● En s’appuyant sur les processus de recherche traditionnels et en se nourrissant de données issues de tests, ces IA permettent aux laboratoires de gagner du temps et de maximiser la réussite des tests.
● Ce nouveau paradigme permet d’obtenir des réponses d’éligibilité de certaines molécules en quelques millisecondes tout en appréhendant de nombreux paramètres, grâce à l’apprentissage par renforcement.
Les procédés traditionnels visant à découvrir de nouvelles molécules pour traiter des maladies sont coûteux, longs et fastidieux. L’utilisation d’outils d’intelligence artificielle change ce paradigme. Le 25 mai, un groupe de chercheurs, dont certains du MIT, publiaient un article de recherche dans Nature Chemical Biology, indiquant avoir certainement identifié un nouvel antibiotique capable de tuer l’Acinetobacter baumannii, une bactérie responsable de nombreuses infections résistantes aux médicaments comme la pneumonie ou la méningite. Les chercheurs ont identifié ce médicament potentiel grâce à un modèle de deep learning formé pour évaluer des composés chimiques, à partir d’une bibliothèque de 7.000 composés médicamenteux.
Imaginer de nouvelles molécules via un modèle de langue
En France, la société Iktos, entre autres, s’est spécialisée dans la découverte d’éléments chimiques pour l’industrie pharmaceutique. Son dirigeant, Yann Gaston-Mathé, en détaille les implications : « L’IA permet d’aller plus vite dans la synthèse et les tests des molécules. Elle peut remplacer des tests expérimentaux par des tests virtuels pour savoir comment des molécules vont se comporter. » La condition est néanmoins de disposer d’importantes bases de données d’informations expérimentales sur des molécules déjà connues, afin de construire des modèles de machine learning capables de prédire si une nouvelle molécule a le potentiel d’être éligible pour un médicament. « Désormais, on peut obtenir ce type de réponse en quelques millisecondes », précise l’entrepreneur. Ces outils d’intelligence artificielle fonctionnent de manière assez similaire à ChatGPT : tout comme les modèles de langues, il s’agit de systèmes d’IA générative conçus pour trouver de nouvelles molécules, à partir de données existantes.
Cibler de manière sélective une protéine qui intervient dans un processus pathologique, revient à trouver une aiguille dans une botte de foin.
D’innombrables paramètres à prendre en compte
Il est difficile de trouver de nouvelles molécules : « Quand on cherche un nouveau médicament, on part d’une cible, c’est-à-dire un mécanisme biologique avec lequel on souhaite interférer pour avoir un effet positif dans une maladie, explique Yann Gaston-Mathé. Le plus souvent, il s’agit d’une protéine qui va intervenir dans un processus biologique. On essaie donc de trouver un moyen de bloquer les fonctions pathologiques d’une protéine grâce à une molécule. » Or, cibler de manière sélective une protéine qui intervient dans un processus pathologique, revient à trouver une aiguille dans une botte de foin. « On doit être d’autant plus sélectifs qu’il y a plus de 20.000 protéines différentes dans le corps et on ne veut pas que la molécule qui servira de médicament impacte les autres et implique des effets plus larges que désiré, avec des toxicités potentielles. » La molécule doit aussi être soluble pour être absorbée, perméable aux cellules intestinales, et capable de passer le métabolisme hépatique, c’est-à-dire de ne pas être détruite par le foie avant d’arriver aux cellules pathologiques. Le nombre de paramètres devient peut vite devenir considérable.
Un générateur de molécules
« Comme avec ChatGPT, on demande à une machine d’imaginer de nouvelles molécules en donnant des informations de contexte, comme des scores de solubilité, etc. Grâce à l’apprentissage par renforcement, on obtient des résultats plus précis, puis nous pouvons renvoyer au générateur de molécules davantage d’information suite à des tests. C’est ainsi que le système peut apprendre à générer de meilleures molécules. » Ce modèle s’inspire en réalité de la chimie traditionnelle, en synthétisant des molécules ; une fois nourri de données issues de tests, il est capable d’orienter les chercheurs vers la bonne direction. Il permet de gagner un temps considérable et de limiter les échecs lors de tests.
Le design de molécules n’est pas l’unique manière dont l’IA est exploitée dans la recherche pharmaceutique. Des sociétés comme Owkin cherchent quant à elles à trouver de nouvelles cibles thérapeutiques. D’autres, très ambitieuses, se sont donné pour objectif de remplacer les essais cliniques, dont le processus peut prendre une dizaine d’années, par des essais virtuels, afin de simuler les résultats des essais cliniques pour optimiser leurs chances de réussite.