Génération après génération, l’architecture des réseaux mobiles se complexifie au gré de l’introduction de nouvelles technologies visant à optimiser leurs performances, telles que le Massive MIMO avec la 5G. Cette complexité rend d’autant plus essentielle la mise au point d’outils précis et rapides en soutien à la conception des réseaux et à l’optimisation de leur couverture et de leur débit.
Un logiciel nourri par des données crowdsourcées et des données réelles remontées du réseau, pour en déduire la performance de couverture des antennes
La modélisation passe à l’IA
« Le design d’un bon réseau mobile, avec une couverture et un débit optimaux, est en grande partie lié au positionnement des antennes, rappelle Stéfan Cathabard, Ingénieur R&D chez Orange au sein de l’équipe Wireless Engineering & Propagation. Pour cela, nous utilisons des techniques de modélisation de la propagation des ondes radio afin d’estimer la couverture autour de ces antennes. Aujourd’hui, ces modèles sont développés et employés par des chercheurs et ingénieurs radio qui étudient les règles de la propagation afin d’en tirer des calculs sophistiqués. La mise en œuvre de ces modèles traditionnels est pertinente s’agissant d’un réseau existant, qui capitalise sur un retour d’expérience étendu, fondé notamment sur des campagnes de mesure sur le terrain afin de confronter la théorie à la réalité. » Face à des environnements plus denses, complexes, caractérisés par un nombre exponentiel de variables, ces calculs prédictifs deviennent plus ardus et plus longs. L’IA ouvre des pistes pour remédier à ces difficultés.
IA et données, clés de la performance
Plutôt que de recourir à des modèles physiques et à des mesures de terrain a posteriori, une nouvelle approche consiste à concevoir, entraîner et mettre en œuvre un modèle d’apprentissage automatique, fondé sur des données réelles issues directement du réseau. « Cette alternative a pour avantage que le modèle ne va pas deviner une théorie mais représenter ce qui se passe dans la réalité. Le logiciel apprend les règles de la propagation, alimenté par des données crowdsourcées et des données réelles de mesure d’intensité du signal remontées via un agent embarqué dans des applis Orange sur les mobiles de clients. Il peut ainsi déduire la performance de couverture autour d’une antenne en fonction de la localisation, du positionnement et du paramétrage de celle-ci, en quasi-temps réel. » Le modèle, qui s’appuie sur les dernières avancées en matière d’IA – de avec la méthode des réseaux neuronaux graphiques plus précisément – engrange des millions de données diverses, dont des informations géographiques autour des antennes, comme la topologie des bâtiments environnants.
Vers une supervision et une optimisation autonomes
En s’entraînant à l’aide de données remontées du réseau réel de manière continue, le modèle d’IA, baptisé Stardust, est donc capable de s’adapter aux caractéristiques de l’environnement et d’évoluer. Il pourra s’affiner au fil de l’intégration de nouvelles données, et progresser plus aisément qu’un modèle classique nécessitant des travaux mathématiques poussés, validés par des campagnes de mesure sur le terrain chronophages et coûteuses.
A ce jour, l’outil est encore en phase de Proof of Concept (PoC) chez Orange et fera prochainement l’objet d’une expérimentation en conditions réelles au Burkina Faso afin d’établir son applicabilité et sa pertinence. A un horizon plus lointain, les travaux de recherche menés au sein du Groupe se projettent vers l’étude de cette approche pour la prévision des débits.
D’ores et déjà, cette logique de modélisation innovante ouvre de nouvelles perspectives en matière de design des réseaux et d’optimisation de leurs performances. La transition vers la 6G pourrait encore accroître son potentiel, via l’implémentation de l’outil au sein du futur , composant intelligent dédié au contrôle et à l’optimisation des fonctions RAN du réseau, de façon automatique et programmable. Cela ouvrirait la voie à un futur où les réseaux garderaient un œil sur les performances de chaque antenne émettrice, en s’ajustant si besoin en toute autonomie.