• A Taïwan, certains industriels sont contraints de faire tourner la production de puces électroniques au ralenti pour permettre aux populations de continuer de s’alimenter.
• Les datacenters sont quant à eux équipés d’équipements dimensionnés pour s’adapter aux températures. De nouvelles techniques comme l’immersion dans l’huile leur permet de gagner en efficacité énergétique.
En juillet 2022, les centres de données de Google et d’Oracle au Royaume-Uni ont fermé en raison d’un record de chaleur. Deux mois plus tard, on apprenait que le centre de données californien de Twitter avait connu une panne majeure en raison d’une vague de chaleur. Le sujet de l’impact environnemental du numérique est de plus en plus étudié ; celui de l’impact du changement climatique sur les infrastructures IT et le matériel électronique en général suscite de nouvelles interrogations. Dans un article publié sur The Conversation intitulé « Les machines ne résistent pas toujours à la chaleur », deux chercheurs estiment par exemple que les téléphones portables, les centres de données, les voitures et les avions perdent en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême.
Les composants électroniques ont plus de risques de se déformer au regard de la fréquence des vagues de chaleur, et donc de tomber en panne, voire d’être hors service
Les chercheurs expliquent qu’à l’échelle moléculaire, la température est une mesure de la vibration des molécules. Plus il fait chaud, plus les molécules qui composent l’air, le sol et les matériaux des machines vibrent. « À mesure que la température augmente et que les molécules vibrent davantage, l’espace moyen entre elles s’accroît, ce qui provoque l’expansion de la plupart des matériaux à mesure qu’ils chauffent. » En d’autres termes, les composants électroniques ont plus de risques de se déformer au regard de la fréquence des vagues de chaleur, et donc de tomber en panne, voire d’être hors service. Et cela supposerait de les remplacer et, donc, de chauffer toujours plus la planète.
Un impact économique majeur
Le secteur de la technologie risque d’être également pénalisé par l’impact économique des vagues de chaleur : une étude publiée fin 2022 dans Sciences Advances estime que les chaleurs extrêmes d’origine humaine ont coûté à l’économie mondiale pas moins de 29.000 milliards de dollars entre 1992 et 2013. Par ailleurs, « la plupart des composants électroniques sont dépendants de l’eau dans leur fabrication », explique Tristan Nitot, expert numériques essentiels au sein du collectif Frugarilla d’OCTO Technology. A Taïwan, l’un des premiers fabricants mondiaux, des problèmes d’alimentation en eau et des usines comme celles de TSMC ont incité les industriels à brider leurs productions à cause de la sécheresse causée par les vagues de chaleur. « Là-bas, il faut faire un choix entre la récolte du riz et la production de puces. Et produire localement est fondamental pour des raisons de souveraineté alimentaire, au regard du conflit entre la Chine et Taïwan. » Une impasse semble se dessiner : « Pour tenir les Accords de Paris, il faudrait réduire la consommation électrique de l’IT par cinq dans les années à venir, or elle ne fait qu’augmenter, notamment parce que les sociétés sont économiquement encouragées à utiliser de l’IA, qui est très énergivore. »
Des datacenters qui gagnent en efficacité
Les vagues de chaleur ont un impact sur les datacenters, au regard des besoins de refroidissement puisque les machines doivent conserver les mêmes températures, quelles ques soient les conditions extérieures. En cas de température extrême, 90% de l’électricité consommée pour les datacenters l’est pour leur refroidissement, soit une augmentation de 50%. « Aux Etats-Unis, il y a des datacenters qui consomment beaucoup d’eau en raison du mode de fonctionnement des tours à évaporation », explique Guillaume Gérard, consultant datacenter Greet IT chez Orange. Mais en Europe, ce type d’infrastructure est interdit. « Généralement les datacenters sont dimensionnés avec des températures maximum de sorte que si on approche de ces températures, on arrose les aérocondenseurs, c’est-à-dire les ventilateurs, avec de l’eau. » Il existe d’autres techniques, comme celle du refroidissement liquide. « L’une d’elle suppose d’avoir des serveurs qui contiennent des circuits d’eau mais elle est fragile et demande un contrôle important. La technique la plus futuriste suppose de les immerger dans de l’huile. » En trempant dans l’huile, tout le serveur est refroidi grâce à un échangeur huile-eau. « L’eau monte à 50 degrés grâce à l’huile et est donc plus facile à évaporer », conclut Guillaume Gérard.