Les inventions de l’opérateur font parfois l’objet de contrefaçon par des tiers. La taille du portefeuille de brevets d’Orange permet bien souvent de dissuader les tiers d’agir.
Cet article est un complément au dossier "La Propriété Intellectuelle, marqueur d'innovation".
“La forte croissance des brevets dans les télécommunications ces dernières années fait clairement peser une menace de contrefaçon sur les acteurs du secteur, sans oublier les opérateurs.”
“High Efficiency Video Coding” ou HEVC, est un codec, un standard de compression vidéo. Il permet de réduire environ de moitié le poids d’une vidéo HD ou Full HD et, donc, le débit nécessaire à sa diffusion, en conservant la qualité de l’image.
Développé il y a sept ans environ et désormais embarqué dans tous les smartphones, tablettes, box, etc., ce standard est suivi de près par les ingénieurs d’Orange qui ont innové dans le secteur du codage vidéo et sont accompagnés pour cela par les conseils brevets pour protéger leurs innovations. Leur rôle est, dans un premier temps, d’obtenir le brevet le plus favorable à l’instruction des dossiers de contrefaçon à venir et ce, pendant toute les années de procédure devant les offices brevets du monde. Dans un second temps, ils vérifient si ce standard fait ou non l’objet de contrefaçon à partir des portefeuilles de brevets déposés.
Définie comme l’exploitation d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire, la contrefaçon touche les marques, modèles, brevets, droits d’auteur, logiciels, circuits intégrés.
Primordiale, la protection des innovations passe par le dépôt de brevet et, pour qu’il y ait contrefaçon, il faut qu’il y ait un brevet, preuve de l’existence et de l’antériorité de l’innovation. Une personne qui souhaite utiliser une idée qui a été protégée et qui est donc clairement identifiée comme la propriété d’un autre doit en demander l’autorisation à son inventeur. Ce dernier peut accorder une licence contre rémunération. Utiliser cette idée sans accord constitue une contrefaçon.
Les télécommunications, secteur de contrefaçons
Selon Sandrine Millet, Directrice PI-Brevets chez Orange, “la forte croissance des brevets dans les télécommunications ces dernières années fait clairement peser une menace de contrefaçon sur les acteurs du secteur, sans oublier les opérateurs”. La contrefaçon peut viser n’importe lequel des secteurs : des réseaux mobiles aux services de télévision en passant par les satellites. Elle est au cœur des activités de la propriété intellectuelle.
Pas de contrefaçon sans dépôt de brevets
Le respect des droits de propriété intellectuelle passe donc la plupart du temps par le dépôt de brevet. Celui-ci donne les moyens d’interdire l’utilisation non négociée d’une invention pendant vingt ans. Après avoir déposé et publié une idée, il faut cependant se donner les moyens d’interdire et/ou de monétiser son utilisation, “un objectif qui peut s’avérer compliqué dans le secteur des télécommunications, surtout dans un groupe comme Orange qui, avec un portefeuille de 8000 brevets, embrasse une large palette d’activités”, note Sandrine Millet. “Aussi, pour détecter une contrefaçon, plusieurs approches s’offrent à nous”, précise-t-elle.
Les conseils brevets peuvent tout d’abord s’appuyer sur les textes normatifs des standards technologiques pour instruire la contrefaçon de brevets essentiels. Ils ont dans ce cas l’avantage de disposer de textes rédigés de manière très précise. Par ailleurs, les enjeux financiers attachés aux contrefaçons sont déterminants pour le choix des actions de l’opérateur. “Une technologie issue de notre portefeuille de brevets qui représente une forte attente du marché, fera l’objet d’une attention particulière pour repérer les contrefaçons et demander le paiement de licences”, indique Sandrine Millet. Bien souvent, Orange s’allie avec d’autres acteurs des télécommunications pour faire valoir ses droits sur la base de ses dossiers de contrefaçon. “C’est le cas, par exemple, avec le standard HEVC”, précise-t-elle. “Nous nous sommes associés à d’autres détenteurs de brevets HEVC pour faire valoir nos droits et mutualiser ainsi les négociations de prise de licence de cette technologie auprès des constructeurs de terminaux.”
Un dossier en contrefaçon est donc élaboré en fonction de la valorisation financière d’une technologie. Le choix des technologies à licencier se fait en étroite collaboration avec la direction du licensing d’Orange.
De la linguistique parfois plus que de la technique
Monter un dossier en contrefaçon nécessite plusieurs étapes au cours desquelles un conseil brevet travaille en étroite collaboration avec un expert du domaine technique concerné. Ils étudient les textes rédigés lors du dépôt de brevet et, en particulier, ce que l’on appelle la revendication ou portée juridique, qui décrit en quelques lignes les caractéristiques de l’invention. “C’est un texte qui peut aller de quatre lignes à une page entière selon le type d’innovation, où chaque mot est pesé”, insiste Sandrine Millet. Les mots ont toute leur importance car le document sera ensuite traduit dans différentes langues et, potentiellement sujet, par la suite, à interprétations. “Les discussions portent parfois davantage sur des sujets linguistiques que techniques ou juridiques”, estime-t-elle.
L’absence d’accord entre le contrefacteur et l’inventeur peut se terminer devant les tribunaux.
Le secret mieux que le brevet ?
Enfin, autre stratégie : lorsqu’une innovation technologique est extrêmement complexe, qu’elle nécessite beaucoup de savoir-faire, il est parfois préférable de garder le secret. “Il s’agit d’une autre forme de protection qui nous permet de conserver notre avance”, souligne Sandrine Millet. Ne bénéficiant d’aucune publication, cette option s’impose notamment lorsque la mise en œuvre de l’invention par un tiers est difficilement détectable. Le secret évite la publication et de ce fait, la contrefaçon alors même qu’il serait difficile d’identifier les contrefacteurs. Il a donc une réelle valeur.
Actuellement, le commerce international des produits contrefaits et piratés a des effets préjudiciables sur pratiquement tous les marchés. La contrefaçon est la deuxième source de revenus criminels dans le monde (2016). Elle constitue une perte de recettes très importantes pour les entreprises.