“Utiliser le jumeau numérique de chaque personne et non un modèle unique pour tester un nouveau vaccin est particulièrement efficace”
Un jumeau numérique est une représentation numérique d’entités du monde réel – un objet, un système ou un processus – synchronisé avec le monde réel. Grâce à des capteurs qui remontent l’information et des connexions les objets de l’Internet des objets (IoT) bidirectionnelles, cette technologie permet de synchroniser l’environnement numérique avec le monde physique et inversement. Toute modification du monde matériel est reflétée sur la représentation numérique (le jumeau) et une rétroaction similaire s’opère dans l’autre sens.
Une brique essentielle du métavers
Ces propriétés intrinsèques font du jumeau numérique l’une des briques fondamentales du métavers. Si ce dernier pourra accueillir les mondes virtuels et les expériences les plus fantaisistes, il proposera aussi de nombreux usages liés à une réplication exacte du réel. Imaginez : si vous vous promenez dans la boutique virtuelle d’un créateur de mode, pour essayer des vêtements avant de les acheter, vous préférerez sans doute que votre avatar suive vos mensurations réelles – par exemple mises à jour en continu avec les données des photos de votre smartphone ou celles de votre pèse-personne connecté. Dans le cadre professionnel, une réunion dans le métavers sera d’autant plus productive si les participants peuvent interagir avec une réplique exacte des équipements et du système d’information de l’entreprise. Dans la formation technique existent déjà des applications permettant à des techniciens de manier des représentations en 3D de systèmes complexes : demain, on pourra récréer dans le métavers un atelier de maintenance complet, rempli des jumeaux numériques des machines à entretenir, de tous les outillages nécessaires, et potentiellement connecté voire superposé à un atelier bien réel permettant n’importe quelle opération à distance. Dans le domaine commercial comme technique, B2C comme B2B, les applications du jumeau numérique dans le métavers commencent à peine à être explorées.
Visualisation, test de reparamétrage… une myriade d’applications
Cette notion de jumeau numérique n’est cependant pas récente. Elle a vu le jour dans les industries automobile et aéronautique afin d’optimiser le fonctionnement et la maintenance d’équipements industriels à partir de leur réplique numérique. Depuis, l’usage des jumeaux numériques s’est élargi à d’autres domaines, comme la ville, le bâtiment, la logistique ou la médecine. Certains usages sont simples : numérisation d’information d’un produit ou d’une machine industrielle pour refléter son évolution tout au long du cycle de vie du produit ; visualisation 3D d’une ville qui permet aux citoyens ou acteurs économiques de naviguer dans cette représentation graphique et d’y découvrir de futurs projets urbains.
D’autres usages sont plus sophistiqués. L’utilisation du jumeau numérique d’une voiture pour simuler son comportement permet de trouver les bons réglages en changeant des paramètres de la voiture virtuelle et de les reproduire sur la future voiture lors de sa construction, avec des gains de temps et une réduction des coûts.
L’application du jumeau numérique sur le corps humain est particulièrement transformative. “L’effet d’un vaccin est différent sur chaque personne, explique Thierry Coupaye, Directeur de recherche IoT chez Orange Innovation. Utiliser le jumeau numérique de chaque personne et non un modèle générique de l’être humain pour tester un nouveau vaccin est particulièrement efficace et permet d’accélérer sa mise sur le marché.” Demain, avec l’intégration des technologies de big data et d’intelligence artificielle, le jumeau numérique permettra de prédire le comportement de l’entité physique. Les applications sont sans limite, comme le montre ce grand projet européen de créer un double numérique de l’Océan !
Un enjeu de recherche majeur
Chez Orange Innovation, les recherches sur le jumeau numérique ont démarré dès 2016, dans le cadre des travaux de recherche sur l’Internet des Objets. C’est dans cette optique qu’a été créée Thing’in, plateforme de recherche collaborative qui permet de développer des cas d’usage concrets à partir de la représentation numérique d’objets. “Nous travaillons sur des projets très avancés dans le domaine de l’industrie 4.0, de la logistique, du bâtiment au niveau européen ou encore de la ville intelligente pour permettre aux habitants de signaler des équipements défectueux dans la ville, comme une branche sur une route ou un pont cassé”, raconte Thierry Coupaye.
“Plusieurs visions du métavers cohabitent, poursuit le chercheur. Certains acteurs ont des visions essentiellement synthétiques avec une capture figée du monde physique à l’instar de Meta (Facebook) ou Roblox, tandis que d’autres perçoivent le métavers comme une photo de la réalité évolutive et synchronisée avec le réel. Dans cette deuxième vision, qui est d’ailleurs partagée par des acteurs clés comme Microsoft, Nvidia, Epic Games (créateur du jeu Fornite) ou Niantic (créateur de Pokemon Go), c’est le jumeau numérique qui permet cette synchronisation en temps réel avec le monde physique.”
Au-delà des technologies nécessaires pour “donner vie” aux jumeaux numériques dans le métavers, la question des usages est centrale. Selon Thierry Coupaye, “il est bien sûr important d’explorer quelles applications concrètes et solutions commerciales pourraient un jour arriver sur le marché.”