• La toxicité du lithium-ion reste un obstacle pour des accessoires connectés fonctionnant au plus près du corps humain.
• Un projet de vision augmentée démontre les performances d’une pile à combustible conçue avec des composants biocompatibles.
En juin 2023, le Forum Economique Mondial a publié un rapport sur les dix technologies émergentes de l’année. On y trouve des thèmes beaucoup débattus comme l’informatique durable, le métavers pour traiter la santé mentale ou l’intelligence artificielle générative. Mais le rapport s’ouvre sur quelque chose de moins médiatisé : les batteries flexibles. La recherche en la matière est en effet dynamique, et va de pair avec le développement de textiles intelligents, d’écrans souples ou de montres et bracelets connectés.
Le point clef de notre batterie est sa capacité à s’auto-charger, sans aucune source d’énergie externe
Une combinaison de plusieurs approches
En 2019, des chercheurs en matériaux multifonctionnels de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich dévoilaient un prototype pouvant être étiré et tordu dans tous les sens. Une équipe de Stanford a présenté en 2020 un projet pour appareils à porter sur le corps et l’université de Colombie Britannique a fabriqué en 2021 une batterie à la fois souple, imperméable à l’eau et adaptée au contact avec la peau humaine car non-toxique, à l’inverse de celles au lithium-ion.
Un projet décrit dans la revue Nano Energy en mars 2023 explore une autre piste qui combine plusieurs des approches précitées : une mini-batterie sans connectique, sans câble, d’un demi-millimètre d’épaisseur, chargée par combustible biologique et destinée à épouser sans danger la forme d’un organe humain. En l’occurrence, elle alimente en énergie des lentilles de contact pour que celles-ci affichent des informations lisibles par leur porteur, comme un écran transparent. Des marqueurs biologiques captés en temps réel et relatifs, par exemple, à du diabète, à un glaucome.
Développées par des chercheurs en électronique, chimie et biotechnologie de l’université de technologie de Nanyang à Singapour, les électrodes de la batterie ont été fabriquées à partir du papier fin et poreux servant à nettoyer les lentilles. Intégrées dans les bords de ces dernières, elles ne masquent pas la vue.
Une capacité d’auto-chargement
Pour le chargement, il faut placer la lentille dans son étui de de rangement contenant une solution à base de glucose. La cathode est recouverte d’hexacyanoferrate de cuivre (CuHCFe) et de glucose oxydase. L’anode est en polypyrrole (PPy), un polymère à la fois conducteur et biocompatible, idéal pour des applications médicales. L’immersion dans le glucose d’anode et cathode déclenchent des réactions chimiques qui chargent la batterie. « Le point clef de notre batterie est sa capacité à s’auto-charger, sans aucune source d’énergie externe, insiste Seok Woo Lee, professeur associé et spécialiste en stockage d’énergie à l’université de Nayang (Singapour). Mais elle peut aussi fonctionner et être rechargée comme une batterie conventionnelle, tout dépend des applications pratiques. »
Les tests ont montré que ce dispositif pouvait envoyer des données à un smartphone pendant douze heures. Surtout, les chercheurs ont simulé une situation réelle, avec une structure imitant la forme et la texture d’un œil humain baigné dans une solution imitant le liquide lacrymal. Ce dernier réagit avec la batterie et permet à la lentille intelligente de fonctionner. Tout ce cycle chargement-alimentation peut être reproduit en théorie deux cent fois avec la même batterie.
Accessoires à faible consommation d’énergie
L’équipe de Singapour n’est pas la première à mener ce type de projet. « Le problème principal des piles à biocombustible réside dans leur faible densité de puissance, note Seok Woo Lee. A la différence de piles fonctionnant directement en immersion dans des fluides corporels, notre batterie combine pile à biocombustible et étui de recharge rempli d’une solution hautement concentrée générant une plus haute densité de puissance. »
Le projet semble très futuriste (les informations s’affichent sur les yeux), mais le principe de sa batterie pourrait être adapté et intégré à d’autres accessoires portables à faible consommation d’énergie en exploitant d’autres solutions biocompatibles, comme l’acide lactique issu de la rétine. Dans son article, l’équipe cite notamment des patches autocollants qui se placent sur la peau ou des capteurs bucco-dentaires.