Rendre les mondes IP et IoT convergents via un protocole d’interconnexion novateur : une solution de compression et fragmentation des messages échangés sur les réseaux LPWAN.
Dans “internet des objets”, il y a internet. Et pourtant, les réseaux dédiés à la communication des objets n’utilisent pas aujourd’hui les protocoles IP qu’utilisent les réseaux constituant l’Internet. En effet, les protocoles IP sont trop gourmands en ressources pour les réseaux d’objets. Et ce hiatus technologique contribue à retarder, ou du moins à complexifier, le développement et le déploiement de services IoT à échelle industrielle.
Amener l’IoT vers la sphère internet
En effet, la singularité des protocoles de communication mis en œuvre sur les réseaux LPWAN dédiés aux petits objets, contraints en coûts, en énergie et en bande passante, oblige les développeurs à se familiariser avec des interfaces et des modèles spécifiques. De la même manière, les gestionnaires de réseaux doivent mobiliser des compétences spécialisées pour la conception, l’exploitation et la maintenance d’outils de management propres aux réseaux IoT.
Enseignant-chercheur à l’école IMT Atlantique, pionnière dans le déploiement des technologies LoRa, et cofondateur d’Acklio, Laurent Toutain explique : “nous avons vu tout le potentiel de LoRa, qui se situait dans un monde non-IP. Or l’IP ouvre la voie à l’interopérabilité et donc à la création simplifiée de services. Seulement les protocoles IP sont incompatibles avec les réseaux LPWAN, contraints en bande passante, car trop gourmands en énergie et en données. La proposition d’Acklio, qui est issue d’un essaimage d’IMT Atlantique, consiste à rendre ces deux mondes convergents via un protocole d’interconnexion matérialisé par une solution de compression et fragmentation des messages échangés sur les réseaux LPWAN”.
Un cadre collaboratif
Cette solution porte un nom : SCHC (prononcer « chic »), pour Static Context Header Compression. Si Acklio est aux avant-postes de son développement et des déclinaisons produit qui en sont issues, la conception et la mise en œuvre de la technologie sont susceptibles d’intéresser un grand nombre d’acteurs de l’écosystème de l’IoT et des télécommunications. Et le projet s’inscrit dans une dynamique de standardisation avec la création dès 2017 du groupe de travail LPWAN à l’IETF, au sein duquel se rassemblent notamment des académiques et des experts de SigFox, LoRaWAN®, de l’IEEE ou encore d’Orange. De la sorte, la technologie SCHC s’assure de pouvoir bénéficier au plus grand nombre. “L’IETF se distingue d’autres organismes de standardisation en s’appuyant sur la compétence et l’apport d’individus spécialisés dans leur domaine et non d’entités, précise Marianne Laurent, Directrice marketing d’Acklio. Nous sommes sur de l’ingénierie et de l’expertise pures et non sur des considérations lobbyistes, nous avons la volonté de standardiser des solutions pour les apporter au marché de l’IoT”. Et ainsi de maximiser l’intérêt et le potentiel des réseaux IoT – qui étaient jusqu’alors relativement isolés du fait de cette incompatibilité avec l’univers IP – en vertu de la loi de Metcalfe qui énonce que la valeur d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. Et SCHC permet précisément d’attirer de nombreux utilisateurs et communautés vers les réseaux LPWAN.
Une architecture générique à extraire l’entropie
Mais comment cette innovation est-elle rendue possible ? Comment la technologie SCHC peut-elle compresser et fragmenter les protocoles de l’internet IPv6/UDP/CoAP pour les faire passer sur des réseaux contraints ? Dominique Barthel, Ingénieur de recherche en réseaux IoT chez Orange, décrit : “plus un objet est contraint et basique, plus les messages qu’il échange avec le réseau sont similaires entre eux et prévisibles. Autrement dit, moins leur entropie est grande. Les en-têtes contiennent des informations déjà connues, que l’on peut omettre de transmettre. Notre technologie consiste en un algorithme qui extrait les bits d’information, c’est à dire la « surprise », et en un protocole qui transmet seulement cette information, tout en permettant au récepteur de reconstruire le message d’origine. En d’autres termes, il s’agit d’une machine générique à extraire l’entropie, que nous avons conçue aussi flexible que possible, et qui peut être spécialisée pour de nombreux types de messages, de réseaux et de cas d’usage”.
Avec SCHC, un paquet IPv6/UDP/CoAP typique de 80 octets peut ainsi être comprimé en 3 à 5 octets pour sa transmission.
Le RFC en ligne de mire
En qualité d’opérateur de réseaux de type LPWAN, par exemple LoRaWAN®, Orange nourrit un grand intérêt pour la technologie et s’est associée aux travaux d’IMT Atlantique, d’Acklio, et du groupe de travail LPWAN de l’IETF a fortiori, depuis le départ. Car celle-ci permettra tout à la fois d’harmoniser et d’accélérer les développements d’applications, de favoriser le réemploi de compétences et d’outils existants côté gestion de réseaux, et de délivrer une sécurité bout-en-bout optimale. En somme d’apporter le meilleur des propriétés du monde IP à l’IoT, éprouvées et maîtrisées depuis des décennies.
Orange et la start-up ont fait œuvre commune sur de nombreux travaux, allant de la définition à l’IETF du mécanisme générique de compression/fragmentation aux réalisations de démonstrations de celui-ci. La standardisation du mécanisme générique est aujourd’hui dans sa phase finale, avec un Request For Comment (RFC) attendu d’ici la fin de l’année. Un jalon important, qui marquera le point de départ à l’appropriation de la technologie par d’autres communautés motrices dans l’écosystème IoT telles que LoRa Alliance TM et à l’industrialisation de solutions déclinant SCHC sur les réseaux pour de nombreux cas d’usage.
Avec SCHC, la perspective “internet” de l’internet des objets prend toute sa signification.