● Une analyse des écosystèmes est réalisée en amont et le suivi des projets est assuré dans le temps grâce aux données satellitaires et aux drones. Ces derniers sont capables de semer plusieurs milliers de capsules contenant différentes semences.
● Morfo répond à différents types de projets, principalement au Brésil et en Afrique équatoriale, et mise sur sa capacité à analyser des données pour fournir la solution la plus précise.
La restauration des forêts est un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Dans le rapport présenté en marge de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030, il est rappelé que « le monde doit respecter son engagement de restaurer au moins un milliard d’hectares de terres dégradées au cours de la prochaine décennie – une superficie équivalente à celle de la Chine ». « La difficulté, c’est le passage à l’échelle », estime Adrien Pages, l’un des cofondateurs de Morfo, une start-up présente au salon ChangeNow qui propose des solutions technologiques d’aide à la reforestation. « La restauration qui a actuellement lieu est souvent en monoculture alors qu’il faut restaurer des écosystèmes entiers et complexes. On doit, en amont, être capable de les comprendre. Il faut par ailleurs des outils capables de suivre les projets de reforestation, ce qui n’est pas toujours évident quand les terres sont peu accessibles. » C’est là que la technologie intervient : grâce à des drones agricoles équipés d’outils de vision assistée par ordinateur et d’algorithmes de machine learning, Morfo est capable de récupérer des données sur les écosystèmes pour comprendre les plantations. En collaboration avec des équipes scientifiques de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Morfo étudie la complexité des interactions entre les plantes et les micro-organismes pour créer les écosystèmes les plus propices à restaurer les sols qui ont été dégradés par l’agriculture intensive ou les méga-feux.
Il est impossible de recréer un écosystème à l’identique ; l’objectif est de remettre en marche sa régénération
Entre 3000 et 4000 capsules par drone
« Quand l’étude terrain est faite, c’est-à-dire quand on a croisé les données des drones avec des relevés sur le terrain et des images satellitaires, on peut s’attaquer au projet de reforestation. » Pour ce faire, Morfo intègre dans des capsules des semences de plusieurs espèces dont la germination a été activée. Les capsules contiennent également des micro-organismes pour permettre à ces graines d’être protégées. « Elles sont ensuite répandues par zone en fonction d’un schéma de plantation conçu en amont que seuls des drones peuvent reproduire. » L’idée : faire en sorte de créer un schéma de plantation qui respecte la topographie, les différents sols présents et même la qualité de l’eau. « Un drone est capable de couvrir un hectare, et d’embarquer entre 3000 et 4000 capsules. Nous visons jusqu’à 20 essences par projet. Une fois la plantation effectuée, nous passons au suivi, c’est-à-dire que l’on utilise les drones pour suivre la biomasse, la biodiversité et les stocks de carbone », précise Adrien Pages. L’entrepreneur prévient néanmoins qu’il est impossible de recréer un écosystème à l’identique, mais que l’objectif est de remettre en marche sa régénération, notamment pour attirer la faune qui a un rôle important dans la répartition des graines.
Des projets de différente nature
À ce jour, Morfo travaille sur des projets principalement en Afrique équatoriale et au Brésil, dans la forêt atlantique, qui est la plus dégradée au monde. Cette dernière est une zone critique de biodiversité et a perdu plus de 80% de sa végétation originale. « Notre objectif est également d’avoir un impact social, puisque l’approvisionnement en semences se fait localement, dans l’idée de créer de l’emploi local. » Si la start-up a levé 4 millions d’euros fin 2022, elle se développe également grâce à des revenus issus du financement des projets de reforestation. Ces projets peuvent être issus des contraintes légales imposées à des entreprises privées dans le BTP, dans l’éolien, ou à des entreprises extractives, qui doivent compenser leur empreinte carbone. Certains sont également issus d’initiatives publiques. Exemple : à São Sebastião au Brésil, des glissements de terrain dévastateurs nécessitent de replanter rapidement des écosystèmes pour éviter ce type de catastrophe. « Des projets de restauration sont financés au Brésil via des compensations carbone à haute valeur environnementale et sociétale. » D’après l’entrepreneur, les outils de suivi de projet rendus possibles par sa technologie devraient permettre une grande transparence.