cela prend du temps quand on le fait sur Internet, et si l’on ajoute à cela son inutilité, car il n’est pas pris en compte, cela semble logique. Cet article propose une approche différente, dénommée Feedchain, qui consiste à donner du feedback non seulement sur les entreprises, mais aussi et surtout sur les produits et services, ainsi que leurs composants. Les concepts présentés reposent sur l’industrie alimentaire, car la compréhension des problèmes de ce domaine semble assez répandue. L’application de cette approche à d'autres secteurs, en particulier aux télécommunications, et dans des domaines où la satisfaction du client dépend de chaînes d'approvisionnement complexes, ne devrait toutefois pas poser de difficultés. Le feedback doit être fourni sur la base de questions simples choisies par le client, puis les réponses à ces questions seront automatiquement transmises, sans intermédiaire, aux responsables compétents des domaines évalués. Par conséquent, les acteurs pertinents de la chaîne d'approvisionnement savent ce qu’il convient d’améliorer et les entreprises peuvent prendre des décisions commerciales rationnelles en se fondant sur les données quantitatives collectées et des conclusions significatives du point de vue statistique. Feedchain ne se contente pas de traiter les informations contenues dans le feedback, il s’agit également d’une approche permettant d’étayer les décisions d'achat sur la base du feedback recueilli précédemment.

“Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.” (Antoine de Saint-Exupéry)

Cet article a été rédigé en raison de la nécessité d’améliorer la qualité et de renforcer le mode de conception d’un produit ou d’un service en tant que processus d’amélioration continu. Trop souvent encore, les clients sont considérés comme un ensemble, sans tenir compte des différences qui les distinguent.

Nous nous enlisons dans une mer d’informations non structurées. D’un côté nous avons progressé : ce qui était auparavant écrit sur papier (livres, journaux) ou transmis oralement (p. ex. une conversation à bord d’un train à propos d’un livre, des plaintes concernant le retard de livraison d’un livre) est maintenant traité sur un support numérique. De l’autre, nous faisons face à deux problèmes. Tout d’abord, le nombre d’auteurs du premier type de transmission (couchée sur papier par le passé) a augmenté de manière significative ; pratiquement tout le monde peut désormais rédiger et envoyer des commentaires, des articles et même écrire et publier des livres ou réaliser des films. Ensuite, le nombre de récepteurs du deuxième type de transmission (assurée oralement par le passé) a également fait un bond en avant. Ce qui autrefois était destiné à certaines personnes liées à notre dossier est maintenant divulgué à d’autres personnes (sur les réseaux sociaux). Tout le monde n’est pas censé ni ne souhaite forcément recevoir ces deux types de transmissions. Auparavant, les critiques littéraires rédigées par un critique reconnu déterminaient ce qui devait être lu. Aujourd’hui, nous pouvons tous jouer ce rôle : les réseaux sociaux viennent renforcer ce modèle désuet avec une mise en œuvre fortement non évolutive. Une multitude de critiques ne signifie pas une critique de qualité. On observe trop souvent des actes délibérés et malveillants visant à discréditer une personne, une marque, un produit ou un service. Nous avons de nombreuses publications et encore plus de critiques. Les critiques d’une publication peuvent encore s’avérer utiles pendant de nombreuses années, mais les avis sur la forme ou le processus de cette publication, qui étaient auparavant essentiellement communiqués par voie orale, se mêlent désormais aux informations essentielles sous forme numérique. Ces avis sont changeants et revêtent un caractère circonstanciel au moment de la communication. Quand un nouveau produit fait l’objet de commentaires sur les réseaux sociaux, on retrouve ces deux types de critiques : au sujet des caractéristiques de fond du produit (p. ex. “le livre est intéressant”) et des observations temporaires concernant la commande du produit en question (p. ex. “la livraison a pris une éternité”).

Nous avons tous besoin d’informations sur nous-mêmes

Aujourd’hui, nous pouvons évaluer presque tout : les entreprises, les restaurants et les hôtels en particulier, ainsi que les produits et services individuels qui y sont proposés, comme la nourriture, les chambres d’hôtel, le personnel du restaurant ou de l’hôtel. Généralement, le feedback sur le niveau de l’entreprise est évalué et exprimé par le nombre d’étoiles attribuées. Nous pouvons fournir du feedback après un excellent repas au restaurant, même si l’on n’y a mangé qu’une seule fois. C’est comme écrire la critique d’un livre après en avoir lu un seul paragraphe. Naturellement, si d’autres clients lisent et évaluent le reste des paragraphes, l’ensemble des critiques peut finir par être crédible. Les produits et services de chaque entreprise sont le fruit du travail de certaines personnes, de sorte que le goût des spaghettis en août peut être sensiblement différent de celui de juillet. En janvier, le restaurant risque également d’avoir du mal à trouver de bonnes tomates. De surcroît, le goût des spaghettis ce soir peut varier par rapport à hier, car aujourd’hui, un autre cuisinier est de service. D’autre part, la note d’un connaisseur a plus d’importance que celle d’un amateur ou d’une personne qui a plutôt l’habitude de manger un autre type de cuisine.

Les entreprises demandent généralement à leurs clients de répondre à des enquêtes, afin de leur permettre d’améliorer leurs produits et services. Elles sont souvent pertinentes lorsqu’elles sont adressées en réponse à un achat, et non pas périodiquement. Le client peut alors se référer au processus d’achat du service ou du produit. Mais souvent, les enquêtes sont longues et incluent des questions auxquelles le client ne souhaite pas répondre. La question la plus importante, de son point de vue, peut tarder à apparaître dans l’enquête. Cela demande beaucoup de détermination, et les réponses aux premières questions de l’enquête ne sont pas nécessairement le résultat d’une motivation profonde et peuvent donc ne pas être crédibles. Ce qui pose problème, c’est que les enquêtes sont généralement envoyées juste après l’envoi du produit ou le début du service au client. Notre opinion peut changer au fil du temps si nous utilisons le produit ou le service plusieurs semaines, plusieurs mois, ou même plusieurs années. Un autre inconvénient réside dans le fait que les enquêtes contiennent des questions ouvertes ; dans la grande majorité des cas, les problèmes soulevés peuvent être difficiles à lire et à aborder de manière stratégique. Les clients sont peu enclins à répondre à ce type de questions, sauf lorsque leur avis est extrêmement négatif ou positif. Les opérateurs de télécommunications qui fournissent des services de manière continue depuis des années ne devraient pas se contenter de telles enquêtes. Le client devrait pouvoir répondre à ce type d’enquête de façon ponctuelle au besoin : en l’absence de couverture du réseau mobile, si la facture est erronée, si le transfert de données est trop lent, etc. Personne ne devrait avoir à commencer à répondre à des questions routinières (sans intérêt pour le client) avant d’aborder celles qui les intéressent. En outre, les réponses à certaines questions pourraient être fournies automatiquement ; par exemple en cas de problèmes de couverture du réseau mobile. Le fait d’envoyer ces réponses un certain temps après l’incident peut en effet compliquer la résolution des problèmes. Dans le meilleur des cas, le client donnera une note globale moindre sans pour autant se focaliser sur des problèmes spécifiques ; il peut être difficile de s’en souvenir.

Poser des questions ouvertes est le meilleur moyen de connaître l’avis du client. Cela fonctionne très bien pour un petit restaurant, où le propriétaire est en contact direct avec les clients, et peut même se souvenir de leurs noms, habitudes et besoins. En revanche, cela ne fonctionnera pas du tout pour les chaînes de restaurants et les grandes entreprises qui comptent des centaines de milliers, voire des millions de clients. En pareil cas, il est impératif de concevoir un outil qui ne se contentera pas de remplacer les commentaires qui sont les réponses à des questions ouvertes, mais qui en tirera plutôt un ensemble structuré d’informations afin de permettre une analyse numérique et une compréhension des problèmes soulevés. En fin de compte, les commentaires ne contiendront que le message nécessitant une analyse individuelle.

Figure 1 : structuration de l’information

Les réponses dans les commentaires resteront disponibles et seront utilisées dans les étapes suivantes du processus de structuration de l’information. L’objectif est de convertir davantage de contenu issu des commentaires en informations pour la partie structurée. Les réponses fournies dans les commentaires donneront lieu à de nouvelles questions fermées. Par exemple, au lieu de poser une question ouverte du style : “Que pensez-vous de votre dernière expérience dans notre restaurant ?”, l’établissement vous posera plusieurs questions fermées : “Que pensez-vous des spaghettis que vous avez commandés la dernière fois ? , que pensez-vous des pâtes utilisées dans les spaghettis ? , que pensez-vous de la consistance des pâtes utilisées dans les spaghettis ? , que pensez-vous de la sauce tomate utilisée dans les spaghettis ?”. Le client sera invité à donner son feedback en quelques clics, à l’instar de ce qui s’est fait jusqu’alors pour les questions ouvertes. On répondra à chaque question fermée sur une échelle allant de 1 (pas du tout d’accord ; pas de goût ; très mauvais) à 5 (tout à fait d’accord ; délicieux ; très bien). Le client doit toutefois toujours avoir la possibilité d’exprimer son opinion en toute liberté. Il convient de mentionner que, même si la structuration de l’information restreint partiellement cette liberté, elle renforce le pouvoir de réaction. Les informations structurées peuvent être corroborées par d’autres clients. Et si un grand nombre de clients pensent la même chose sur une question particulière, cela envoie un message explicite à l’entreprise en cours d’évaluation.

Il faut faire référence au taux de recommandation net (TRN) ici. N’hésitez pas à profiter de votre requête de feedback pour demander au client s’il recommanderait les produits ou services de l’entreprise. Il est relativement difficile de n’utiliser que le TRN. Même si nous savons que nos clients recommandent nos services, il est intéressant de savoir pourquoi ils le font, de manière à renforcer nos activités malgré la rotation des employés et à mieux comprendre l’évolution des besoins des clients. Nous pouvons également promouvoir nos produits et services en nous appuyant sur cette connaissance en fonction des données quantitatives. Bien sûr, il est possible de compléter la mesure du TRN à l’aide de questions supplémentaires, mais on se heurte à nouveau au problème de modularité mentionné précédemment. De plus, le rapport du TRN issu de l’agrégation d’informations peut brouiller considérablement le caractère concret des problèmes exprimés par les clients. Indépendamment de cela, il est utile de connaître le revenu généré par chaque groupe de répondants au TRN.

Amélioration continue

L’objectif consiste à remplacer le modèle actuel qui permet à différents clients d’interagir avec l’entreprise, de l’évaluer occasionnellement dans son ensemble et aussi de laisser un commentaire souvent subjectif difficile à interpréter, car :

  • il est compliqué de le relier à l’interaction entre l’entreprise et le client ;
  • il est compliqué de le relier à un produit ou service existant ;
  • il peut s’agir d’une critique non constructive due à un retour émotionnel non seulement sur cette interaction entreprise/client particulière, mais aussi sur les précédentes expériences ;
  • il peut également s’agir d’une action délibérée ne visant pas vraiment à améliorer les produits ou services offerts par l’entreprise mais plutôt à nuire à son image.

Figure 2 : feedback sans rapport avec l’interaction du client avec l’entreprise, formulé quelque temps après l’interaction.

Et dans le modèle cible, chaque interaction avec l’entreprise peut être évaluée, et cette évaluation est clairement liée à l’interaction en question. En particulier, si un client n’a pas interagi avec l’entreprise, il ne devrait pas avoir la possibilité de l’évaluer. Il est toutefois important de distinguer deux types d’interactions. Si un client n’a pas commandé de spaghettis, il ne doit pas être en mesure de les évaluer. Si un client n’a pas pu utiliser les toilettes du restaurant parce qu’elles étaient fermées, il peut bien entendu évaluer cette situation, mais il ne peut pas évaluer la propreté des toilettes.

Figure 3 : feedback lié à l’interaction du client avec l’entreprise (interaction basée sur le produit offert par l’entreprise, si bien que le feedback est lié au produit)

Figure 4 : feedback lié à l’interaction du client avec l’entreprise (interaction basée sur les services offerts par l’entreprise, si bien que le feedback est lié à l’élément du service)

Figure 5 : feedback lié à l’interaction du client avec l’entreprise (interaction basée sur l’entreprise, si bien que le feedback est lié à l’entreprise)

Imaginons un café qui propose des sandwichs à base de baguette, fromage, jambon, tomate et mayonnaise.

Figure 6 : sandwich à base de baguette, jambon, fromage, mayonnaise et tomate.

Le client peut évaluer l’ensemble du sandwich (aspect, goût, odeur), mais aussi tenir compte de certains ingrédients (aspect, goût, odeur, fraîcheur, consistance). Dans l’exemple de la baguette, l’aspect le plus important peut être son côté croustillant et dans le cas de la tomate, sa succulence. Évidemment, le processus de préparation des sandwichs est plus complexe. La baguette ne contient pas de tomates, jambon et fromage entiers, mais coupés en rondelles et en tranches.

Figure 7 : sandwich préparé avec un morceau de baguette, une tranche de jambon, une tranche de fromage, une portion de mayonnaise et des rondelles de tomate

On peut donc insérer dans l’arbre du sandwich une couche intermédiaire (des portions). Ces portions peuvent elles-mêmes avoir des qualités à évaluer ; quantité de mayonnaise, épaisseur des rondelles de tomate, des tranches de jambon et de fromage, taille du morceau de baguette (p. ex. elle peut être trop petite par rapport aux autres sandwichs). Selon cette approche, on peut considérer la baguette comme une combinaison d’ingrédients : farine, eau et levure. La farine peut être traitée suite à la mouture du blé. Le blé peut être traité suite à la culture du blé, etc. Il est intéressant de noter qu’un employé du café peut préparer les sandwichs, tandis qu’un autre peut trancher les ingrédients, que certains fournisseurs peuvent procurer les ingrédients, et que la boulangerie peut fournir les baguettes.

Figure 8 : sandwich et individus/employés chargés d’activités particulières

La vue d’ensemble d’un tel réseau de cafés nous permet d’observer la représentation graphique de divers éléments et de leurs connexions entre eux.

Figure 9 : vue d’ensemble du réseau de cafés sous forme de graphique

La chaîne d’approvisionnement en tant que source d’informations sur la création du produit ou du service

Nous ne pouvons pas demander à un client qui mange un sandwich de faire des remarques concernant le blé ou la levure utilisés pour la cuisson de la baguette à partir de laquelle le sandwich a été préparé. Il est néanmoins possible que le client soit bien au courant des informations clés, comme l’origine des ingrédients et leurs caractéristiques (préférences du client, allergènes, etc.) et composition nutritive (graisses, protéines, glucides, etc.). Pour certains clients, il peut s’avérer important de savoir quels types de processus ont été utilisés pour fabriquer un sandwich. La cuisson semble être neutre, mais la friture ou la fumaison n’est pas nécessaire.

La chaîne d’approvisionnement d’un tel sandwich peut être complexe, mais moyennant un minimum d’attention, il ne devrait pas être difficile de savoir quels sujets et quelles personnes ont participé aux différentes étapes. En particulier, il devrait être relativement facile de résoudre le problème fréquemment rencontré de la présence de tranches de fromage trop épaisses ou de fromage peu appétissant dans les sandwichs, mais il sera plus difficile de traiter le problème de la fraîcheur du sandwich en tant que tel.

Figure 10 : feedback du client adressé aux acteurs de la chaîne alimentaire en charge des éléments évalués

Figure 11 : exemples de réponses de feedback

Il peut arriver que le sandwich soit composé d’ingrédients frais, mais qu’il ait été vendu au bout de deux jours. Il se peut également que le sandwich ait été préparé le jour même de sa vente, mais avec une baguette périmée. Il se peut également que le client ait acheté un sandwich frais, mais qu’il l’ait mangé et évalué au bout de deux jours. Dans le premier cas, l’évaluation doit être adressée au bon acteur de la chaîne d’approvisionnement, responsable du café en question (les sandwichs ne doivent pas être vendus après tant de jours). Dans le second cas, l’employé qui prépare les sandwichs aurait probablement dû remarquer qu’il utilisait du pain rassis et l’appréciation du client devra lui être envoyée (l’employé pourra également fournir du feedback lui-même, qui sera probablement communiqué à la boulangerie ou au fournisseur de pain). Dans le troisième cas, l’appréciation du client pourra être ignorée à condition d’être sûr que le sandwich a bien été consommé peu de temps avant l’évaluation et non deux jours plus tôt. Les différents types d’aliments/boissons ont des dates d’expiration différentes ; le feedback une fois le produit expiré ne doit pas être pris en compte. Le goût du sandwich peut également être influencé par la qualité du service fourni par le vendeur, par la manière dont il a servi le sandwich, et même, paradoxalement, par le fait de savoir si le client a réussi à payer par carte, si le vendeur a souri, si le client a attendu longtemps pour acheter et s’il a bénéficié de conditions de consommation confortables.

De manière analogue aux sandwichs, nous pourrions regarder le café lui-même. Tout comme le sandwich se compose d’ingrédients fabriqués à partir d’autres ingrédients, et que chacun de ceux-ci a pu être préparé par des personnes différentes, chargées des tâches qui leur sont confiées (préparation du sandwich, tranchage, cuisson au four, friture), le café se compose des différents éléments suivants : pièces, tables, chaises, toilettes, etc. Chacune des pièces est composée d’un plafond, d’un sol, de murs, d’objets et d’appareils. En fait, chaque objet physique faisant partie d’un ensemble plus vaste peut être pris en compte, même les aspects physiques du restaurant tels que l’air ou les sons. Tous ces objets sont soumis à une évaluation plus ou moins consciente. Et ici aussi, chaque feedback peut être transmis aux acteurs responsables d’un aspect particulier – une personne est probablement chargée de la propreté des toilettes, une autre de la décoration intérieure.

Figure 12 : exemple d’interface de feedback

Le client entre dans le café et sent immédiatement qu’il s’agit d’un endroit fait pour lui et lorsqu’il lui est demandé de faire part de ses impressions, il peut sans hésiter lui attribuer 5 étoiles. Un autre client dans le même café peut ne lui attribuer que 2 étoiles. Des aspects relativement objectifs tels que la fraîcheur de l’air, le bruit ou l’efficacité d’un sèche-mains sont soumis à évaluation. Mais aussi des questions telles que : s’il s’agit d’un lieu suffisamment confortable pour y travailler pendant quelques heures, ou d’un lieu réservé à un premier rendez-vous, etc. Qui plus est, le même lieu aux heures d’affluence n’est pas forcément adapté au travail à cause du bruit, du manque de sièges et du temps mis pour commander un café, alors qu’après les heures d’affluence, c’est plutôt le contraire. Un autre problème est que certains travaillent parfaitement dans le silence complet, alors que d’autres ont besoin d’une certaine stimulation (conversations animées, musique, etc.). Le lieu pour un premier rendez-vous varie considérablement selon que le client a 20 ans ou 50 ans.

Pourquoi le feedback ne fonctionne-t-il pas actuellement ?

De nombreuses réponses à ces questions sont actuellement disponibles sur des sites Web dédiés aux voyages, aux hôtels, aux restaurants mais également à d’autres secteurs. Chaque sujet reçoit une évaluation moyenne (avec des notes parfois contradictoires) enrichie de centaines de commentaires. Les clients ont toute liberté d’expression parce qu’ils répondent à une question ouverte : “Que pensez-vous du restaurant/de l’hôtel untel ?” Cependant, il est impossible de procéder à une analyse factuelle de la situation dans un restaurant d’hôtel donné pour plusieurs raisons :

  • le feedback est le plus souvent le fait de personnes particulièrement insatisfaites ou, au contraire, satisfaites,
  • la plupart des gens ne formulent pas de feedback du tout,
  • même si un client n’est pas satisfait, il peut être difficile de connaître la raison de son insatisfaction (le client peut même ne pas savoir qui était le vendeur, qui était le cuisinier ou qui nettoyait la chambre),
  • en cas d’incident, la société doit réagir grâce au feedback sur les problèmes récurrents affectant l’évaluation des clients – seul un nombre statistiquement important de commentaires d’un type particulier doit être résolu par une réaction organisée de l’hôtel.

Dans une certaine mesure, l’analyse de la satisfaction client peut être confiée à l’intelligence artificielle (traitement du langage naturel – PNL, en particulier l’analyse émotionnelle, la recherche de phrases sémantiquement compatibles [1]). Ce sont des solutions plus avancées mais toujours imparfaites (susceptibilité aux actions malveillantes dans les réseaux sociaux, prise en charge de plusieurs langues, lecture erronée de l’ironie exprimée par les clients). En outre, l’analyse émotionnelle ne saurait à elle seule déterminer la cause des tomates pourries dans le sandwich, si le client ne l’indique pas dans le commentaire – comment le savoir ?

Comment créer un sentiment d’efficacité chez les clients ?

La solution proposée suppose que le client, au lieu d’écrire des commentaires, réponde aux questions fermées sélectionnée par ses soins concernant un aspect particulier de l’hôtel, du restaurant, de la chambre d’hôtel, du petit déjeuner, du pain servi au petit déjeuner, etc. Compte tenu du nombre de ces questions (plusieurs milliers), il est important de fournir un outil qui permette de sélectionner les bonnes questions. Le client peut choisir d’abord l’objet évalué, puis la question. Les questions suggérées peuvent être fonction de plusieurs critères :

  • l’historique des transactions/commandes des clients dans les épiceries, restaurants, cafés, etc.,
  • l’historique des visites des clients dans les épiceries, restaurants, cafés, etc.,
  • les produits disponibles dans les épiceries visitées par le client, mais qu’il n’a pas achetés pour des raisons de mauvaise qualité évidente, d’étiquetage défectueux, d’informations déficientes, etc.,
  • le profil du client (préférences, habitudes, notamment dans le cadre du feedback),
  • la structure des objets (par exemple hôtel à restaurant à table à propreté de la table)
  • la question la plus fréquemment utilisée,
  • la question la plus fréquemment utilisée à cette heure de la journée concernant cet objet particulier,
  • la question la plus fréquemment utilisée par des personnes similaires au client,
  • la question la plus fréquemment utilisée par les personnes qui mangent la même chose, etc.

Après avoir répondu aux questions concernant les problèmes essentiels selon le client, nous pourrons également poser d’autres questions. L’objectif est de rassembler un grand nombre de réponses qui nous permettront d’en tirer des conclusions statistiques. On peut poser au moins une question aux clients qui n’ont pas souhaité fournir de feedback (dans ce cas, il est très important de choisir le bon moment pour poser cette question, afin de maximiser la probabilité de réponse). La question à poser peut concerner :

  • le domaine le plus problématique (nombreux retours négatifs),
  • le domaine le plus controversé (nombreuses réponses contradictoires),
  • le problème le plus souvent soulevé par un groupe de clients similaire à celui qui est interrogé,
  • une question sélectionnée pour appréhender des problèmes qui ne sont peut-être pas importants pour les clients, mais qui le sont pour l’entreprise (par exemple car ces problèmes génèrent des coûts) – ces questions seront posées aux clients qui sont disposés à y répondre (sur la base de leurs réponses précédentes) et en cas d’absence de tels clients, toutes les autres questions le seront de manière aléatoire.

Les clients continueront certainement à rédiger des commentaires, mais les clients des sociétés qui fondent leurs décisions commerciales sur les données quantitatives recueillies auront un sentiment d’efficacité accru lié aux réponses fournies également aux questions fermées. Le nombre de questions fermées devra augmenter progressivement en fonction des problèmes soulevés dans les commentaires. Il convient également de prendre en compte la possibilité de laisser les clients créer leurs propres questions fermées. L’utilisation de techniques d’intelligence artificielle [1] peut s’avérer nécessaire ici pour associer entre elles les questions (et les réponses) ayant une signification sémantique similaire. La solution proposée ne va pas à l’encontre de l’exploration des données ou des techniques de PNL. Il s’agit plutôt d’un cadre dans lequel certaines sous-tâches pourront être effectuées à l’aide de ces techniques. Ces sous-tâches seront définies de façon relativement simple et ainsi, ce sont les techniques censées être bonnes dès le départ qui seront le mieux traitées. Ces sous-tâches peuvent par exemple suggérer des questions auxquelles le client est plus susceptible de répondre sur la base d’informations comme son identité, le type de produits commandés, le type de questions auxquelles il a répondu dans le passé, etc.

“Demain c’est aujourd’hui, mais demain” (Sławomir Mrożek)

Pourquoi tout ça ? Parce que la vie ne consiste pas à faire du shopping, mais à vivre. La liste suivante présente les caractéristiques potentielles des solutions futures qui pourraient être enrichies par les informations recueillies dans les commentaires et préférences des clients et par l’analyse des habitudes de ceux-ci.

1. Au moment de lire un article dans les réseaux sociaux, peut-être un article concernant les sujets que j’aime habituellement aborder pourrait-il m’être proposé sur la base de mes évaluations de paragraphes particuliers d’articles précédemment lus ?
2. Lorsque je choisis tel ou tel hôtel pour mes vacances, peut-être le système pourrait-il m’en suggérer un qui a déjà été évalué positivement par des personnes comme moi ?
3. Pour un premier rendez-vous, peut-être le restaurant évalué positivement par des personnes similaires à moi et à mon/ma partenaire pourrait-il m’être suggéré ?
4. Si chaque jour nous achetons deux sandwichs au jambon et au fromage et buvons trois cafés (expresso simple, sans sucre), si une fois par semaine, nous mangeons des spaghettis dans notre restaurant préféré, si une fois par mois, nous achetons de la lessive de la même marque pendant des années, si lorsque nous partons en vacances, nous ne souhaitons pas une chambre donnant sur une rue animée, si lorsque nous mangeons une salade, elle ne doit pas contenir de coriandre et si nous préférons les haricots aux noix, certains de nos achats/commandes pourraient peut-être être effectués de façon (à moitié) automatique ?
5. Lorsque nous recherchons quelque chose de nouveau, peut-être le produit proposé pourrait-il être basé non pas sur ce que d’autres personnes comme moi choisissent habituellement, mais plutôt sur ce que d’autres personnes comme moi ont généralement évalué de manière positive ?
6. Lorsque j’achète un nouveau smartphone et que j’achète toujours le meilleur smartphone du marché d’une marque donnée, et que ce modèle de smartphone a de très mauvaises évaluations de la part de personnes comme moi, peut-être le système pourrait-il me conseiller un smartphone d’une autre marque qui a de bons retours de personnes comme moi ?
7. Quand je passe des vacances pour la première fois dans une autre partie du monde, lorsque je vais au café, après avoir donné au propriétaire la permission (numérique) de connaître mes habitudes en matière de consommation de café, il pourrait me poser immédiatement après son “bonjour” la question suivante : “Expresso sans sucre, comme d’habitude ?”
8. Lorsque j’achète une nouvelle voiture, j’aimerais peut-être acheter un modèle qui tombe rarement en panne ?
9. Lorsque je lis un menu de restaurant, 24h après que mon médecin m’a dit de réduire mon taux de cholestérol, le menu (numérique) ne pourrait-il pas mettre en valeur des repas faibles en matières grasses, sans les ingrédients auxquels je suis allergique où ceux que je n’aime pas seraient remplacés par ceux que j’aime ?
10. Si j’achète un produit qui a été retiré de la vente en raison de son caractère défectueux, peut-être pourrais-je être directement informé de la présence de ce produit dans mon réfrigérateur ?
11. Lorsque j’achète quelque chose de nouveau, peut-être aimerais-je savoir ce que les gens qui me sont chers choisissent ?
12. Quand je rentre dans mon appartement, j’aimerais peut-être qu’il y règne l’humidité de l’air et la température que je préfère en ce mois de l’année (sur la base de mes commentaires précédents) ?
13. Lorsque la plupart des clients du café se sentent mal quelques heures après avoir consommé l’un des gâteaux, le personnel du café pourrait peut-être retirer plus tôt ce gâteau des ventes ?
14. Quand nous revenons à la hâte d’un voyage et voudrions manger quelque chose de sain et de bon, ou quand nous marchons avec nos sacs à la main et que nous voudrions être à l’heure à la gare, quelqu’un pourrait peut-être nous conseiller sur le restaurant qui propose aujourd’hui des repas qui répondent aux attentes de tous les membres de notre groupe et qui soit bien évalué par des personnes semblables à nous ?
15. Lorsque l’origine des ingrédients de notre repas est importante, peut-être pourrions-nous automatiquement sélectionner uniquement les repas/produits qui proviennent du marché local ?
16. Lorsque je souhaite changer de travail, il serait peut-être plus facile de me proposer des offres d’emploi dans des équipes au sein desquelles des personnes comme moi se sentent épanouies.
17. Lorsque je dois consulter un médecin, peut-être pourrait-on me suggérer celui qui a été évalué positivement par des patients atteints de la même maladie que moi ?

Compte tenu de toutes ces lectures, il est important d’informer le client des raisons de cette recommandation. Les règles qui ont été utilisées ne doivent pas être le résultat d’un oracle à base d’intelligence artificielle, le client a le droit de connaître ces règles et de se baser sur les raisons pour lesquelles une telle décision a été prise. Le système pourrait fonctionner pour différentes entités, en proposant une API permettant de collecter des réactions sur les produits ou services, ou des informations sur ces produits ou services, leurs étiquettes, des publicités tout au long du parcours du client – de la connaissance de l’offre sur Internet, sur le panneau d’affichage ou le dépliant, jusqu’à la passation de la commande, sa livraison et son utilisation finale du produit ou service. Les sujets évalués pourraient, grâce à une telle solution, améliorer la qualité de leurs produits ou services, planifier de nouveaux produits ou services, mieux préparer les campagnes d’information et mieux comprendre comment elles sont perçues par leurs clients, mieux appréhender leur potentiel, et enfin le communiquer en dehors de l’entreprise. Et grâce à l’amélioration continue de la qualité, ils obtiendront un système plus intelligent qui fidélisera les clients.

La base de la solution proposée peut être la plate-forme Thing’in [2]. Elle permet de collecter des informations sur les objets physiques (des sociétés, hôtels, restaurants, leurs produits et services) tirés de la réalité qui nous entoure, ainsi que de fournir des informations sur l’emplacement où les données peuvent être lues (feedback) sur ces objets.

Conclusions

Si, en lisant cet article, vous y avez trouvé des similitudes avec la philosophie Kaizen ou avec les pratiques de DevOps, ce n’est pas un hasard. Feedchain est une approche qui permet des améliorations continues moyennant la possibilité d’une surveillance évolutive basée sur des feedbacks simplifiés dans les entreprises spécialisées dans la commande/livraison de produits alimentaires en ligne, dans les réseaux d’hôtels, de restaurants, ou d’épiceries, et dans les autres entreprises qui fournissent des biens grâce à des chaînes logistiques complexes. En convertissant le feedback traditionnel exprimé dans les commentaires en données quantitatives, Feedchain permet d’une part d’analyser l’état de la chaîne logistique de manière relativement simple, d’autre part de prendre en charge les décisions d’entreprise fondées sur des conclusions statistiquement significatives issues du feedback, ainsi que d’assigner automatiquement les réponses significatives aux véritables responsables du problème, et enfin d’améliorer la chaîne logistique. Ces cinq étapes sont répétées en boucle et permettent des améliorations continues.

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