“Une classe virtuelle ne doit pas reproduire à l’identique le déroulé d’une formation en présentiel. L’interactivité doit être omniprésente.”
La formation a certainement été le processus RH le plus impacté par la crise de la Covid-19. Du jour au lendemain, les entreprises ont dû abandonner les stages en présentiel pour basculer massivement vers leurs catalogues en ligne. Ce changement de paradigme intervenait au moment même où elles avaient un besoin fort en formation. Avec la généralisation du télétravail, il s’agissait en effet de former les employés aux outils collaboratifs et leurs supérieurs hiérarchiques au management à distance.
Les organisations se sont donc massivement tournées vers l’apprentissage numérique pour maintenir leur effort de formation. Selon l’édition 2020 du baromètre européen de Cegos, 86 % des directeurs des ressources humaines ont davantage fait appel l’an dernier aux formations à distance qu’avant la crise. De nouvelles modalités pédagogiques, qui vont de l’utilisation du smartphone à l’apprentissage en réalité augmentée en passant par les MOOC (cours en ligne gratuits et massifs) ou les tutoriels vidéo, sortent ainsi renforcées de la crise. L’une d’elles s’impose toutefois : la classe virtuelle. Selon une étude du cabinet de conseil Féfaur et de l’éditeur Talentsoft réalisée auprès de plus de 600 responsables de formation européens, 77,4 % des entreprises françaises y ont eu recours depuis le début de la crise sanitaire.
Garder le contact
De fait, la classe virtuelle est le format qui s’apparente le plus à la formation en présentiel. Comme son nom l’indique, il s’agit de reproduire virtuellement le fonctionnement d’une salle de cours. Depuis une même interface, élèves et formateur échangent en mode synchrone par visioconférence et chat, partagent des contenus en ligne. Coaché par le formateur et échangeant avec ses pairs, l’apprenant n’est plus livré à lui-même, ce qui est l’un des écueils les plus fréquemment rencontrés dans la formation en ligne.
Directeur associé de Féfaur, Michel Diaz explique ce succès par le souhait des apprenants de maintenir un contact “vivant” avec leur entreprise et leurs pairs. Même un MOOC bien filmé et scénarisé ne peut, selon lui, remplacer ce qui se joue en direct dans une classe virtuelle. “Contrairement à ce qu’on pouvait croire, il est possible, dans une certaine mesure, de se former à distance en direct aux gestes, aux spécificités des métiers de l’entreprise, voire de développer ses ‘softs skills’… sans atteindre toutefois la richesse et la profondeur des interactions de certaines formations délivrées en présentiel”, estime-t-il.
Par ailleurs, Michel Diaz note que le scepticisme des formateurs à l’égard de cet apprentissage en temps réel (“live learning”) s’est beaucoup atténué. Confrontés à la disparition du présentiel, ils se sont formés à la conception et à l’animation de classes virtuelles. Dotés de nouvelles compétences, ils sortent grandis de l’épreuve, estime l’expert.
Pas de copier-coller
Comme l’explique Learn Assembly dans un livre blanc, le copier-coller est à proscrire. Une classe virtuelle ne doit pas reproduire à l’identique le déroulé d’une formation en présentiel. Selon un cocktail composé de “30 % de descendant et 70 % d’interactivité”, il s’agit de scénariser le cours qui ne dépassera pas les deux heures. Une bonne dose de quiz, d’activités ludiques, d’évaluations et de questions ouvertes permet de maintenir l’engagement des apprenants. Ceux-ci peuvent aussi travailler en sous-groupes et converser entre pairs. Cela crée un sentiment de communauté, or les échanges informels font partie intégrante de la formation professionnelle. La pause-café est souvent le moment clé pour dissiper les interrogations soulevées dans un cours.
Par ailleurs, la classe virtuelle doit s’inscrire dans un parcours de formation hybride, associant modules en présentiel et en distanciel. Par exemple, un apprenant démarre son apprentissage chez lui à partir de contenus en ligne (vidéos, podcasts, etc.). Fort de ces premiers acquis, il retrouve le formateur et ses pairs en classe virtuelle. En sous-groupes, ils travaillent sur un projet qu’ils présenteront lors d’une demi-journée en présentiel.
Un écosystème en ébullition
L’essor spectaculaire de la classe virtuelle a dynamisé tout un secteur d’activité. On retrouve les historiques de l’apprentissage numérique et plus particulièrement les éditeurs de LMS (“Learning Management System”) et de LXP (“Learning Experience Platform”) comme Docebo, 360Learning, ou Cornerstone OnDemand.
De manière plus opportuniste, les spécialistes de la visioconférence comme Zoom, WebEx ou Microsoft ou leurs partenaires ont rajouté un module de classe virtuelle à leur plateforme. Depuis décembre, Microsoft Teams propose des salles de travail baptisées “Breakout Rooms”. ClassEDU distribue, lui, une surcouche de classe virtuelle pour la plateforme de Zoom. Face à ces poids lourds, des start-up tentent de faire entendre leur voix. C’est le cas par exemple de Classilio, Glowbl ou Bizness.
Dans le monde de la EdTech, les start-up, de plus en plus nombreuses, tentent de faire rimer technologies et pédagogie. On peut notamment citer UbiCast et Wooclap. Ces jeunes pousses entendent casser l’approche traditionnelle des cours magistraux où l’enseignement est uniquement descendant et l’élève passif. Elles font souffler un vent d’innovation au sein de l’Éducation nationale française, dont les ressources ont montré leurs limites lors du second confinement. Les Espaces numériques de travail (ENT) et le site du CNED ont été, début avril 2021, paralysés, ne supportant pas la montée en charge du trafic ou victimes de cyberattaques. Une mise à niveau capacitaire permettra d’accompagner et d’amplifier la dynamique de l’apprentissage numérique.