Les démarches d’écoconception existent depuis plusieurs années. Jusqu’ici, elles se concentraient sur l’infrastructure matérielle du numérique. Orange a initié il y a plus d’une décennie cette approche, qui se décline au niveau des data centers, des Livebox et plus généralement des produits de la marque.
Du matériel au logiciel
Cette priorisation est logique : le matériel porte physiquement l’impact environnemental du numérique. Sa fabrication nécessite des ressources, son exploitation est synonyme de consommations énergétiques et sa fin de vie pose la question du recyclage et du reconditionnement. Toutefois, ce matériel n’existe que pour faire fonctionner les services numériques et, donc, les logiciels qui les implémentent. C’est au niveau de ces logiciels qu’il faut aujourd’hui chercher les leviers de réduction de cet impact.
Ne développer que les fonctionnalités essentielles, favoriser l’allongement de la durée de vie des équipements et limiter la quantité de ressources matérielles nécessaires.
Pour fonctionner, un service doit en effet solliciter les matériels, des data centers et des serveurs jusqu’aux terminaux des utilisateurs. Il le fait à des échelles variables selon sa conception. Les démarches d’écoconception de services numériques, qui émergent et montent en puissance ces dernières années, visent ainsi à mettre au point des applis, des IA, des sites web, etc., moins demandeurs en ressources et en énergie, sur tout leur cycle de vie. Cela passe par notamment par l’optimisation du code applicatif, mais aussi de l’architecture technique, des process d’intégration continus ou des déploiements en production.
Entre recherche et déclinaisons opérationnelles
Au sein d’Orange, le sujet s’est imposé comme une priorité de la Recherche. Le Groupe contribue à différents programmes au niveau national. Parmi eux, le projet Distiller, soutenu par l’ANR et en partenariat avec l’Inria, OVH Cloud et Davidson Consulting, vise à élaborer des recommandations pour la conception d’applications cloud sobres et durables.
Un centre d’expertise a également été lancé au sein d’Orange pour fédérer les savoir-faire et les compétences dans le domaine, et œuvrer au développement et à la généralisation des démarches d’écoconception de services numériques.
« Nous avançons de front sur plusieurs projets et travaux, expliquent Pierre Rust, développeur et ingénieur de recherche, et Maria-José Presso, développeuse, tous deux responsables du Centre d’Expertise Ecoconception logicielle. Nous avons publié un ensemble de recommandations sur l’écoconception logicielle, déclinées sur les logiciels backend, les logiciels frontend/web et les applis mobiles, et nous préparons une déclinaison sur l’IA. Depuis trois ans, nous avons aussi formé plus de 400 personnes chez Orange sur ce sujet et animé des sessions de sensibilisation auprès des métiers concernés en interne. Nous avons accompagné une quinzaine de projets dans la mise en œuvre des principes d’écoconception. »
Depuis cette année, le centre d’expertise intègre deux nouvelles activités :
- l’expertise sur le calcul d’empreinte environnemental des services numériques, afin d’aider les projets à évaluer leur empreinte carbone, identifier des opportunités d’amélioration et valider les résultats des actions d’amélioration ;
- l’évaluation de la qualité environnementale des applications mobiles, à l’aide de l’outil Greenspector.
« Nous avons aussi développé un des premiers projets logiciels à avoir appliqué ces principes dès son démarrage : un calculateur des émissions CO2 des produits et services Orange pour les entreprises. Dans ce cadre, notre action consiste notamment à s’assurer que nous ne développions que des fonctionnalités essentielles, et que ces fonctionnalités soient implémentées de la manière la plus sobre possible. »
Réduire la quantité de ressources et d’énergie sollicitées
De façon générale, l’approche d’écoconception de services numériques se structure autour de deux finalités :
- favoriser l’allongement de la durée de vie des équipements clients, par une compatibilité avec des terminaux peu puissants ;
- réduire la quantité d’énergie exigée ensuite, au niveau des data centers, des réseaux ainsi que des terminaux utilisateur, pour éviter par exemple qu’une sur-sollicitation de leur batterie n’induise le renouvellement prématuré des téléphones.
Parmi les leviers ou actions concrètes pour tendre vers ces finalités, il faut travailler sur l’architecture logicielle des services, en privilégiant par exemple les solutions techniques qui permettent une plus grande mutualisation des ressources. Il est aussi nécessaire d’agir sur les interfaces utilisateur : développer des sites internet plus léger en évitant le recours à des vidéos déclenchées automatiquement (autoplay) ou encore en proposant une transcription écrite plutôt que d’intégrer une vidéo, exigeante en termes de ressources. Le gain est environnemental et se matérialise aussi en termes d’indexation et d’accessibilité : l’écoconception de services numériques génère des co-bénéfices. On sollicite moins les infrastructures matérielles et on peut atteindre une meilleure satisfaction car le site se concentre sur les besoins essentiels des utilisateurs et il se charge plus vite. Dans le même temps, les coûts d’hébergement associés sont réduits au niveau des data centers.
Mobilisation collective
Au-delà des efforts déployés chez Orange, c’est l’ensemble de l’écosystème numérique responsable qui se mobilise autour des sujets de l’écoconception des services digitaux. L’enjeu est d’autant plus critique qu’il pourrait à l’avenir, à l’instar du label Eco Rating pour les terminaux mobiles, devenir un critère de choix pour les consommateurs. Il l’est aussi sur le plan réglementaire, alors que la loi sur la réduction de l’empreinte environnementale du numérique (loi REEN) votée fin 2021 lui accorde une large place, notamment avec la mise en place d’un référentiel général d’écoconception des services numériques. L’adoption de ce référentiel ne cesse de progresser depuis sa publication. S’appuyant sur les retours des utilisateurs et d’une consultation publique, l’Arcep vient d’en publier la version 2. Celle-ci améliore les critères existants et intègre deux sujets dont l’écoconception présente de gros défis : l’apprentissage automatique (IA) et les mécanismes de consensus (blockchain). Le référentiel propose également un score d’avancement, prenant compte de la difficulté et du niveau de priorité des différents critères.