• Cette approche, soulignée par Adrien Sedeau de l’INSEP, transcende les critères classiques en prenant en compte des éléments comme la maturité, l’historique sportif et les courbes de progression pour individualiser les programmes d’entraînement, optimisant ainsi les capacités de récupération et réduisant les risques de blessures.
• Des avancées technologiques, illustrées par la Semi-Automated Offside Technology (SAOT) lors de la Coupe du Monde de football 2022, modifient les modalités de l’arbitrage en fournissant des décisions précises en quelques secondes, offrant une nouvelle perspective sur la manière dont l’IA façonne la compréhension des jeux sportifs et leur gestion.
Dans le monde du sport professionnel, l’analyse des données devient un outil incontournable pour améliorer les performances des athlètes de haut niveau. Chercheur à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), Adrien Sedeaud souligne l’importance de cette approche novatrice. Selon lui, « l’exploitation de données peut également favoriser la détection de potentiels », et donc aider à repérer les talents sous-estimés par les systèmes de détection classiques. Le chercheur insiste sur le fait que cette analyse permet d’affiner les critères de performance en prenant en compte divers paramètres tels que la maturité, le stade pubertaire, l’historique de la pratique ou les courbes de progression. « L’objectif est d’optimiser et d’individualiser les programmes en fonction des capacités de récupération, mais aussi de travailler sur la prévention des blessures », explique-t-il. Ces données sont cruciales dans la gestion de l’entraînement.
L’analyse des données associée à l’IA représente un tournant dans l’industrie du sport, offrant des opportunités nombreuses pour améliorer les performances.
L’impact croissant de l’IA dans le sport
Couplée à l’intelligence artificielle, l’analyse des données offre de nouvelles perspectives pour aider les sportifs de haut niveau à améliorer leurs performances. Fin 2020, des équipes de Google DeepMind publiaient un article dans lequel elles indiquent souhaiter développer, avec le club de football de Liverpool, un système capable de traiter des séquences vidéo brutes et de conseiller les joueurs en conséquence avant, pendant et après les matchs. L’analyse des vidéos est également pertinente pour l’arbitrage comme l’illustre la Coupe du Monde de football de 2022 où une technologie d’IA, la Semi-Automated Offside Technology (SAOT), a radicalement amélioré la précision des décisions arbitrales. Cette technologie utilise les données de localisation pour cartographier les positions des joueurs, offrant une décision précise en quelques secondes en cas de hors-jeu imminent. Les données sont collectées à partir du ballon, qui transmet sa position plus de 500 fois par seconde, et de 12 caméras réparties dans le stade qui suivent 29 points différents sur le corps de chaque joueur. Le système rassemble ces données, génère une image en 3D montrant la ligne de hors-jeu et la position du joueur par rapport à celle-ci. L’image est montrée à l’arbitre sur le terrain, ainsi qu’aux téléspectateurs.
L’IA trouve aussi sa place dans les sports de combat. La technologie développée par la startup Jabbr grâce à la Computer Vision analyse les combats de manière automatisée pour fournir des statistiques précises. Objectif : améliorer la compréhension des combats et aider les participants à s’améliorer.
Une course aux données
Au sein du paysage sportif français, Adrien Sedeau constate une évolution significative dans l’adoption des données. « Notre culture latine freine parfois l’exploitation des données », remarque-t-il, mais il note tout de même les avancées notables des fédérations françaises de rugby, de ski ou de natation qui disposent de structures de données solides depuis des décennies. Le chercheur met également en avant l’initiative du Sport Data Hub, créé en 2020, dans le but de donner un avantage compétitif aux athlètes français pour les Jeux olympiques de Paris 2024. « Il s’agit également de diffuser une culture de la donnée et de favoriser l’émergence de communautés de partage et de pratiques. En prévision des Jeux de Paris, un programme prioritaire de recherche ciblant la très haute performance a, par ailleurs, été mis en place avec un budget de 20 millions d’euros pour accompagner les athlètes de haut niveau. »
Parmi les projets lauréats que conduit l’INSEP, on peut citer Detect, qui vise à objectiver les performances des athlètes français dans leurs contextes de concurrence et à estimer leurs probabilités de bien figurer aux prochains Jeux Olympiques et Paralympiques. Avec PerfAnalytics, il s’agit de déterminer comment l’analyse vidéo peut cerner des identificateurs de performance, diagnostiquer l’efficacité des gestes individuels et modéliser une stratégie réussie de séquence d’actions en fonction du contexte (équipement, adversaires, arbitres). Paraperf vise, lui, à optimiser les performances des athlètes en fauteuil, avec comme objectif de pouvoir mettre la recherche au service des athlètes paralympiques et leurs staffs pour maximiser les chances de podium. Enfin, le projet Empow’her consiste à étudier l’impact des règles et des cycles menstruels sur les performances des sportives.
L’analyse des données associée à l’IA représente un tournant dans l’industrie du sport, offrant des opportunités nombreuses pour améliorer les performances, optimiser l’entraînement et redéfinir les stratégies sportives, tout en s’attaquant aux défis liés à la culture, à la réglementation et à l’éthique dans ce domaine en pleine expansion. Mais pour le chercheur, si le champ des possibles est vaste, il existe des limites humaines (activité chronophage, biais cognitifs), technologiques (biais de mesure et de restitution), conceptuelles (erreurs de prédiction), réglementaires (RGPD), voire déontologiques. « Parmi les biais cognitifs, il y a notamment les biais d’interprétation. En fonction des mêmes résultats, un staff en tirera des enseignements différents d’un autre. En ce qui concerne la protection des données personnelles, les techniques d’anonymisation ont aussi leurs limites. Il est facile d’identifier qui se cache derrière tel record enregistré à telle date. » En d’autres termes, comme toutes les technologies dites autonomes, une supervision humaine et un contrôle éthique restent impératifs.
Sources :
Game Plan: What AI can do for Football, and What Football can do for AI (en anglais)