• Il est convaincu que l’IA pousse les architectes à mieux définir leurs projets et que les logiciels d’architecture vont évoluer pour aider les professionnels à résoudre des problèmes de prédiction et d’optimisation complexes.
• Il salue la capacité d’outils comme ChatGPT à générer du code pour concevoir de l’art génératif. Une manière d’aider les créatifs à tirer profit de l’informatique sans avoir été formés au développement.
Comment s’inscrit pour vous l’IA dans l’évolution des outils pour les architectes ?
En vingt-cinq ans, on est passé du papier-crayon à la tablette graphique puis à l’utilisation de la réalité virtuelle, sans oublier l’impression 3D. Maintenant, on peut dicter à un ordinateur ce que l’on souhaite concevoir. L’IA est donc différente des précédentes technologies. Elle amorce ce qui semble être un grand changement. Nous devons la regarder d’un œil critique pour essayer de comprendre ce que ces technologies peuvent faire et ce qu’elles ne peuvent pas faire, ainsi que les interroger sur leurs possibilités, leurs préjugés, leurs forces, leurs faiblesses, leurs défis… Je vois déjà que l’IA va changer la façon dont nous enseignons l’architecture : pour la première fois, j’ai des étudiants qui sont très bons en dessin qui n’aiment pas écrire, qui se retrouvent contraints de structurer leurs idées à l’écrit pour être compris par les outils d’IA générative. C’est vraiment intéressant, car cela les aide à définir et à préciser exactement ce qu’ils essaient de faire et ce qu’ils essaient d’accomplir, donc je pense que cela les aide à comprendre et à intérioriser leurs idées, pour pouvoir en parler de manière beaucoup plus délibérée.
ChatGPT m’a ainsi aidé à écrire du code et à tirer parti de la conception computationnelle alors que je ne suis pas formé pour cela
En quoi l’IA comporte-t-elle, dans son potentiel, une opportunité pour les métiers de l’architecture ?
Certains outils que les architectes utilisent déjà au quotidien, comme Adobe Photoshop, intègrent déjà l’IA générative et nous savons que certaines des entreprises qui développent des outils de conception pour les architectes travaillent sur des projets d’IA. En architecture, l’IA est à mon sens pertinente pour réaliser des prédictions et de l’optimisation basées sur des données complexes. Car lorsque vous avez des problèmes architecturaux complexes où il y a de nombreux facteurs à prendre en compte et de nombreuses contraintes, il est très difficile pour un cerveau humain de trouver une solution optimale. Et tout bon projet d’architecture doit répondre à toutes les situations systémiques avec lesquelles il est en interface et cela inclut à la fois les systèmes tangibles comme les transports ou les autres systèmes urbains, mais aussi les systèmes culturels… et cela est différent que l’on soit à Paris, New York, ou Istanbul. Il y a un nombre très important de paramètres à prendre en compte.
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Vous avez plus de 120.000 abonnés sur Instagram où vous partagez vos travaux d’architecture réalisés notamment avec Midjourney. Quel est l’objectif de votre démarche ?
Ce que je fais sur Instagram est une manière pour moi de laisser derrière nous une archive archéologique de l’évolution des capacités des outils d’IA dans l’architecture, afin de documenter ce qu’ils savent faire ou non. Je rends mon travail public, en laissant certaines failles, pour que tout le monde puisse se faire son avis. Car, en réalité, je vois beaucoup de personnes qui ne sont pas informées sur ces sujets, voire certaines qui ont des opinions sur l’IA basées sur de la désinformation. Il faut un débat productif sur ce qui est en train de se passer avec la technologie, car certains artistes sont très frustrés, dans la mesure où ils perçoivent l’IA comme une menace. Mais je pense que la question n’est pas de savoir si nous utilisons l’IA ou non. L’IA est là : le génie est sorti de la lampe. L’ignorer reviendrait à appliquer la même stratégie que Kodak avec l’arrivée de la photo numérique.
Vous travaillez également avec ChatGPT. En quoi est-ce un outil pertinent pour un architecte ?
Pour générer les images que je publie notamment sur Instagram, je travaille principalement sur Midjourney, qui peut générer des images à partir de textes et d’images. J’ai également testé ChatGPT pour sa capacité à coder, à écrire des scripts d’art génératif pour d’autres plateformes, en utilisant JavaScript, Python et d’autres langages de programmation, sachant que je ne suis pas développeur. ChatGPT m’a ainsi aidé à écrire du code et à tirer parti de la conception computationnelle alors que je ne suis pas formé pour cela. C’est passionnant, car de nombreux créatifs n’apprennent pas à tirer profit de l’informatique. L’intelligence artificielle est donc un moyen de libérer les concepteurs de l’obligation d’apprendre les tenants et aboutissants du développement informatique, et rend des technologies complexes accessibles à un autre public que les technologues.
En illustration principale : l’une des œuvres numériques de Joshua Vermillion, des lampes inspirées des méduses.