● Avec son équipe, Ben Koger a développé une méthode qui permet d’analyser le comportement de plusieurs animaux en même temps voire même d’appréhender leurs trajectoires et leur environnement.
● Ces outils pourront par exemple permettre aux responsables des réserves protégées d’appréhender le comportement des animaux avant de réaliser des travaux pour leur générer le moins de stress possible.
Vu de face, il est facile de différencier un zèbre d’un autre animal. Mais vu d’un avion ou à l’aide d’un satellite haute résolution ou d’un drone, la tâche est plus fastidieuse. Ce type de subtilité complique la collecte par drone de données sur le nombre d’animaux, leurs espèces, leur environnement social, surtout si le terrain dans lequel ils évoluent est complexe. Cependant, les avancées technologiques en intelligence artificielle changent la donne. Elles permettent d’éviter de devoir capturer les animaux et de les étiqueter avec des puces GPS pour les étudier : « Nous avons développé une méthode qui permet, à l’aide de drones, de recueillir de nombreuses informations sur les animaux et leur environnement et notamment sur leur comportement et leur emplacement », explique Ben Koger, chercheur à l’Institut Max-Planck du comportement animal. Le tout en étant en mesure de cartographier en 3D l’environnement dans lequel évoluent les animaux. Dans ce projet de recherche, l’équipe de Ben Koger a développé des algorithmes de deep learning et de machine learning puis a déployé deux drones au Kenya qui se relayaient pour réaliser des observations d’une durée de 50 minutes. La méthode développée par les chercheurs peut s’adapter à tout matériel et à toute résolution vidéo. Les outils de machine learning ont, quant à eux, permis de créer une vision assistée par ordinateur, ou vision artificielle (computer vision).
Une nouvelle page s’ouvre dans l’étude du comportement animalier et l’écologie sensorielle
Un potentiel de recherche scientifique démultiplié
« Aujourd’hui, si l’on s’intéresse aux mouvements très précis de nombreux animaux et que l’on souhaite être en mesure d’identifier chaque individu, on ne peut pas se contenter de l’œil humain et d’un carnet de notes. L’apprentissage profond nous permet de suivre plusieurs animaux simultanément et de les classer par espèce, par classe d’âge, par sexe, d’appréhender leurs postures et de relever des informations sur leur environnement comme les pistes qu’ils suivent ou la topographie du paysage. » Pour les chercheurs qui ont participé à ce projet, c’est une nouvelle page qui s’ouvre dans l’étude du comportement animalier et l’ . « Si vous gérez une réserve et que vous devez aménager une route ou un chemin de fer, il faut savoir quels chemins les animaux empruntent pour aller boire. En fonction des jours ou de la météo, certains vont aller dans une source et pas dans l’autre. Les données que nous permettons de prélever permettent d’avoir suffisamment d’informations pour comprendre l’impact des changements qui sont opérés et les limiter. » L’idée, explique le chercheur, est d’appréhender des décisions comportementales à plus petite échelle. Par exemple, la posture d’un animal face à un changement sera un indicateur de son niveau de stress.
Des risques éthiques bien présents
Cette nouvelle approche en biologie n’est que le début pour le chercheur, qui espère améliorer l’utilisation de ses outils qui ne sont pas aujourd’hui conçus pour être « plug-and-play ». « On va découvrir des choses passionnantes dans les dix prochaines années sur les milieux naturels grâce à l’intelligence artificielle. Par exemple, les moules se déplacent et ont des comportements spécifiques que l’on pourra étudier. L’utilisation de ces technologies, c’est comme si lors d’une observation sur le terrain, un million de chercheurs prenaient des notes au lieu d’un seul. »
Ces bonnes nouvelles pour la recherche scientifique posent d’autres questions : « Si vous êtes un braconnier et que vous disposez de notre système et d’un drone, il sera plus facile de repérer les rhinocéros », alerte Ben Koger. C’est pourquoi un regard éthique sur les usages de ces technologies, même si elle n’implique, a priori, aucun humain, doit être posé.
Sources :
En savoir plus :
Observing group-living animals with drones may help us understand human challenges better (en anglais)
Observing Group-Living Animals With Drones And Computer Vision (en anglais)
Ce champ de recherche interdisciplinaire se concentre sur l’acquisition d'informations et la manière dont les organismes vivants répondent à ces informations sensorielles, notamment pour organiser leurs interactions avec leur environnement terrestre ou marin. (Source : ENS/PSL)