● Ces outils permettent aux opérateurs d’avoir des informations en temps réel et d’adapter leur stratégie pour valoriser les déchets et optimiser les coûts.
● Ils offrent également la possibilité de repérer des objets qui ne peuvent pas être triés pour adapter les campagnes de sensibilisation, ou encore les objets dangereux comme les bonbonnes de gaz.
Comment savoir précisément ce que les camions-bennes collectent à destination du recyclage ? Quelles solutions pour analyser avec précision les flux de déchets ? Un vrai casse-tête pour les opérateurs de service public comme les collectivités territoriales, désormais sommés de valoriser les déchets. « Jusqu’au début des années 2000, personne ne voulait voir ce qu’il se passait sur le marché des déchets. La plupart étaient enfouis ou brûlés. La filière doit collecter des flux séparés et de passer d’une industrie de volume à une industrie de précision », explique Marjorie Darcet, la fondatrice de Lixo. Cette jeune entreprise propose des solutions technologiques aux collecteurs, centres de tri et recycleurs, pour caractériser les déchets en temps réel et dégager des données, indispensables aux stratégies de valorisation des déchets, grâce à l’intelligence artificielle. Comme son concurrent Ficha, cette société a développé des technologies alliant computer vision et machine learning qui permettent à ses clients de tracer les déchets et de savoir ce qu’il se passe sur la chaîne de valeur. Une aubaine pour toute la filière : dans un contexte de renforcement des taxes et des réglementations en matière de gestion des déchets, ces données ont une valeur tant économique qu’environnementale.
Nous arrivons à reconnaître les bouteilles d’eau, les déchets végétaux, les cartons ou les sacs noirs avec une précision de l’ordre de 95 %.
Reconnaître les déchets dans les camions-bennes
Pour collecter ces données, Lixo a développé des boîtiers intégrant des caméras miniaturisées. Ces derniers peuvent être installées chez les collecteurs qui opèrent les camions-bennes, les recycleurs ou dans les centres de tri. Ils contiennent des algorithmes de reconnaissance d’images spécifiquement entraînés pour reconnaître les déchets. La start-up Ficha mise, quant à elle, sur la conception de bacs de tri spécifiques, appelés « cocons », qui intègrent des dispositifs de reconnaissance de déchets.
Pour ces entreprises, la difficulté reste d’entraîner des algorithmes à identifier des objets souvent très déformés. « Nous arrivons à reconnaître les bouteilles d’eau, les déchets végétaux, les cartons ou les sacs noirs avec des degrés de précision de l’ordre de 95 % », précise Marjorie Darcet. Ces systèmes sont également entraînés pour reconnaître des objets plus rares, comme des bonbonnes de gaz, en raison des dangers que ceux-ci peuvent représenter s’ils se trouvent dans une benne de tri. Le cofondateur de Ficha, Hubert Ménard, souligne que sa technologie « permet de catégoriser les déchets en tirant des statistiques sur les déchets présents dans les bacs, afin de détecter les erreurs de tri et identifier les zones qui ne sont pas trieuses ».
Des campagnes de sensibilisation à l’optimisation des coûts des opérateurs
Assemblé en France, le boîtier de Lixo analyse les données et les transmet en temps réel. Sa fondatrice précise : « Il peut fonctionner dans des conditions drastiques, car les camions passent de – 10°C l’hiver à 40°C l’été, et sont nettoyés à haute pression. Les caméras doivent résister à ces conditions. » Il est possible de fournir des données pertinentes et représentatives en n’équipant qu’une partie du parc de camions : « On vend des données et des outils qui permettent aux opérateurs de les interpréter. Par exemple, si une collectivité se rend compte que 30 % des flux collectés dans les poubelles de tri n’ont pas à y être, ces 30 % de flux vont encombrer la filière, coûter de l’argent et ne pourront pas être valorisés, alors qu’ils pourraient être réorientés et envoyés dans un centre de pré-tri. »
En France, le Plan national de prévention des déchets 2021-2027 a fixé comme objectif de réduire de 15% les quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant, ce qui nécessite de vastes campagnes de sensibilisation. Ces données peuvent donc permettre aux collectivités d’adapter leurs campagnes de sensibilisation en ayant des éléments concrets et en phase avec le terrain, et aux opérateurs comme Veolia ou Suez de faire valoir leur performance. « Une partie de leur rémunération est indexée sur la qualité de ce qui est collecté, ils ne sont pas uniquement payés au volume et au nombre d’habitants. » Ces acteurs ont donc besoin d’analyser et de mesurer la qualité de leurs flux de déchets. « S’ils ont recours à un cabinet d’études, ce dernier n’analysera qu’une dizaine de kilos de déchets et ce ne sera pas en temps réel. Notre solution leur permet de passer en revue entre 400 et 500 bacs, de 30 à 40 kg chacun. »