“Les ingénieurs réseaux verront certainement leur métier évoluer dans les prochaines années, vers un profil de plus en plus orienté data scientist.”
Couverture, qualité vocale, taux de coupure, débits de données : parce qu’ils doivent rendre compte de l’expérience client avec acuité, les indicateurs de la qualité de service (QoS) sont aussi divers que précis. Une mauvaise qualité de service est synonyme de “churn client”, un départ pur et simple vers la concurrence. Tous les opérateurs se sont donc emparés de ce sujet crucial. La montée en puissance de l’IA pourrait créer des écarts dans cette compétition. “L’opérateur qui saura exploiter le plus efficacement l’IA pour opérer son réseau mobile aura indubitablement un avantage par rapport à ses concurrents”, affirme Paul-Michel Bognier, Responsable Performance des réseaux E2E au sein de la filiale Sofrecom d’Orange.
Prendre la mesure de la QoS
Les outils de collecte, de mesure et d’analyse de la qualité de service sont déployés à plusieurs niveaux, à commencer par les équipements réseau, qui font depuis toujours l’objet d’un monitoring attentif. Cette vision purement technique, qui ne correspond pas forcément à la vision client, est complétée par d’autres dispositifs. À l’image des “drive tests” sur le réseau mobile : “C’est typiquement ce que fait un organisme indépendant comme l’Arcep pour évaluer la performance des réseaux. À l’intérieur d’un véhicule, qui sillonne villes et axes routiers, sont embarqués des smartphones connectés aux réseaux des différents opérateurs, et sur lesquels ont été installés des logiciels qui simulent l’activité humaine : lancer un appel, ouvrir une page web… Les indicateurs tirés de ces mesures en conditions réelles donnent une image précise de l’état du réseau.” Les opérateurs utilisent aussi d’autres méthodes, telles que la collecte de données techniques depuis les smartphones des utilisateurs ou l’installation, à des points névralgiques du réseau, de sondes permettant de collecter de grandes quantités de données.
Data-IA, le duo à suivre
Avec la 4G ont commencé à émerger de nouveaux types d’outils, tels que la technologie SON (“Self-Organizing Networks”), qui introduisait l’auto-configuration, l’auto-exploitation et l’auto-optimisation des équipements du réseau mobile. “C’est une technologie de plus en plus mature, dont la nouvelle génération (NG SON), conçue pour la 5G, se base notamment sur l’apprentissage machine. Ses évolutions illustrent tout le potentiel de l’IA pour la qualité de service des réseaux.” Paul-Michel Bognier cite plusieurs domaines d’applications possibles pour l’IA : l’amélioration de l’expérience client, la gestion prédictive du “churn client”, la surveillance et la gestion des opérations réseau/IT, la réduction des fraudes, etc. Si on ne peut pas prédire tous les cas d’usage à venir, on peut s’autoriser à imaginer des outils capables de prédire avec précision l’apparition d’un problème de qualité de service dans une zone, voire d’outils aptes à reparamétrer automatiquement le réseau avant que les problèmes ne surviennent.
Garder une vision opérationnelle
Le domaine reste largement à défricher, et impose de collecter encore davantage de données techniques pour atteindre sa pleine maturité. “Pour traiter ces données et en trouver des utilisations pertinentes, les ingénieurs réseaux verront certainement leur métier évoluer dans les prochaines années, vers un profil de plus en plus orienté data scientist. Le premier défi de l’IA appliquée à la QoS est de faire la balance entre intérêt opérationnel, temps de développement et investissement. En gardant toujours cette vision de terrain en tête, je suis convaincu que les débouchés seront nombreux pour l’analyse prédictive et l’exploitation des données.” En attendant, Orange et ses filiales multiplient les études et les recherches de preuves de concept dans le but de mettre en œuvre de nouveaux outils qui permettront d’optimiser l’expérience client de demain.