● Les marques et distributeurs de l’agroalimentaire sont contraints de fournir des informations de plus en plus précises sur l’origine de leurs produits et sur leur empreinte environnementale.
● Basées sur la blockchain, les plateformes de Connecting Food, Fairfood International et Tilkal mettent en lien les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.
● Ces outils permettent aux acteurs de réaliser des paiements, notamment vers les coopératives, et d’améliorer la fiabilité des données envers les agriculteurs et la rapidité de leurs paiements.
Produire de manière durable, garantir la sécurité alimentaire et offrir une traçabilité alimentaire fiable sont les trois plus gros enjeux de l’industrie agroalimentaire. « Il est pourtant très complexe de savoir si le soja qu’un agriculteur utilise pour nourrir ses bœufs est issu de la déforestation, ou encore s’ils sont traités avec des produits interdits en Europe. Cependant, toutes les informations existent sur ces produits », explique Maxine Roper, la cofondatrice de Connecting Food, une société qui est intervenue au SIDO à Lyon, les 20 et 21 septembre 2023. « L’enjeu est aujourd’hui de disposer des données dans un format standardisé pour lier les acteurs de toute la chaîne afin que les distributeurs et les marques soient en mesure de rendre des comptes à leurs actionnaires, ou de répondre à des attentes législatives. » Objectif : mesurer l’empreinte carbone d’un produit alimentaire grâce à la connaissance de son parcours, ou encore savoir où il a été produit, et dans quelles conditions. Connecting Food a ainsi développé une plateforme qui se base sur la blockchain qui permet de collecter, vérifier et standardiser les données entre les acteurs. « Les coopératives peuvent par exemple créer de la valeur avec ces données et ces dernières permettent aux marques ou chaînes de restauration de disposer de davantage d’informations sur les produits ». Connecting Food propose ainsi une blockchain de type particulier, baptisée « permission blockchain » : c’est le propriétaire de la donnée qui peut décider à qui il la partage. « Si un acteur ne joue pas le jeu, nous sommes capables de recouper des informations grâce à celles fournies par les autres acteurs », note Maxine Roper. Pour Matthieu Hug, le fondateur de Tilkal, une offre concurrente à celle de Connecting Food, « avoir une image floue de ce qu’il se passe sur une filière est toujours mieux que de ne pas avoir d’image du tout ».
Tout ce qui se passe sur la chaîne d’approvisionnement est inscrit dans la blockchain, que ce soit une commande ou la date de début de récolte
Repérer les incohérences grâce aux données agrégées
Chez Tilkal, on mise également sur la capacité de fournir des données en quasi temps réel. « On peut avoir des informations sur les aléas climatiques ou les délais de production des agriculteurs. Cela nous a permis de raccourcir les temps de paiement, ce qui change littéralement la vie des fermiers quand il faut payer les fournitures pour la rentrée scolaire des enfants », souligne Matthieu Hug. « Quand certains acteurs comme Valrhona achètent du cacao de qualité, ils paient un premium aux agriculteurs. Notre système permet de déclencher plus rapidement le paiement aux coopératives, qui paient ensuite les agriculteurs en espèces. » Concrètement, Tilkal déploie un réseau B2B blockchain dont les nœuds sont détenus par leurs clients et leurs fournisseurs. « Tout ce qui se passe sur la chaîne d’approvisionnement est inscrit dans la blockchain, que ce soit une commande ou la date de début de récolte. » Et plus il y a de données, plus il est possible pour la plateforme de détecter les incohérences ou les erreurs, comme le poids à l’entrée d’un container et celui à la sortie. « Si un producteur ramène davantage de sacs de café alors que ses parcelles n’ont pas changé, on est en mesure de se douter qu’il ramène du café qu’il n’a pas produit et qui ne répond peut-être pas aux exigences de qualités. »
Améliorer la vie des producteurs
Depuis 7 ans, Fairfood International propose des solutions technologiques aux entreprises qui souhaitent améliorer la traçabilité sur leur chaîne d’approvisionnement grâce à des outils de blockchain en open source : « on veut aller récolter les informations au premier kilomètre, à la source, c’est-à-dire savoir qui est l’agriculteur et comment il travaille », précise Marten van Gils, le directeur technique de cette ONG néerlandaise. Utilisée dans 14 pays par environ 70 sociétés, Fairfood impacte ainsi 100.000 agriculteurs et membres de leur famille. « La blockchain permet d’avoir un jumeau numérique de ce qu’il se passe. Chaque bien est tokenisé, c’est-à-dire que si on prend du café, on va avoir un jeton par kg et être capable de le suivre sur une carte quand il est transporté. On sait qui détient quoi, quand, et où. » En réalité, ce sont les données qui intéressent les clients, et non la blockchain. « La blockchain est une manière de s’assurer que les données sur notre plateforme n’ont pas été corrompues. » À la différence de Connecting Food et Tilkal, Fairfood propose un service supplémentaire aux producteurs : une carte NFC qui leur permet de vérifier les transactions. « Grâce à la carte, les agriculteurs peuvent recevoir un rapport d’activité sur ce qu’ils ont vendu. C’est une manière d’éliminer le papier entre la coopérative et les producteurs », conclut-il. S’ils ressentent de la pression à approuver un paiement, ils peuvent par la suite se rétracter anonymement.