Il est 14 h en ce jeudi printanier, la Gaîté lyrique ouvre ses portes et accueille, comme chaque jour, des dizaines de visiteurs venus explorer les innombrables ressources dédiées à la culture numérique dont regorge l’établissement de la mairie de Paris situé à dix minutes à pied du Centre Pompidou. Pionnier en la matière, le lieu cherche constamment à attirer des publics de plus en plus éclectiques.
Ce jour-là, au premier étage, Théo Kuperholc attend quatre invitées atypiques. Jeune animateur et documentaliste de l’Espace jeux vidéo, il présente chaque semaine « Game Older », un atelier gratuit dont l’objectif est d’accompagner les seniors dans la découverte de ce « nouveau » medium (1).
Si elles se veulent pédagogiques, ces sessions hebdomadaires, qui mêlent histoire du jeu, glossaire et pratique, s’éloignent le plus possible des méthodes hypothético-déductives scolaires pour privilégier l’intelligence intuitive, par l’expérimentation, l’échec et l’autonomie.
Un apprentissage progressif et sans contraintes
« Souvent, les participants commencent leur relation avec les jeux convaincus qu’ils ne savent pas faire ou qu’ils vont être nuls, explique Théo, mais rapidement, par la pratique, ils comprennent que se servir d’une manette n’est pas plus compliqué que d’utiliser la télécommande de la télévision. »
Loin des clichés véhiculés autour du jeu vidéo ‒ souvent vu comme un divertissement violent, abrutissant ou réservé à un public adolescent ‒, « Game Older » se pose comme une respiration où l’apprentissage du numérique est progressif et sans contraintes.
Cela passe naturellement par une sélection très éditorialisée des jeux présentés dans l’espace, comme l’explique l’animateur : « Nous essayons de choisir des jeux qui collent aux temps forts de la Gaîté lyrique, comme nos thèmes d’exposition, au même titre que le reste du centre de ressources. Entre les temps forts, nous sélectionnons des jeux à partir d’une veille que nous effectuons toute l’année. ».
« Je suis bloquée, mais je vais y arriver »
Monument Valley, Fotonica, Back to Bed : parmi l’ensemble des titres installés sur les différentes bornes ce jour-là, tous ont une proposition artistique ou une mécanique innovante pour dépasser le stade du simple logiciel ludique. Lors des ateliers « Game Older », les seniors
« On ne fait aucun jugement de valeur lors de la sélection des jeux présentés, mais nous voulons faire découvrir aux gens de nouvelles visions du jeu vidéo. Nous mettons l’accent sur les jeux innovants, qui présentent quelque chose d’original », explique Théo.
« Celui-ci est génial, c’est de l’art logique, j’ai passé les trois dernières séances à y jouer », explique une senior visiblement passionnée par Echochrome II, un jeu de réflexion et d’énigmes, où le joueur doit manipuler une source de lumière pour tracer un chemin fait d’ombres dans un univers graphique très inspiré par l’artiste Maurits Cornelis Escher. « Je suis bloquée, mais je vais y arriver », dit une autre, soutenue par une troisième qui lui prodigue quelques conseils sans pour autant lui révéler la solution.
Des aptitudes accrues
Dans cette ambiance bon enfant, les participantes ‒ le hasard fait que cette promotion est 100 % féminine ‒ semblent avoir appris à se connaître et à s’apprécier par le prisme du jeu vidéo et des défis qu’il propose. « Je ne me sens pas vieille, mais je vois bien, à travers les jeux vidéo, que ma génération et celle de mes enfants ne pensent pas du tout de la même façon », expliquait une autre « old-gameuse » il y a quelques années.
Pour sûr, son assiduité à l’atelier a changé la donne, car la science a, à plusieurs reprises, démontré que la pratique du jeu vidéo pouvait accroître les aptitudes visuelles et augmenter le volume de matière grise.
Quant à l’avenir de cette initiative, Théo se veut enthousiaste : « Nous étudions principalement des jeux vidéo, mais aussi des jeux de société, des applications sur smartphone et tablette, souvent selon le calendrier des sorties. Naturellement, avec le temps, nous serons moins sur un public éloigné des jeux vidéo par leur âge qu’un public éloigné culturellement. Dans le futur, nous envisagerons peut-être des ateliers moins générationnels, avec un public plus mixte. »
Une formidable intention déjà esquissée en 2016 à l’occasion d’un tournoi « Game Older » permettant de partager ce loisir avec les plus jeunes.
(1) Les ateliers « Game Older » sont organisés tous les jeudis de 14 h à 16 h à la Gaîté lyrique. Informations et inscriptions : https://gaite-lyrique.net/atelier/game-older