• Jean-Emmanuel Bibault, oncologue radiothérapeute, a créé Jaide, une start-up française qui utilise l’IA générative pour améliorer le suivi des symptômes des patients atteints de cancer.
• Jaide vise à automatiser certaines consultations, permettant ainsi aux médecins de se concentrer sur les traitements et les solutions en disposant d’informations claires et précises.
Si l’IA ne peut remplacer les médecins, elle peut les aider à mieux prendre en charge leurs patients, parfois confrontés à des erreurs de diagnostic. « Depuis avril 2023, je travaille avec mon associé sur l’idée d’automatiser certains types de consultations. On s’est rendu compte que, pour certains cancers, qui nécessitent des consultations toutes les semaines voire toutes les trois semaines, la littérature scientifique indique qu’une partie importante de ces consultations sont mal réalisées », explique le docteur Jean-Emmanuel Bibault.
L’impact est considérable, puisque 20% des symptômes des patients seraient sous-estimés. « Les patients qui rentrent dans ce cas ont une survie globale inférieure à 35%, comparée aux autres, c’est loin d’être un problème trivial. » Avec une approche de Patient Reported Outcome, ou « résultat rapporté par les patients », les patients pourraient entrer eux-mêmes des données sur leurs symptômes sur une application afin d’améliorer leur suivi. L’oncologue radiothérapeute souhaite permettre aux patients d’améliorer leur prise en charge en faisant un suivi de leur évaluation grâce à un système d’IA qui analyse les données du patient. En juin 2024, il lance donc Jaide, une start-up spécialisée dans le suivi des symptômes des patients.
On souhaite répondre à tous les types de consultations médicales afin de permettre aux praticiens de se concentrer sur les traitements et les solutions
Cibler tous les types de consultation médicale
L’objectif de Jaide est d’automatiser l’écriture de rapports médicaux courts et précis pour donner aux médecins des informations clefs sur l’état des patients, à l’aide d’intelligence artificielle générative. « On a déjà testé, fin 2023, une solution basée sur GPT4 pour des patients atteints d’un cancer de la prostate. Nos résultats ont été publiés dans un grand journal de cancérologie. Mon associé, David JH Wu, a pu tester la solution à l’Institut Cancer du Brésil avec qui nous allons bientôt démarrer un essai clinique. Nous avons par la suite décidé d’en faire une entreprise. » Pour l’heure, la start-up s’adresse aux patients atteints de cancers. « À terme, on souhaite répondre à tous les types de consultations médicales afin de permettre aux praticiens de se concentrer sur les traitements et les solutions dans la mesure où ils disposent déjà de nombreuses informations quand le patient arrive en consultation. » Les patients peuvent déjà déclarer leurs symptômes par écrit via une « interface patient » qui doit bientôt accepter les déclarations à l’oral, que l’IA mettra par écrit. « On va également lever des fonds pour notamment développer une interface pour les médecins afin qu’ils puissent suivre l’évolution des patients, et par la suite nous développerons une interface qui recense les antécédents des patients, les allergies, etc., c’est-à-dire tout ce qui est réalisé aujourd’hui en préconsultation. » Enfin, l’entrepreneur souhaite proposer des fonctionnalités d’aide à la décision, c’est-à-dire proposer les traitements adéquats en fonction des symptômes et des informations des patients. Au préalable, il devra obligatoirement réaliser en France un essai clinique – qui nécessite une autorisation d’un Comité de protection des personnes (CPP). « J’espère pouvoir réaliser cet essai clinique à l’AP-HP, où je travaille », précise le médecin.
Des outils semblables pour les maladies tropicales et l’endométriose
Ailleurs, d’autres initiatives s’appuient sur l’IA pour accompagner les patients et aider les professions médicales dans la précision de leur diagnostic. Un projet de recherche sous la forme d’une application baptisée Phendo a été développé à l’Université Columbia (New-York), permettant de suivre les femmes atteintes d’endométriose, une pathologie qui touche 10% des femmes en âge de procréer. L’objectif est de raccourcir grâce à l’IA le délai nécessaire au diagnostic de cette pathologie voire d’aider les praticiens à appréhender ce qui fonctionne ou pas dans la prise en charge des patients. En Espagne, l’association de l’Hospital Clínic et la société Mediktor a donné naissance à un chatbot médical dédié au pré-diagnostic des maladies tropicales comme la fièvre jaune, la maladie de Chagas, le paludisme ou la dengue. Le système d’IA réalise un pré-diagnostic sur la base de réponses de patients à des questions spécifiques, ce qui permet une évaluation précise des symptômes. Pour devenir opérationnels, l’ensemble de ces outils, comme celui développé par Jaide, doivent être reconnus par les autorités européennes et nationales comme des dispositifs médicaux, et ce notamment pour garantir la confidentialité des données des patients. Le marquage CE, en particulier, garantit que ces dispositifs ont fait l’objet d’une évaluation clinique.
Sources :
A web-based, LLM-powered AI symptom summarization tool (ASST) for monitoring of breast cancer treatment toxicity. (en anglais)
En savoir plus :
https://www.ucsf.edu/news/2024/02/427131/how-ai-can-help-spot-early-risk-factors-alzheimers-disease (en anglais)