"Avec des profils intégrés au service, des clients ayant chacun leurs besoins obtiendront des services complètement différents dès l'installation."
Actuellement, les Orange Labs développent des services de nouvelle génération. Les idées qui y en découlent méritent d’être partagées afin de susciter une réflexion sur l’avenir. L’un de ces nouveaux concepts est un service auto-personnalisé, c’est-à-dire un service conscient de la personnalité de l’utilisateur. Cette idée peut à la fois révolutionner la logique de personnalisation des services pour les utilisateurs et ouvrir de nouvelles possibilités de création de services partant d’une approche centrée sur l’humain. La personnalisation peut-elle bénéficier aux utilisateurs ? Est-elle possible dans le respect de la confidentialité et de la protection des données ? Lisez la suite pour en savoir plus.
Après les scandales de Cambridge Analytica et d’autres crises liées à la confidentialité et l’utilisation abusive des données, la protection de ces dernières est une priorité absolue. C’est pourquoi la protection et la confidentialité des données sont les principes fondamentaux des projets de recherche des Orange Labs. Cette approche se nomme “privacy by design” (respect de la vie privée dès la conception). Avec la confidentialité comme cap, les Orange Labs ont pour principe général de créer des services intelligents formant des écosystèmes fermés et qui ne dépendent pas des données d’un cloud externe. D’autres principes découlent des objectifs de développement durable (ODD) qui, au-delà des considérations éthiques, sont indispensables à la création de technologies modernes basées sur l’intelligence artificielle. Le monde que nous créons doit être amélioré, et les technologies doivent être sûres. Elles doivent être éthiques de la meilleure façon possible. Elles sont censées nous être bénéfiques, à nous les utilisateurs. Elles sont censées rendre nos vies plus faciles.
Après un examen approfondi des études scientifiques, le modèle de personnalité des Big Five a été choisi pour décrire les utilisateurs. Ce modèle est populaire en psychologie et se fonde sur cinq dimensions indépendantes de la personnalité.
- Extraversion : le degré et le niveau de stimulation dont nous avons besoin
- Ouverture à l’expérience : nos réactions à la nouveauté et à l’inconnu
- Névrosisme ou stabilité : notre tolérance au stress
- Agréabilité : la façon dont nous traitons les autres
- Conscience professionnelle : notre façon d’organiser notre vie et de définir nos objectifs
Ce modèle a notamment été privilégié pour sa grande stabilité dans le temps (le tempérament ne change pas rapidement). Toutes ces dimensions sont en effet liées à la biologie de notre corps et aux propriétés de notre système nerveux (en particulier l’extraversion et la stabilité).
En théorie, les cinq dimensions sont indépendantes, mais elles sont souvent liées par des comportements associés. Essayons de l’expliquer. Plus une personne est introvertie, plus elle est stressée lorsqu’elle parle en public. Moins une personne est capable de faire face au stress émotionnel (névrosisme), plus ce stress devient évident. En revanche, il est moins perceptible chez les personnes stables et plus pragmatiques, c’est-à-dire extrêmement consciencieuses. Dans ce cas, certaines caractéristiques peuvent amplifier ou éliminer l’effet de motivation d’autres caractéristiques. Mais attention : ce comportement a un prix. Ainsi les interventions publiques sont éprouvantes pour les introvertis, même si leur stabilité émotionnelle masque cette situation. En résumé, le modèle des Big Five est un système de motivation dynamique. Bien que les motivations de la personnalité ne déterminent pas à elles seules notre comportement, elles sont liées à la nature même de l’humanité et définissent le type de comportement que nous apprécions et recherchons en raison de la satisfaction qu’il nous procure ou que nous évitons à cause du stress ressenti. Les extravertis sont à l’aise en présence d’autrui, les personnes très consciencieuses aiment planifier et mettre de l’ordre dans le chaos, tandis que celles ouvertes d’esprit sont heureuses et satisfaites lorsqu’elles explorent.
Maintenant que nous connaissons les profils de personnalité et les raisons de choisir les “Big Five” pour décrire les utilisateurs et leurs besoins, voyons comment utiliser intelligemment ce modèle au bénéfice de l’utilisateur. L’objectif était de créer un profilage convivial et respectueux de la confidentialité. Mais comment procéder ? L’idée est d’insérer un modèle ou un algorithme qui établit le profil de l’utilisateur dans le service même, par exemple une application pour smartphone. Comment cela fonctionne-t-il ? L’utilisateur installe le service et, pendant l’installation, ce dernier établit le profil de personnalité en fonction des données disponibles auxquelles l’utilisateur a accédé. Le profil obtenu ne sert qu’à l’application de l’utilisateur, ce qui garantit la protection des données, invisibles pour toute autre personne. Ce profilage fera partie intégrante de l’installation du service et offrira de nombreux avantages. Par exemple, la possibilité d’affiner la configuration initiale de l’interface et la présentation des fonctions. D’autres avantages incluent la mise à disposition d’une assistance personnalisée dans le processus d’adaptation et la simulation de personnalités de chatbot ou d’agent virtuel correspondantes. Étant donné que l’application connaît déjà le profil, elle peut ajuster le contenu et la communication. Il sera également possible de réduire les obstacles cognitifs, communicationnels et technologiques des utilisateurs grâce à un processus d’adaptation sur mesure. L’incertitude et les craintes peuvent être activement maîtrisées, et l’adaptation aux technologies de pointe peut être accompagnée. Le profilage permet de mieux adapter la communication aux utilisateurs.
Et en pratique ? Regardez l’illustration d’une application de calendrier intelligent avec assistant virtuel. Elle compare deux utilisateurs : Pierre Consciencieux et Marc Chaos. Comme vous le voyez, leur nom correspond à leur profil de dimension de conscience. Bien que cela puisse paraître étrange, les calendriers étant un outil courant, chaque utilisateur a des besoins complètement différents. M. Consciencieux aime le calendrier et adore l’utiliser. Si nous supposons qu’il est également très ouvert, il peut tout gérer lui-même, y compris trouver des fonctions, en développer une connaissance et les mettre en pratique. L’exploration l’enthousiasme. Il créera des repères, des graphiques, des résumés et évaluera le pourcentage de tâches effectuées dans les temps. M. Consciencieux en fera beaucoup, peut-être trop, pour satisfaire son besoin intérieur de tout contrôler. M. Chaos, quant à lui, vit de manière spontanée, sans plans ni motivation intrinsèque de contrôler son quotidien ou gérer son temps. Toutefois, il a également une vie bien remplie, pleine de contretemps, de délais non tenus et de pénalités de retard. Il a besoin d’aide pour se rappeler, planifier et enregistrer les rendez-vous et les engagements. Un calendrier avec intelligence artificielle serait souhaitable, car il effectuerait une grande partie du travail organisationnel pour M. Chaos. C’est une schématisation, mais elle illustre comment deux personnes peuvent avoir des besoins différents et contradictoires selon leur personnalité.
Ici, les algorithmes de personnalisation standard basés sur les données d’utilisation du service n’auraient guère de chances de comprendre M. Chaos, car il consulte rarement le calendrier. Par conséquent, il disposerait de nombreuses fonctionnalités avancées qu’il n’utiliserait jamais, et les mécanismes de profilage standard ne fonctionneraient pas. Mais au moins, M. Consciencieux est satisfait du profilage habituel, n’est-ce pas ? Oui et non. N’oubliez pas qu’il est aussi très ouvert aux nouvelles expériences et que les algorithmes de profilage standard risquent donc de l’agacer. Et rien ne l’irritera plus qu’un programme qui effectue tout ce qu’il aime à sa place ! Les algorithmes intelligents doivent nous simplifier la vie, mais ne doivent pas pour autant nous priver des activités que nous aimons faire.
Que devons-nous retenir de cette histoire ? La technologie va bientôt changer notre façon de penser et de concevoir les services. Le modèle « taille unique » n’est plus avantageux pour tous les clients. Plus le service est commun, plus le problème s’amplifie. Il est impossible de répondre simultanément aux besoins de groupes de personnalité extrêmes. Mais grâce à une technologie intelligente et à l’IA, il ne sera pas nécessaire de chercher un « juste milieu » qui satisfera la majorité. Avec des profils de personnalité intégrés au service, des clients ayant chacun leurs besoins obtiendront des services complètement différents dès l’installation.
Pour en savoir plus :
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