• Pour le consultant David Caswell, ils élargissent aussi le champ du journalisme, par exemple en permettant de décliner les articles écrits des journalistes en scripts audio (avec un langage adapté à l’oral) à destination de celles et ceux qui préfèrent écouter plutôt que lire.
• Les rédactions, reconnaissant l’importance croissante des modèles de langage dans le paysage médiatique, et désireuses de parvenir à un contrôle accru sur ces outils, investissent dans la formation de leurs équipes à leur utilisation.
Comment les journalistes doivent aborder l’IA dans l’exercice de leurs fonctions ?
On n’apprend pas en lisant à ce sujet, mais en faisant ; c’est pourquoi tous les journalistes doivent se familiariser avec l’IA. Cette compétence est désormais essentielle. S’ils ne savent pas poser une question à une IA, il y a un danger au regard des résultats, des contenus, qu’ils peuvent obtenir. Si en revanche ils savent manier l’outil tout en conservant un contrôle sur les résultats obtenus, ils peuvent améliorer la qualité de leurs articles. Je vois de plus en plus de rédactions qui forment leurs équipes au prompt : c’est un prérequis. Certaines rédactions investissent dans ce type de formation sans savoir pour l’heure pourquoi et comment les journalistes vont s’en servir. La raison est simple : quelle que soit l’évolution de l’IA, elle occupera une place importante dans leur quotidien. Les médias s’offrent donc une flexibilité et une adaptabilité aux futurs outils. Aujourd’hui, je vois même des rédactions développer leurs propres outils d’IA : ils sont faciles à développer et permettent aux journalistes d’exécuter des prompts juste en cliquant sur un bouton.
La tendance générale pour les rédactions est d’avoir davantage de contrôle sur les modèles de langues
Pourquoi miser autant sur les modèles de langue ?
Les grands modèles de langue sont comparables à l’électricité, et l’électricité n’est pas un outil pour une tâche particulière, mais un outil fondamental et généralisable pouvant être utilisé pour de nombreuses tâches. En ce qui concerne les LLM, la plupart de ces tâches sont encore inconnues. Ces outils sont utilisés dans de nombreuses rédactions par les journalistes de manière très étendue, mais encore peu profonde, et le changement observé dans les flux de travail et surtout dans la production de contenu publié est encore relativement faible. L’IA est utilisée pour résumer des articles, ce qui n’a pas un impact significatif sur la production de contenu dans les médias. Il n’en reste pas moins que c’est un usage très typique. On observe la même tendance dans la correction des articles, leur optimisation pour les moteurs de recherche, l’adaptation des textes pour différents publics, ou encore l’écriture pour les réseaux sociaux.
De plus en plus de startups ou acteurs de la tech développent des outils pour les rédactions…
Des startups comme Lede.ai ou Scroll.ai proposent des outils qui permettent facilement de créer des traductions, résumés, etc. Ces outils facilitent la vie des journalistes : ils peuvent importer leur article et obtenir instantanément des résultats. Des sociétés plus grosses, comme Google, travaillent sur des outils plus complets, notamment Google Genesis qui intègre en plus une composante de collecte d’information et de gestion du flux de travail.
La tendance générale pour les rédactions est d’avoir davantage de contrôle sur les modèles de langues. Sur ce point les pays scandinaves sont en avance. Au Guardian, ils ont également perfectionné plus finement un modèle existant pour répondre à leurs besoins. Aujourd’hui des technologies comme la RAG (retrieval-augmented generation ou génération augmentée de récupération) permettent aux modèles de langue d’avoir des résultats plus pertinents en fournissant des données contextuelles basées sur des données récentes : outre son entraînement, le modèle est capable d’aller lire des informations en direct et de répondre aux questions.
De plus en plus d’articles sont disponibles à l’écoute grâce à l’IA. Est-ce pertinent ?
Aujourd’hui il devient pratiquement impossible de faire la distinction entre une voix normale et une voix synthétique. Certains outils comme Synthesia.io offrent même la possibilité de contrôler les émotions des voix. Cependant, la subtilité du text-to-speech est que les articles qui sont écrits pour être lus ne sont pas écrits pour être entendus. C’est la raison pour laquelle des acteurs des médias comme Agência Publica au Brésil ont créé un outil qui permet de transformer un article écrit en script audio pour fournir une version audio plus adaptée. L’IA permet donc d’adapter les textes et d’écrire pour être entendue. D’autres médias comme Channel 4 aux États-Unis ont misé sur des avatars synthétiques pour présenter l’actualité 24/7. On peut se demander si la qualité est suffisamment bonne mais, en réalité, ce type de contenus ne plaira qu’à une audience qui appréciera, justement, ce niveau de qualité…
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AI a ‘fundamental change in the news ecosystem’: Expert (en anglais)