• Le chercheur Jie Yin a ainsi conçu un ordinateur composé de cubes mécaniques pouvant encoder des informations sans électronique, offrant des possibilités multiples, dans la cryptographie, le stockage ou encore le retour haptique.
• Inspirée par des plantes comme le mimosa pudique, une équipe internationale développe quant à elle un système de calcul autonome et d’actionnement mécanique qui pourrait transformer la robotique molle.
Un objet connecté pourrait réaliser des calculs complexes sans apport d’énergie, voire être actionné mécaniquement grâce aux seuls stimuli de l’environnement. C’est l’une des nombreuses promesses du calcul mécanique, domaine de recherche qui connaît une seconde vie, alors que les modes de calculs informatiques actuels sont réalisés de manière électronique.
A l’Université d’État de Caroline du Nord, le chercheur Jie Yin en fournit un exemple. Il a réalisé une preuve de concept inédite : une structure en kirigamis (forme de pliages japonais) capable de stocker de l’information et de réaliser des calculs binaires, voire plus complexes.
Les chercheurs ont réinterprété ce mécanisme de fonctionnement des plantes sensibles aux stimuli grâce à l’informatique mécanique intégrée, pour réaliser des machines souples intelligentes sans électronique.
Une équipe de chercheurs suisses, turcs, allemands et sud-coréens s’est elle inspirée de plantes capables de se fermer toutes seules, comme la dionée attrape-mouche ou encore le mimosa pudique, pour développer un système de calcul autonome mécanique qui ouvre de nouvelles perspectives à la robotique molle. De fait, ces plantes disposent d’un système d’ouverture de leurs feuilles qui est le résultat mécanique d’opérations biochimiques en réponse à des stimuli mécaniques de l’environnement. « Ce comportement nécessite une forme de calcul intelligent, capable de réagir à des signaux reçus à des moments précis (comme deux stimulations successives d’un même cheveu sensoriel) ou à des variations d’intensité. Cela montre que des opérations complexes se produisent entre ces signaux non électriques, pour créer des ‘machines vivantes’ intelligentes », notent les chercheurs dans leur article intitulé « Integrated mechanical computing for autonomous soft machines ». Les chercheurs ont pu réinterpréter ce mécanisme de fonctionnement sensible aux stimuli grâce à l’informatique mécanique intégrée, pour réaliser des machines souples intelligentes sans électronique.
Transfert d’énergie
L’informatique mécanique a le potentiel d’offrir aux systèmes intelligents de l’autonomie, la capacité de fonctionner sans dépendre d’alimentation externe : « La conception de réponses informatiques dans des matériaux synthétiques architecturés, appelée « informatique mécanique », présente un intérêt croissant pour la matière intelligente et les machines qui exécutent des tâches entre des signaux environnementaux non électriques, comme les robots mous » soulignent les chercheurs. Quand les bits mécaniques (des éléments de type mécanique) sont activés, peu importe leur forme, ils libèrent une énergie potentielle élastique. Cette énergie se manifeste alors sous forme de propagation d’ondes mécaniques de transition ou encore d’opérations logiques. En d’autres termes, cette équipe de recherche a démontré que les systèmes de calcul mécanique intégrés permettent de recevoir, de transmettre et de calculer des informations mécaniques pour ensuite actionner des prototypes de machines souples intelligentes sans source d’énergie externe. Et, dans leur cas, d’imiter le fonctionnement de plantes qui disposent de mécanisme d’autodéfense.
Des calculs grâce sous la forme de pliages japonais (kirigamis).
À l’Université d’État de Caroline du Nord, Jie Yin a développé une « métastructure » composée de différents cubes qui peuvent se déployer ou non grâce à un système d’élastiques. Elle peut ainsi libérer un actionnement mécanique ou magnétique indépendant de chaque élément bistable (de chaque cube), servant de sorte de pop-up pour l’affichage ou d’unités binaires pour diverses tâches telles que l’écriture, l’effacement, la lecture, le cryptage et l’informatique mécanique. La structure en kirigami est composée de 64 cubes interconnectés mesurant seulement 1 cm de largeur et de hauteur, et ces cubes sont disposés de telle sorte que leur géométrie – la forme qu’ils prennent quand ils sont poussés vers le haut ou le bas grâce à un système d’élastiques – représente des données. « Cet ordinateur de 64 cubes peut être utilisé indépendamment ou connecté à d’autres ordinateurs Kirigami de 64 cubes pour augmenter la complexité et la capacité de stockage », souligne Jie Yin. En somme, les possibilités semblent infinies.
Capteurs environnementaux et dispositifs haptiques mécaniques
« L’idée est d’utiliser des ensembles de cubes multidimensionnels, actionnables et mécaniques, pour calculer et encoder de l’information afin de s’affranchir de l’électronique. Cela pourrait permettre par exemple de créer un nouveau type de clef de chiffrement mécanique », explique le chercheur. Chaque cube ayant la forme de boîte, ils peuvent être indépendants et programmés de n’importe quelle forme. « On pourrait également créer une forme d’écran mécanique pour faire apparaître les images que l’on désire. » Le chercheur estime également que des structures de calculs comme celle qu’il a imaginée pourraient, combinées à des matériaux intelligents, répondre aux stimuli environnementaux en changeant de forme, et donc d’encoder des informations relatives à l’environnement. Une perspective intéressante pour les capteurs installés dans la nature pour l’observation de l’environnement. « On peut également imaginer l’utilisation de ce type de mécanisme dans les terminaux haptiques, pour créer des sensations de toucher et de mouvement sur certaines surfaces. »