● Mathieu Lapôtre et son équipe de Stanford ont développé SandAI, un modèle d’IA qui analyse les textures des grains de sable avec une précision de 90% et aide à comprendre l’origine géologique des roches.
● SandAI pourrait avoir des applications en géoarchéologie et en sciences judiciaires, par exemple pour identifier des matériaux déplacés par les humains ou pour lutter contre l’extraction illégale de sable.
Pour aider à comprendre comment se sont formés les continents ou comment le climat a évolué sur terre depuis des centaines de millions d’années, les géologues analysent les motifs sur les grains de sable, grâce à des microscopes électroniques à balayage, qui permettent d’observer les textures des grains à l’échelle du micromètre. « Cela permet de savoir comment ces grains de sable ont été transportés, car les textures permettent de déduire les collisions rencontrées par les grains de sable, et donc de savoir s’ils ont été transportés par l’eau, l’air, etc. », explique Mathieu Lapôtre, un Français qui enseigne à Stanford, à la tête du groupe de recherche Earth & Planetary Surface Processes. « C’est un travail laborieux et les interprétations peuvent malheureusement varier d’un géologue à l’autre », poursuit-il. Il a donc codéveloppé un outil d’intelligence artificielle baptisé SandAI qui pourrait aider les géologues et aussi ouvrir de nouvelles voies aux géoarchéologues ou encore aux sciences judiciaires.
Nous avons obtenu une précision de 90%, ce qui nous a permis de prouver que l’IA peut être utilisée pour interpréter l’origine des roches.
Arbitrer l’origine des roches grâce à l’IA
« Nous avons collecté des échantillons de sable provenant de dunes, de rivières, de plages, et de dépôts glaciaires, dont l’environnement de transport est connu. Nous avons pris des photos des grains au microscope et les avons données à l’IA, en indiquant simplement leur origine. À aucun moment nous n’avons appris au modèle à reconnaître des textures spécifiques. » Le système a ensuite été testé une première fois pour analyser des sables modernes provenant de lieux inconnus par SandAI. « Pour le second test, nous avons donné des extraits de plusieurs grès (roche sédimentaire constituée de grains de sable collés les uns aux autres) dont l’origine a été déterminée de manière indépendante et qui dataient de périodes se situant entre . Nous avons obtenu une précision de 90%, ce qui nous a permis de prouver que l’IA peut être utilisée pour interpréter l’origine des roches. »
Enfin, les chercheurs ont pris l’exemple d’une roche découverte en Norvège dont l’origine était contestée et d’âge Cryogénien – avant l’arrivée des plantes et des poissons sur terre. « Différents groupes de géologues ont proposé différentes interprétations et l’IA nous a permis de déterminer que 84% de l’environnement de transport des grains étaient d’origine éolienne et 16% d’origine glaciaire. L’IA est donc utile dans les contextes où on a peu d’indicateurs de paléoenvironnement ou alors dans l’exploration pour les ressources énergétiques, dans l’analyse des carottes de forage. »
Des usages élargis en sciences judiciaires et géoarchéologie
« Cet outil pourra être utilisé à d’autres fins, par exemple en géoarchéologie. Dès qu’il y a eu des humains sur terre, on a observé des migrations et ils ont transporté des matériaux. Cela permettra de mieux déterminer leur source et les lieux qu’ils ont pu occuper, ou les rivières qu’ils ont fréquentées. » De même pour les sciences judiciaires par exemple pour déterminer si du sable utilisé dans la construction est d’origine illégale. « Il existe un grand nombre de mines d’extraction illégale de sable, qui est le matériau le plus utilisé sur terre. Ces usages ont des conséquences environnementales importantes, comme l’érosion côtière. » L’outil SandAI offre alors de nouvelles opportunités d’investigation aux organes régulateurs.
Sources :
Automated determination of transport and depositional environments in sand and sandstones (en anglais)
En savoir plus :
An AI tool for scanning grains of sand reveals volumes about the past (en anglais)