« La technologie LTE-M procure une alternative dans la prise de décision, et une force supplémentaire destinée à couvrir de nouveaux cas d’usage. »
Le temps des laboratoires et des expérimentations est révolu pour la technologie LTE-M, qui s’apprête à exprimer son potentiel théorique dans la pratique. Pour favoriser son appropriation par les acteurs de l’écosystème, Orange a lancé le 8 novembre, avec son partenaire SNCF, aux avant-postes de l’IoT industriel en France, un challenge destiné à explorer les capacités de la technologie à partir de cas d’usage réels, liés aux problématiques du transporteur. Entreprises, start-ups, intégrateurs, éditeurs de solutions, fabricants d’objets, etc. : tout le monde est concerné !
A cette occasion, Marine Mizrahi, Directrice du Fab IoT SNCF, et Mathieu Belouar, Responsable Innovations & Connectivités SNCF, décryptent le niveau de maturité atteint par le groupe ferroviaire en matière d’IoT et ce qu’ils attendent de cette technologie LTE-M. Thierry Gaillet, Directeur marketing d’Orange Developer, et Ronan Le Bras, Responsable de la stratégie technique Réseaux Radio pour l’IoT chez Orange, partagent également leur point de vue sur le challenge.
Lors d’une conférence de presse en mai 2017, le président de SNCF Guillaume Pepy déclarait que l’IoT devenait le « principal levier de performance et d’efficacité » pour le Groupe. Comment ce levier se structure-t-il et s’active-t-il en interne ?
Marine Mizrahi / Mathieu Belouar : L’entreprise, qui a un historique dans le domaine M2M avec la connexion de ses machines, s’est investi et organisé sur le sujet de l’IoT depuis 2015, et a créé son Fab IoT début 2016. Ses objectifs sont les suivants : accompagner les métiers dans l’élaboration de leurs projets IoT en mettant à leur disposition des ressources d’expertise dédiées, et créer les outils nécessaires à une perspective d’industrialisation. C’est pour cela qu’ont été conçus une plateforme IoT Groupe unifiée, des contrats-cadres spécifiques ou encore des guidelines métiers. Nous intervenons donc en support de ces initiatives, en ayant à l’esprit des enjeux de coûts (mutualisation des dépenses), de temps (accélération des projets, cohérence TTM (Time to Market) avec les tendances du marché) et d’impact sur nos métiers. Au final, nous voulons nous assurer de délivrer de la valeur pour ceux-ci.
En synthèse, l’IoT constitue pour nous une source d’informations supplémentaire et complémentaire à celles existantes. Et de fait, sur les 30 000 kms de lignes, les milliers de matériels roulants et les centaines de milliers de pièces que le Groupe gère et monitore, nous décidons d’« IoT-iser » uniquement là et quand nous avons besoin d’informations. Quand c’est le cas, l’IoT nous permet de soutenir nos opérations et d’acquérir un niveau de connaissance optimal de l’état et de l’utilisation de nos installations.
A quels cas d’usage s’appliquent les solutions IoT chez SNCF ?
MM / MB : Ceux-ci se répartissent entre trois domaines d’applications à proportions égales, à savoir le réseau ferré, le matériel roulant, et les gares et bâtiments tertiaires. Pour le challenge LTE-M organisé par Orange, les cas d’usages retenus portent sur les gares, pour améliorer la qualité de vie des agents et voyageurs, le long des voies, pour mieux sécuriser les ouvrages d’art, et les technicentres, pour optimiser la maintenance.
L’IoT est utilisé de manière raisonnable et raisonnée, et nous procure davantage d’agilité, en nous permettant par exemple d’accéder à des endroits où nous ne disposions pas jusqu’ici de couverture en termes d’énergie et de connectivité. Il change en cela la donne, et apporte de la nouveauté à travers des nouveaux capteurs et l’innovation dans les technologies wireless, qu’il s’agisse là aussi d’énergie ou de connectivité.
Que représente la technologie LTE-M dans l’approche d’innovation IoT de SNCF ?
MM / MB : Une certaine continuité dans l’exploration des technologies, et une alternative dans la prise de décision. Au final, il est toujours question de choix et nous veillons, chez SNCF, à le préserver en toutes circonstances. La technologie que l’on implémente est toujours subordonnée à l’usage et au ROI attendus. C’est aussi une force supplémentaire qui va contribuer à répondre à de nouveaux cas d’usage et business.
En termes concrets, cette technologie se démarque par un aspect pratique dans le déploiement, grâce à son « modèle ubiquitaire », partout où nous captons la 4G, nous aurons du réseau LTE-M, y compris dans certains tunnels, et beaucoup de cas d’usages potentiels concernent ceux-ci. Il y a par ailleurs un bond en avant s’agissant des débits, et la technologie LTE-M va lever certaines contraintes, nous permettant de pousser les limites de l’IoT. Pour des applications relatives à la sécurité des installations en particulier, pour lesquelles il sera possible de récupérer et de traiter des flux vidéo.
Thierry Gaillet / Ronan Le Bras : La technologie est déployée sur les réseaux LTE et bénéficie en effet des déploiements existants, offrant dès son lancement un taux de couverture national de 98 % de population couverte. Sa valeur ajoutée se situe aussi dans la capacité du réseau LTE-M à soutenir une communication bidirectionnelle en temps réel, avec des performances de l’ordre de 100 à 200 millisecondes pour un aller-retour. D’autres bénéfices opérationnels résident dans la vocation du réseau LTE-M à supporter les cas d’usage en mobilité ou de roaming.
Qu’attendez-vous du challenge ?
MM / MB : Qu’il soit pleinement mis à profit pour explorer la technologie LTE-M, si celui-ci tient ses promesses sur les plans technique, énergétique et de la performance. Et du côté des métiers SNCF, espérer pouvoir ainsi répondre à des cas existants et nouveaux, pour ensuite industrialiser et intégrer les solutions développées à notre catalogue IoT.
Il y a également une dimension forte relative à l’écosystème : le challenge est un temps fort pour valoriser des entreprises déjà matures sur la technologie et pour rencontrer de nouveaux partenaires potentiels. A travers cette initiative, nous nous positionnons en pionniers et nous plaçons tous ensemble en phase de pédagogie et d’apprentissage partagé.
C’est enfin l’occasion d’entretenir et de consolider une dynamique de mobilisation interne, avec les équipes de la région Auvergne / Rhône-Alpes en fer de lance, qui ont défini et porté les cas d’usage sur lesquels planchent les participants.
TG / RLB : La technologie se lance à peine et elle se confronte via ce challenge à des situations réelles. C’est une approche que nous avions adoptée avec réussite pour les réseaux LoRaWAN, avec Groupama et Air Liquide notamment, et que nous réitérons pour la technologie LTE-M avec SNCF. C’est une opportunité formidable de tester des solutions concrètes, conçues par et avec des startups, intégrateurs, éditeurs de services, etc. Près de 50 dossiers étaient sur la ligne de départ, avec une grande variété de propositions, venant d’acteurs experts en logiciel embarqué, hardware, plateformes, data management, IA, etc.
C’est une opportunité pour Orange, d’éprouver et d’améliorer nos produits, nos plateformes, et in fine d’affiner ou prioriser nos roadmaps techniques. Et cela peut tout autant inciter les candidats à réfléchir à leurs plans produits.
L’enjeu principal et clé est de valider la pertinence de l’utilisation de la technologie LTE-M pour certains use cases, sa complémentarité avec les réseaux LoRa et la transition entre un environnement de laboratoire et le « monde réel », le terrain.
Parce que la vocation d’un challenge est précisément de challenger, nous observerons de près la réaction des participants face à ces cas réels et attendons de voir leur capacité de réponse, de créativité et leur niveau de maturité.
Nous sommes heureux d’avoir initié et organisé cet événement en partenariat avec SNCF, acteur européen de renom dans le domaine de l’IoT. C’est un challenge assez unique en son genre par son format et la variété des projets, qui contribuera, nous l’espérons, à stimuler l’expertise et la vision des candidats, et de l’écosystème dans son ensemble.