Les POC pour guider nos choix dans les processus d’innovation

Représenter l’expérience d’un usage via des moyens limités et peu coûteux, designer une idée au plus proche de la réalité du produit final, tester et/ou valider un projet, ouvrir de nouveaux champs de réflexion, stimuler la créativité, accélérer les processus d’innovation : le bénéfice des POC est multiple. Directeur de recherche au CRG (Centre de recherche en gestion) de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation (i3) du CNRS et professeur à l’École polytechnique, Christophe Midler rappelle quelques règles de base pour faire bon usage de ces « Proofs Of Concept ». Dans quel contexte le POC répond-il aux problématiques de l’innovation ? Faut-il se limiter aux POC ?

Les POC permettent de provoquer des « expansions créatives » et d’étendre notre espace de réflexion en stimulant la sérendipité.

Quelle est l’utilité des POC ?

Christophe Midler. Les POC ont différentes fonctions. Ces solutions permettent de tester et valider un projet en tenant compte du cahier des charges initial, mais aussi de sa capacité à être le plus représentatif possible de l’objet qui doit être produit. Les POC offrent l’avantage de pouvoir valider certains aspects précis du concept. C’est le cas par exemple d’une maquette pour évaluer le style ou la fonctionnalité d’un produit, ou de dispositifs pour tester une interface homme-machine, comme la simulation d’une commande vocale via un simple micro et un haut-parleur sans avoir à concevoir un logiciel. L’idée est de représenter l’expérience d’un usage par le biais de moyens limités et peu coûteux.

En quoi les POC accélèrent-ils l’innovation ?

C.M. Ils permettent surtout de guider les choix dans un processus d’innovation qui, par définition, à ses débuts, est ouvert sur un large champ des possibles. En cela, les POC permettent d’aller vite dans cette exploration en éliminant rapidement les impasses.

Comment ce type de démarche permet-il aussi de « dé-risquer » les grands programmes d’innovation ?

C.M. Tout simplement par sa capacité à décomposer un programme d’innovation en sous-parties, à analyser chacune d’entre elles et à se concentrer justement sur celles qui posent le plus de problèmes ou qui comportent le plus de risques, que ce soit au niveau de l’expérience, de la technique, de la valeur d’usage…

Concrètement, comment les POC peuvent-ils agir sur la créativité dans un processus d’innovation ?

C.M. Dans ce qu’on appelle les POC, qui sont basés sur une expérience sensible et pratique, contrairement, par exemple, à un fichier Excel de présentation chiffrée d’un projet, il y a les démonstrateurs qui valident des idées et il y a les stimulateurs. Ces derniers mettent les ingénieurs à la place des utilisateurs, leur permettant de sortir de leurs présupposés et de s’ouvrir ainsi de nouveaux champs de réflexion. Exemple : des designers, spécialistes de méthodologies de créativité en phase d’exploration amont, proposaient comme exercice à des ingénieurs l’usage d’objets stimulant des expériences inédites pour ces professionnels tels qu’une surface qui miaule quand on la caresse, montrant qu’un objet comme le portable peut aussi être considéré comme stimulateur d’émotions, ou encore un exosquelette donnant à ces jeunes ingénieurs l’expérience des difficultés vécues par une personne âgée… Il s’agit de provoquer des « expansions créatives » selon le concept développé dans la théorie C-K (Concept-Knowledge) à MINES ParisTech. Ces protocoles créatifs étendent notre espace de réflexion en stimulant la sérendipité.

Quelles sont les règles à respecter pour mener à bien un POC ?

C.M. Il faut à la fois que sa construction réponde avec précision aux questions posées initialement et que son protocole de test soit suffisamment ouvert pour justement permettre cette expansion ou cette capacité à pivoter, ou à ouvrir de nouvelles perspectives. Il est également indispensable d’assurer un recueil rigoureux des informations issues d’un POC, car c’est là que peuvent apparaître de nouvelles idées.

Quelles sont les limites de cette approche ?

C.M. Depuis une dizaine d’années, on a vu se développer le recours aux POC via notamment les Innovation Labs des entreprises. Mais parmi toutes ces tentatives souvent pertinentes et efficaces, on a parfois oublié les contraintes de conception, mais aussi de réglementation, ou tout simplement de coût. L’innovation ne vaut que si elle est menée de bout en bout, du stade de la créativité au développement et à la fabrication. Le cas du projet Kwid, la nouvelle voiture low cost de Renault, est exemplaire de cette démarche ayant réussi à gérer en parallèle le processus d’innovation du travail de conception au développement opérationnel.

Existe-t-il d’autres solutions aux POC ?

C.M. Sans doute les applications de réalités virtuelle et augmentée. Elles offrent une autre façon de tester des possibles, via notamment la simulation d’expérience. Mais c’est davantage un complément qu’une alternative aux POC. Toutes ces solutions ne doivent cependant pas nous faire perdre de vue un principe de réalité essentiel : l’importance du calcul et de la data dans tout processus d’innovation.

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